Un autre Noël à oublier pour des Québécois
Cette fois, des pannes de courant sont venues ruiner les plans de ceux qui prévoyaient fêter en famille
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Pour des milliers de Québécois sans électricité, la féérie de Noël a foutu le camp. Les 24 et 25 décembre, au lieu de cuisiner la dinde et de voir aux derniers préparatifs pour une traditionnelle réception, les familles couraient après les génératrices, les chandelles et les couvertures chaudes.
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«On va s’en souvenir, ça fait trois ans qu’on n’est pas capable d’avoir un Noël normal», lance Yannick Plamondon, un résident de Tewkesbury, près de Stoneham, au nord de Québec.
Les citoyens du secteur ont été parmi les plus touchés au Québec ; certains résidents en étaient, hier, à une quatrième journée sans courant.
Plusieurs se rendaient au centre communautaire du village pour prendre une bonne douche chaude, un geste banal devenu un luxe.
La route de Tewkesbury est d’ailleurs encore fermée à la circulation parce que plusieurs poteaux électriques sont tombés en raison de la force des vents.
Inquiétude des proches
Les pannes ont aussi provoqué beaucoup d’inquiétude chez les proches et les amis des citoyens touchés. «On était coupés du reste du monde, on était vraiment isolés, pas de réseaux cellulaires, pas d’internet wifi, rien ne fonctionnait», affirme Gaétane Deschênes, directrice des loisirs à Stoneham, mais aussi responsable de l’aide aux sinistrés.
«Une première en 45 ans! s’exclame la conseillère municipale Gaétane St-Laurent. Des vents d’une violence exceptionnelle, plus de 72 heures sans électricité et à Noël en plus, c’est du jamais vu.»
Pendant ce temps, à Québec, un homme de 85 ans vivant seul s’est réfugié au Centre communautaire Claude-Allard le soir de Noël. Voyant l’homme désorganisé, ce sont des voisins qui l’ont convaincu de dormir au chaud.
«Les intervenants lui ont peut-être sauvé la vie. Ils sont allés chercher ses médicaments et le monsieur est resté pour la nuit», raconte Vincent Dallaire, un résident du secteur de Sainte-Foy qui cherchait également un toit pour quelques heures (voir autre texte).
Pas avant mercredi soir
Hier en début de soirée, 48 000 clients d’Hydro-Québec étaient toujours sans électricité. Selon la société d’État, la majorité de ces abonnés devaient être rebranchés d’ici mercredi soir.
Comme depuis le début de la tempête vendredi, c’est la Capitale-Nationale qui était la région la plus touchée, avec encore un peu plus de 16 000 foyers dans le noir.
La situation à Saint-Raymond, dans Portneuf, était également peu commode, car 3000 des 6800 clients n’avaient pas de courant.
La maire Claude Duplain a même montré des signes d’impatience, déplorant le manque de communication avec les équipes d’Hydro-Québec.
Hier, près de 1200 employés étaient sur le terrain pour tenter de rétablir l’électricité le plus rapidement possible.
Une bonne samaritaine
Résidente dans un HLM à Québec, Monique Fougères a sacrifié sa soirée de Noël pour aider des personnes âgées. Elle aurait pu se rendre chez ses enfants, mais elle est plutôt restée avec des gens dans le besoin. «Ç’a cogné à ma porte et une voisine m’a dit : “Monique, je ne suis pu capable, je veux que tu m’aides” [...] Je ne voulais pas la laisser tomber», raconte la bonne samaritaine. Depuis, six locataires ont pris le taxi pour trouver refuge au Centre communautaire Claude-Allard, à Québec. «Le personnel est sympathique. Ils nous ont tellement aidés», précise la dame, qui a versé quelques larmes quand le maire de Québec, Bruno Marchand, est passé les voir en guise de solidarité.
Dormir sur des matelas d’exercice
Sans électricité depuis quatre jours, Vincent Dallaire et sa conjointe ont dû trouver des solutions de rechange pour le coucher. Vendredi, ils ont décidé de revenir dans leur maison, mais avec le mercure qui est descendu en bas de 10 degrés à l’intérieur des murs, ils ont vite déchanté. Le couple a donc passé le réveillon de Noël au Centre communautaire Claude-Allard, dans le secteur de Sainte-Foy. Le problème, c’est que leurs proches aussi étaient sans électricité. «Dormir sur des matelas d’exercice, ce n’est pas l’idéal, mais au moins nous étions au chaud», explique M. Dallaire. Malgré toutes les précautions prises pour éviter que les tuyaux gèlent, celui-ci s’inquiète de l’état de sa maison au retour.
Reprendre le temps perdu
Sans courant et isolés seuls chez eux pour le réveillon à cause du mauvais temps, Nelly Bouchard et son conjoint ont entrepris de célébrer Noël presque chaque soir d’ici le jour de l’An pour reprendre le temps perdu. «C’est la première fois que je n’ai pas pu la fêter avec ma famille. Ça m’a tellement fâché...», raconte la jeune femme de 24 ans qui habite à Sept-Îles, sur la Côte-Nord. Son conjoint et elle ont dû se contenter de jouer aux cartes en s’éclairant à la chandelle et avec un ingénieux système impliquant des lampes et des gallons de vinaigre. La dinde a laissé place à des œufs à la coque et des pâtes cuites sur le poêle à bois. «Noël, c’est ma fête préférée. Donc on a mis les bouchées doubles avec des partys jusqu’au 30 décembre!» lance Mme Bouchard.
Les beaux-parents à la rescousse
Yannick Plamondon et Anne Chevalier ont dû quitter leur résidence de Tewkesbury pour célébrer Noël. «Une chance, les beaux-parents ont une génératrice et un poêle à bois», mentionne l’homme. Le couple qui devait recevoir la famille a donc changé ses plans à la dernière minute et paqueté le véhicule de bouffe en direction de la demeure des parents de madame. Les onze invités se sont entassés près du foyer pour jouer à des jeux de société. Même s’ils n’ont pas couché dans leur maison depuis vendredi, les amoureux gardent le moral. «C’est juste que je n’avais pas prévu passer mes vacances à transporter du gaz pour la génératrice», conclut le conjoint.
Un Noël d’antan
Même si sa demeure s’est retrouvée dans le noir deux jours avant Noël, Sonya Jean a décidé d’accueillir sa famille pour le réveillon, incapable de se priver de célébration pour une troisième année de suite. «À cause de la pandémie, ça faisait deux ans qu’on n’avait pas fêté Noël comme il se doit. On ne pouvait pas passer tout droit encore», lance la dame qui demeure à Saint-Gabriel-de-Valcartier. Faisant appel à son «système débrouillardise», Mme Jean et sa famille ont allumé le foyer et des chandelles, ainsi que le barbecue pour le repas, tout en accueillant une quinzaine d’invités. « Plusieurs ont dormi près du foyer, on avait l’impression qu’on fêtait un Noël d’antan. Ça a vraiment été un succès!» affirme-t-elle.