L'Université de Sherbrooke ne remboursera pas la session d'une proche aidante qui soigne sa cousine mourante
Une étudiante dénonce le manque d’humanité de son université, qui refuse de lui rembourser les 800 $ payés pour la session qu’elle ne peut compléter parce qu’elle est la proche aidante de sa cousine atteinte d’un cancer en phase terminale.
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« C’est dégueulasse [...] Le choix qu’on me donne, c’est de laisser ma cousine mourir seule. »
Stéphany Beauchamp, 41 ans, est infirmière auxiliaire de métier. Elle enseigne en formation professionnelle en santé.
Elle étudie aussi à temps partiel au campus de Longueuil de l’Université de Sherbrooke (UdeS) en vue d’obtenir un baccalauréat en enseignement professionnel. À raison d’un cours par session, elle accumule les crédits au compte-gouttes depuis 2013 dans le but de se qualifier comme enseignante.
Cet automne, elle est subitement devenue proche aidante quand sa cousine Kathy Layette a appris qu’elle était atteinte d’un cancer du col de l’utérus en phase terminale.
« C’est comme ma sœur », lâche-t-elle.
Tout en travaillant à temps plein comme enseignante, elle a donc passé l’automne à son chevet. C’est elle qui s’occupait de la laver, de lui remonter le moral et de faire le lien avec les médecins.
Date dépassée
Le 11 octobre, elle a écrit à son département pour demander de reporter les frais de scolarité déjà payés à une session ultérieure. Elle a joint un billet de l’oncologue qui l’identifie comme aidante naturelle, dont Le Journal a obtenu copie.
Mme Beauchamp s’est alors butée à un refus catégorique, la date d’abandon sans frais étant dépassée.
« Depuis le 10 septembre 2020, la direction de la Faculté ne nous autorise plus à retirer sans frais des inscriptions pour cause de maladie ou toute autre situation à caractère imprévu et indépendante de la volonté de l’étudiante », peut-on lire dans le courriel de réponse.
Elle a donc le choix entre perdre les 800 $ de frais déjà payés ou négliger sa cousine. « C’est de l’abus financier », peste-t-elle.
Elle a donc demandé un délai pour remettre l’évaluation de son cours de reconnaissance des acquis. Mais voilà que le temps passe et qu’elle ne voit pas comment elle pourra y arriver.
Elle doit rédiger des mises en situation pour les 24 compétences de son métier, explique-t-elle. « À date, j’en ai une et demi de faite [...] J’ai même plus l’énergie d’ouvrir mon laptop. »
Cas par cas
«C’est vraiment choquant [...] La bureaucratie universitaire est parfois sourde et aveugle à ce que l’étudiant est en train de vivre», réagit Samy-Jane Tremblay, présidente de l’Union étudiante du Québec.
En fait, chaque université, et parfois même chaque faculté ou département, a ses propres règles quant à ce genre de décisions, constate Mme Tremblay.
La décision du département en question est d’autant plus étonnante que les demandes d’abandon accompagnées de pièces justificative sont rarement refusées, indique Guillaume Bernard, président de la Fédération étudiante de l’UdeS.
De son côté, la Faculté d’éducation de l’UdeS refuse de commenter les situations personnelles des étudiants. Des accommodements sont mis en place chaque semestre pour des situations d’exception, précise par courriel le vice-doyen Luc Touchette.
Stéphany Beauchamp songe maintenant à faire une demande de révision de la décision.
Quant à Kathy Layette, aux soins palliatifs depuis la fin novembre. Il n’a pas été possible de s’entretenir avec elle en raison de son état de santé.