Glaces fragiles et pertinentes
De grandes performances d’acteurs à La Bordée
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Pièce sur le consentement sexuel et ses ramifications, Les Glaces, de Rébecca Déraspe, est un objet théâtral de grande qualité avec un texte solide, superbement livré grâce à des performances d’acteurs de haut niveau.
À l’affiche jusqu’au 4 février à La Bordée, Les Glaces aborde, en nuances et en sensibilité, un sujet qui est très d’actualité.
La proposition mise en scène par Maryse Lapierre évite habilement la lourdeur et le ton moralisateur. Il y a de l’humour et des moments de légèreté et de tension. Le texte de Rébecca Déraspe est tout en finesse et en humanité.
On expose une situation sous tous les angles, sans éviter les dures réalités et avec, parfois, des scènes très fortes.
Les Glaces, c’est l’histoire de Vincent. Un homme en couple, père d’un jeune enfant qui décide de se rendre dans son patelin natal, à Rivière-du-Loup, pour élucider une agression sexuelle qu’il aurait commise il y a 25 ans.
Les souvenirs de Vincent, interprété par Christian Michaud, sont lointains. Il a de la difficulté à se rappeler ce qui s’est réellement passé. Aujourd’hui, Vincent, qui est professeur d’université, se qualifie de féministe et défend les droits des femmes.
Le flou devient encore plus flou au contact de Sébastien Ouellette (Olivier Normand), son ami d’enfance. L’ami d’enfance est convaincu, pour sa part, que Noémie, la victime, était consentante.
Les gestes ont été commis à une tout autre époque et avec des référents différents d’aujourd’hui.
Troublante
De retour dans la maison de son enfance, Vincent retrouve son père, Richard, ce qui donne droit à de belles scènes entre le fils qui vit à Montréal et son père qui a passé sa vie en région. Daniel Gadouas excelle dans le rôle de ce père d’une autre époque. Il est absolument savoureux.
Tous les comédiens sont excellents. Outre Christian Michaud, Daniel Gadouas et Olivier Normand, on retrouve Valérie Laroche dans le rôle de Noémie, Debbie Lynch-White dans celui de Valérie, sœur de Vincent, Anna Beaupré Moulounda, dans le rôle de Marianne, et Éléonore Loiselle dans la peau de Jeanne.
Cette jeune actrice, qu’on a vue dans la série L’Échappée et dans les films La déesse de mouches à feu et Falcon Lake, est totalement troublante dans le rôle d’une jeune femme récemment agressée. Une présence où l’on constate à nouveau la complexité de porter plainte et faire face, en 2023, aux étapes de ce processus judiciaire.
Coproduction avec le théâtre La Manufacture, Les Glaces lance de belle façon la deuxième portion de la saison 2022-2023. Les comédiens sont excellents, le sujet, avec toutes ses nuances, porte à réflexion, tout en étant divertissant. Malgré près de deux heures sans entracte, on ne voit pas le temps passer. Ça, c’est un bon signe.