Les 7 travaux du ministre Drainville pour redresser le réseau scolaire
Il a présenté ses grandes priorités mais peu de moyens concrets pour y arriver
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Après des semaines de silence, le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a annoncé jeudi son «plan de match» pour redresser le réseau scolaire. Il a présenté sept priorités, mais peu de moyens concrets pour les réaliser, si bien que plusieurs acteurs du réseau scolaire restent sur leur appétit.
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FORMER PLUS RAPIDEMENT DES ENSEIGNANTS
À la recherche de solutions «urgentes» pour contrer la pénurie d’enseignants, Bernard Drainville évoque la création d’un certificat d’un an pour ceux qui ont déjà un baccalauréat dans une discipline reconnue.
Cette formation accélérée — qui serait mise en place le plus tôt possible — permettrait d’accéder au brevet d’enseignement plus rapidement que la maîtrise qualifiante de deux ans qui existe présentement, qui peut s’étirer sur des années pour ceux qui la suivent à temps partiel.
Bernard Drainville espère ainsi inciter une bonne partie des 4000 enseignants non légalement qualifiés à obtenir leur brevet d’enseignement.
Cette proposition, applaudie par les directions d’écoles et les centres de services scolaires, est accueillie avec plus de réserves par les syndicats d’enseignants.
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«On ne veut pas de formation au rabais», affirme Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement.
L’amélioration des conditions de travail des enseignants – mais aussi de tout le personnel scolaire – doit aussi faire partie des solutions pour contrer la pénurie, ajoutent les syndicats.
Les directions d’école estiment aussi qu’il est réducteur de vouloir régler le problème de la pénurie en misant seulement sur une «voie rapide» pour accéder à la profession d’enseignant.
«C’est beaucoup trop restreint pour une problématique beaucoup plus large», affirme Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE).
VALORISER LA FORMATION PROFESSIONNELLE
Le ministre Drainville veut valoriser la formation professionnelle afin que ces programmes soient plus attirants, en particulier pour les garçons.
«On va donner un grand coup pour la formation professionnelle, affirme-t-il. Ce sont des emplois importants dont on a énormément besoin, on devrait être fiers d’avoir des diplômés de la formation professionnelle.»
Québec prévoit investir davantage afin d’atteindre son objectif de diplômer 30 000 élèves supplémentaires dans ces programmes.
AMÉLIORER L’ENSEIGNEMENT DU FRANÇAIS ÉCRIT
Un trop grand nombre d’élèves peinent à écrire sans fautes et le «statu quo sur l’enseignement du français n’est pas acceptable», affirme le ministre Drainville, qui ne précise toutefois pas comment il compte s’y prendre pour corriger le tir. Son ministère travaille à des «pistes concrètes» pour freiner le déclin du français écrit, assure-t-il.
Dans le réseau scolaire, plusieurs saluent l’initiative, mais se demandent surtout quelles directions empruntera le ministre.
Selon l’Association québécoise des professeurs de français, il devrait augmenter le temps d’enseignement du français, miser sur la formation continue des enseignants et s’assurer que la maîtrise du français écrit est une préoccupation de tous les profs, pas seulement de ceux qui l’enseignent.
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DU RENFORT EN CLASSE
Pour aider les enseignants confrontés à des cas de plus en plus lourds, le ministre propose de faire entrer les éducatrices en service de garde dans les classes.
La présence d’un deuxième adulte dans la classe permettrait à l’enseignante de se concentrer davantage sur sa tâche d’enseignement.
L’enseignante est souvent interrompue lorsqu’un élève se désorganise, vit de l’anxiété ou a besoin d’aller aux toilettes. «La classe s’arrête pendant ce temps-là», lance le ministre.
Les syndicats saluent la volonté du ministre d’ajouter des éducatrices dans la classe pour prêter main-forte aux enseignants.
Cette formule, qui est justement à l’essai dans une centaine d’écoles cette année, représente un «vrai baume» pour des profs, souligne Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ).
Les directions d’école y voient aussi une bonne solution, à condition «d’avoir les bras» pour la mettre en œuvre, souligne Nicolas Prévost, président de la FQDE.
UN RÉSEAU SCOLAIRE PLUS EFFICACE
Pour prendre «les meilleures décisions possible», le ministre Drainville veut pouvoir s’appuyer sur des données «fiables, obtenues de manière rapide et souple», ce qui est loin d’être le cas présentement.
Un «tableau de bord» composé de différents indicateurs permettra de «rendre compte» des dépenses en éducation, indique le ministre.
La modernisation du réseau scolaire «va nous inciter à être plus efficaces», afin que le ministère de l’Éducation et les centres de services scolaires travaillent en réseau plutôt qu’en silo, précise M. Drainville.
DES PROGRAMMES PARTICULIERS DANS TOUTES LES ÉCOLES
Le ministre Drainville prévoit également étendre les programmes particuliers – comme des concentrations en arts, sciences ou sports – au plus grand nombre d’écoles secondaires publiques possible pour augmenter le sentiment d’appartenance et la motivation des élèves. Il a été frappé lors de sa récente tournée dans des écoles d’entendre parler d’élèves «qui sont dans rien», donc inscrits au régulier. «Ça me fait mal au cœur. Je ne peux pas accepter ça», a-t-il lancé.
Le ministre aimerait qu’il y ait « au moins un projet particulier, idéalement plusieurs » dans toutes les écoles secondaires publiques du Québec, y compris pour les élèves à besoins particuliers.
Plusieurs se demandent toutefois en quoi l’ajout de projets particuliers dans les écoles permettra de s’attaquer aux inégalités du réseau scolaire, puisqu’il sera difficile de faire en sorte que tous les élèves y aient accès.
«Est-ce que ça vient vraiment régler le problème de l’école à trois vitesses?», s’interroge Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec.
RÉNOVER ET CONSTRUIRE DE NOUVELLES ÉCOLES
Québec veut accélérer la cadence en matière de construction et de rénovations d’écoles. Les sommes qui y sont consacrées seront bonifiées, a indiqué le ministre Drainville.
«Le monde de l’éducation mérite le plus grand nombre d’écoles possible rénovées, agrandies ou neuves», affirme-t-il.
Malgré les sommes record investies dans les dernières années, il reste encore beaucoup à faire, indique Nicolas Prévost. «Oui, nos écoles tombent en ruine au Québec. Ce ne sont pas des milieux de vie très stimulants», laisse tomber le président de la FQDE.
— Avec la collaboration de Patrick Bellerose