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Quand un juge raciste tombe

Roger B. Taney
Photo Bibliothèque du Congrès Roger B. Taney

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Joe Biden apposait mardi sa signature au bas d’un projet de loi qui aura pour effet de retirer du Capitole le buste de Roger B. Taney, ancien juge de la Cour suprême (1836-1864).

Pas de wokes en 1857

Les historiens évitent habituellement de trancher les débats entourant la commémoration de personnages importants de l’histoire. Ils insistent plutôt sur la nécessaire perspective liée à la réflexion et la contextualisation.

On assiste de plus en plus régulièrement au retrait de statues de figures qu’on n’aurait pas osé évoquer il y a peu encore. Il s’en trouve chaque fois pour agiter ce qui est devenu un terme vide de sens. «Woke!» lance-t-on dès qu’on remet en question le passé.

Pourtant, le retrait du buste de Taney du bâtiment qui abrite les deux chambres du pouvoir législatif tombe sous le sens. «Tous les hommes naissent libres et égaux», écrivait Thomas Jefferson dans la déclaration d’indépendance. En 1857, le juge sudiste a précisé que la formule du texte fondateur ne s’appliquait nullement aux personnes de couleur.

Alors que le débat entre abolitionnistes et esclavagistes faisait rage, que les multiples compromis entre le Nord et le Sud ne suffisaient plus à maintenir la paix et qu’un affrontement au Kansas (1854) constituait un prélude à un affrontement embrasant tout le pays, le juge Taney a rédigé ce que plusieurs constitutionnalistes considèrent comme le plus mauvais jugement rendu par le plus haut tribunal.

En 1857, Dred Scott et sa famille attendaient impatiemment la fin d’un long processus judiciaire de 10 ans. L’esclave poursuivait son maître parce qu’il prétendait qu’avant de retourner au Missouri, État esclavagiste, il avait suivi son propriétaire dans des États et territoires qui ne pratiquaient pas l’esclavage. De ce fait, on aurait dû reconnaître son statut d’homme libre.

Rédigeant le texte de la décision pour la majorité, Roger B. Taney fut brutal. Il affirmait que les Noirs ont toujours été considérés comme inférieurs aux Blancs et que, libres ou esclaves, ils n’étaient pas des citoyens des États-Unis. Le droit des propriétaires d’esclaves serait d’ailleurs protégé par le cinquième amendement.

Il va ensuite bien au-delà de son mandat en affirmant que toute tentative de limiter l’esclavage sur le territoire américain est anticonstitutionnelle. Il s’agit alors d’une victoire totale pour le Sud.

Non seulement ce jugement va soulever les passions à la veille de la guerre de Sécession, mais les arguments de Taney confirmaient l’infériorité des Noirs tout en protégeant les droits des États du Sud. Quatre ans plus tard débutait le pire conflit de l’histoire des États-Unis.

Belle reconnaissance pour Thurgood Marshall

Thurgood Marshall
Photo Bibliothèque du Congrès
Thurgood Marshall

L’identité du successeur de Taney au Capitole est hautement symbolique. Thurgood Marshall fut non seulement le premier juge noir à siéger à la Cour suprême, il fut aussi un brillant avocat dont la carrière fut intimement liée à la lutte pour la reconnaissance des droits civiques des Noirs. Comme avocat, il a plaidé 32 fois devant le plus haut tribunal, l’emportant à 29 occasions.

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