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Agression sexuelle: l'ex-député Harold LeBel écope de 8 mois de prison

Le député déchu a pris le chemin de l’établissement de détention menottes aux poignets jeudi matin

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C’est menotté et escorté par les agents correctionnels que le député déchu Harold LeBel a quitté le tribunal jeudi, condamné à une peine d’emprisonnement de huit mois pour une agression sexuelle survenue en 2017.

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Dans les instants suivant la peine prononcée par le juge Serge Francoeur, Harold LeBel, visiblement bouleversé, a tendu les poignets à l’agent correctionnel qui l’accompagnait. Quand le cliquettement des menottes a retenti, le député déchu a jeté un coup d’œil vers les proches qui l’accompagnaient avant de partir pour le premier jour du reste de sa vie.

Même s’il sortira de prison, fort probablement avant l’échéance de huit mois, Harold LeBel portera à vie l’étiquette «d’agresseur sexuel».

«J’espère pouvoir passer à autre chose éventuellement. [...] Le plus dur, c’est d’être vu comme quelqu’un que je ne suis pas», a évoqué le politicien devant la cour, ajoutant ne pas vouloir «devenir un trophée», mais avoir malgré tout des «réflexions» à faire.

«Et je comprends que je vais avoir du temps pour les faire.»

L’ex-député péquiste Harold LeBel écope d’une peine d’emprisonnement de huit mois pour agression sexuelle.
Crédit Pierre-Paul Biron / JdeQ
L’ex-député péquiste Harold LeBel écope d’une peine d’emprisonnement de huit mois pour agression sexuelle.

Tourbillon

La peine de huit mois découlait d’une suggestion commune entre la poursuite et la défense. Une proposition que le juge Francoeur a rapidement entérinée, en rappelant les impacts du crime sur la victime.

«Je garde continuellement en mémoire depuis que j’agis dans cette affaire le tourbillon dans lequel vous avez plongé la victime. Cette jeune femme, malgré une grande force mentale, a vu son monde s’effondrer, trahie par un ami, un mentor en qui elle avait confiance», a déclaré le magistrat lors du prononcé de la peine.

Absente du tribunal et toujours protégée par une ordonnance empêchant de l’identifier, la victime s’est adressée à la cour par la voie d’une déclaration lue par la procureure de la Couronne, Manon Gaudreault. Admettant s’être sentie faible de ne pas avoir repoussé son agresseur et de ne pas l’avoir dénoncé plus tôt, elle a assuré jeudi que c’était maintenant un sentiment de grandeur qui l’habitait.

«Je me sens forte. Forte de m’être levée et d’être allée jusqu’au bout.»

Un cheminement qu’a salué la procureure de la Couronne, qualifiant le dénouement du procès de satisfaisant, d’autant plus qu’il envoie «un message fort». (Voir texte ci-bas).

Pierre-Paul Biron

«Nuit d’enfer»

La plaignante avait relaté aux jurés lors du procès ce qu’elle a qualifié de «nuit d’enfer».

LeBel, qu’elle considérait comme un ami, l’hébergeait dans son condo alors qu’elle était de passage à Rimouski pour le travail. Une troisième personne, une amie des deux impliqués, était aussi présente, mais dormait dans une chambre au moment des faits.

Après une discussion dans la cuisine où Harold LeBel l’a embrassé et un rapprochement dans un corridor où il a défait son soutien-gorge, la jeune femme s’est réfugiée dans la salle de bain et a raconté que le député avait passé un long moment devant la porte.

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Couchée dans un lit escamotable au salon, elle a été rejointe par Harold LeBel qui lui demandait de se coucher avec elle, ce qu’elle a accepté pour «acheter la paix». C’est à ce moment que l’élu a commencé à la toucher, la flatter, avant d’insérer un doigt dans son anus.

«C’était absolument interminable. [...] Je me disais qu’il allait arrêter, qu’il allait s’endormir, mais ça continuait», avait-elle témoigné devant le jury.

Photo d'archives

Pas d’appel

Harold LeBel a toujours nié l’agression, admettant que la victime et lui s’était embrassés et avaient dormi dans le même lit, mais sans plus.

«Je n’ai jamais fait ça», avait-il déclaré durant le procès. Encore lors du prononcé de la peine, LeBel hochait la tête en signe de désaccord lorsque le juge Francoeur faisait un résumé des faits survenus un soir d’octobre en 2017.

Des échanges de courriels où le député écrivait à la femme être «désolé pour tout ça» ont toutefois visiblement semé le doute dans l’esprit du jury qui l’a déclaré coupable.

Harold LeBel avait annoncé juste avant Noël ne pas avoir l’intention de porter la décision en appel. Son avocat avait indiqué que malgré une vive déception, «le juge Serge Francoeur a mené ce procès d’une manière irréprochable».

CAPTURE D'ÉCRAN, TVA NOUVELLES

Deux décisions coup sur coup qui envoient un message fort aux agresseurs

La peine imposée à l’ex-député Harold LeBel et la décision de la Cour d’appel condamnant l’ingénieur Simon Houle à un an de prison sont deux messages forts envoyés coup sur coup aux agresseurs sexuels, se réjouit le directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP).

Photo tirée du profil Facebook de Simon Houle

«La loi est égale pour tous», a rappelé Me Manon Gaudreault, procureure de la Couronne qui a piloté le dossier LeBel, dernier d’une série de procès pour des délits sexuels impliquant des personnalités publiques.

Et avec ces décisions, la loi est également claire, les agressions sexuelles doivent être punies sévèrement.

«À mes yeux, il n’y a pas de petite ou de lourde agression sexuelle. [...] Une agression sexuelle, aussi minime soit-elle, et ce n’est pas le cas ici, doit cesser et j’espère que le présent dossier aura cet effet», a d’ailleurs déclaré le juge Serge Francoeur au moment de condamner Harold LeBel à 8 mois de détention.

Redonner confiance aux victimes

Ce message est une victoire, un pas en avant pour le DPCP.

Parce que malgré ces décisions, il demeure difficile de convaincre les victimes à se lancer dans le processus judiciaire. Le dossier LeBel en est un exemple, la victime ayant mis plusieurs mois avant de prendre la décision de se lancer, hésitant longuement et préférant enfouir au plus profond d’elle-même les conséquences qui découlaient du crime avant de finalement contacter les policiers.

«Pendant deux ans, le déni m’a servi de mécanisme de défense pour affronter la douleur et la honte», a d’ailleurs témoigné à ce sujet la victime dans une déclaration lue en cour jeudi.

«Je pense que ça peut contribuer à redonner confiance aux victimes dans le système de justice. Lorsqu’elles dénoncent, lorsqu’elles portent plainte, il y a des conséquences», a souligné Me Gaudreault, rappelant que le même message s’adresse aux agresseurs.

«Le système de justice est là pour les agresseurs, il y a des conséquences.»

Rappelons que Simon Houle, un ingénieur initialement absous d’une peine pour agression sexuelle puisque le juge le considérait comme un actif important pour la société, a été condamné à un an de prison mercredi pour la cour d’appel qui a cassé le jugement de première instance.

Ce qu’ils ont dit:

  • «Imaginez être agressé sexuellement par une personne en qui vous avez une totale confiance. À quel point cela peut être déstabilisant. Vous croyez connaître quelqu’un et en quelques secondes, tout s’écroule» - la victime dans une déclaration écrite
  • «C’est terrible pour moi. J’ai toujours été proche des groupes qui luttaient contre les agressions et ça vient me chercher d’être vu aujourd’hui comme un agresseur. Ça va contre toutes mes valeurs» - Harold LeBel
  • «Après que le jury ait rendu son verdict, j’aurais fermé le dossier et déjà, vous auriez eu une certaine peine. Terminer votre carrière politique en étant exclu de votre formation qui vous tenait tant à cœur est une peine. Vous avez aussi à vivre dorénavant avec l’étiquette d’agresseur sexuel. Ceci étant dit, vous avez été un actif pour la société, mais vous pourrez le redevenir» - Juge Serge Francoeur
  • «Nous avions déjà une entente pour huit mois, mais quand la Cour d’appel a déposé [mercredi] sa décision dans le cas de Simon Houle, ça a confirmé la justesse de notre entente» - Me Manon Gaudreault, procureure de la couronne
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