La réforme des services aux élèves en difficulté suscite espoir et inquiétude
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Alors que des classes débordent d’élèves en difficulté, une vaste réforme du financement des services qui leur sont dédiés est prévue pour la rentrée 2023, suscitant beaucoup d’espoir, mais aussi des inquiétudes dans le réseau scolaire.
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Le Journal rapportait jeudi que dans certaines classes, plus de la moitié des élèves sont en difficulté ou ont des besoins particuliers. Les enseignants, à bout de souffle, réclament des changements afin de mieux tenir compte des besoins de chaque élève lors de la composition des groupes.
De son côté, le ministère de l’Éducation planche depuis déjà quelques années sur une grande réforme du financement des services aux élèves à besoins particuliers qui entrera en vigueur en 2023-2024.
Dans une lettre adressée récemment aux organisations syndicales, Québec réitère son intention de mettre en branle ce grand virage à la rentrée.
- Écoutez une enseignante au primaire via QUB radio :
Projet « 294»
Baptisée «projet 294» dans les officines du ministère, cette réforme vise à modifier les conditions qui entourent l’octroi du financement pour des élèves en difficulté, dont le nombre s’élève à près de 250 000 selon les plus récentes données.
Présentement, un financement spécifique est accordé aux élèves à besoins particuliers sur la base d’un diagnostic. Québec veut établir de nouveaux critères pour l’attribution de ce financement afin de donner plus rapidement des services aux élèves sans attendre une évaluation en bonne et due forme.
Cette réforme est «attendue avec beaucoup d’impatience» dans les rangs des professionnels du milieu scolaire, qui dénoncent depuis des années des «incohérences» qui «engendrent beaucoup de frustrations», affirme Sophie Massé, vice-présidente de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ).
Un élève autiste, par exemple, peut «générer» de 10 à 15 heures de services d’accompagnement par une éducatrice spécialisée. Or cet élève n’aura peut-être pas besoin de ce niveau d’accompagnement s’il fonctionne bien en classe, contrairement à un élève dans le local d’à côté qui n’a pas de diagnostic, mais qui fait constamment des crises.
En mettant de côté les évaluations et la paperasse qui vient avec, les professionnels devraient pouvoir consacrer davantage de temps à la prévention et à l’intervention, ce qui pourrait aussi permettre de rendre le réseau scolaire plus attrayant en contexte de pénurie, espère Mme Massé.
De son côté, le ministère de l’Éducation estime que ces «allègements aux processus administratifs» permettront de libérer 375 000 heures de travail afin d’offrir davantage de services aux élèves, peut-on lire dans une lettre transmise au réseau scolaire en juin à ce sujet.
- Écoutez Simon Landry, enseignant via QUB radio :
Des changements qui se font toujours attendre
Or dès la rentrée 2020, l’ancien ministre Jean-François Roberge avait annoncé la mise en place de cet «allègement bureaucratique», faisant miroiter «plus de 560 000 heures de plus en services directs aux élèves» en contexte de pandémie.
Puisque les nouveaux critères d’octroi de financement n’ont pas été encore déterminés, plusieurs centres de services scolaires n’ont toutefois pas mis en œuvre les changements demandés par crainte de se faire refuser du financement.
Il reste donc encore beaucoup de ficelles à attacher avant que cette vaste réforme ne se concrétise. La Fédération des comités de parents du Québec attend aussi impatiemment l’arrivée de ces changements espérés depuis longtemps.
Projets pilotes
Les projets pilotes, annoncés par Québec dans une quinzaine de centres de services scolaire cette année, n’avaient toutefois pas encore démarré en octobre, selon des informations transmises au réseau scolaire par le ministère de l’Éducation.
Au rythme où vont les choses, certains se demandent si la réforme pourra bel et bien être implantée comme prévu à la rentrée 2023.
Des inquiétudes chez les profs
Le projet 294 suscite par ailleurs beaucoup d’inquiétude dans les rangs des profs, en particulier dans le contexte des négociations qui se déroule présentement dans le secteur public.
Québec veut «réviser» des dispositions de la convention collective des enseignants qui prévoient une réduction du nombre d’élèves dans un groupe en fonction des codes de difficulté qui leur sont attribués, peut-on lire dans le dépôt patronal présenté en décembre.
À la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), on craint que la nouvelle approche préconisée par Québec entraîne plutôt une diminution des services aux élèves.
«Quel chirurgien accepterait de faire une chirurgie s’il n’a pas de diagnostic?» lance sa présidente, Josée Scalabrini. «Si on veut donner un service à un élève, on a besoin de connaître quelle est la problématique et on doit s’assurer que le centre de service a le financement pour lui donner des services auxquels il a droit», ajoute-t-elle.