Une autre histoire de maîtresse et de royauté s’est déjà déroulée... à Québec
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Le prince Harry, dans son livre récent, a des propos acerbes sur la reine consort, Camilla, qui fut la maîtresse du roi Charles III alors qu’il était marié avec sa mère, Lady Diana. Un des amants de cette dernière, le capitaine James Hewitt, a une ressemblance troublante avec Harry. Les indiscrétions sexuelles ont une longue tradition dans la famille royale britannique. Dont une à Québec.
En 1790, le prince Edward, duc de Kent, le fils du roi George III, qui étudie à Genève, s’éprend d’une femme mariée, Thérèse-Bernardine Montgenêt, de sept ans son aînée. Elle vivra avec Edward pendant 27 ans. Son mari, le baron de Fortisson, accepte la liaison amoureuse princière et en tire avantage.
Lorsque le roi George III apprend l’affaire, il envoie le duc à Québec. Edward amène sa maîtresse avec lui. Il la présente comme une veuve avec le pompeux nom inventé de madame Julie de Saint-Laurent.
En août 1791, le couple s’installe dans une imposante maison, au 25 rue Saint-Louis, qui se dresse toujours près du Château Frontenac. En été, ils résident dans un élégant manoir près des chutes Montmorency.
Le prince parlait un excellent français que Julie s’amusait quand même parfois à corriger. Le couple a des relations chaleureuses avec l’élite québécoise, dont la famille de Salaberry. En 1794, le prince est muté au quartier général de la Royal Navy en Amérique, à Halifax, où la beauté et l’intelligence de Julie charment le gouverneur John Wentworth.
Il la décrit ainsi dans une lettre : « C’est une femme élégante, bien élevée, agréable et sensée, bien au-delà de la plupart [...] et possédant le plus beau caractère et des manières raffinées ». Un jeune officier écrira à son sujet : « C’est certainement la plus gentille, la meilleure nature et la plus aimable de toutes les femmes ; les charmes de son esprit n’ont d’égales que celles de sa belle personne. »
Une descendance canadienne?
Selon certains auteurs, Julie aurait donné naissance en 1793 à Québec à un fils. Une naissance gardée secrète : un nouvel ajout aux dix enfants illégitimes déjà engendrés par ses frères aurait encore accru l’hostilité à son endroit de son père, George III, dont la santé mentale se détériore.
L’enfant aurait été confié à un certain Robert Wood pour qui Edward a obtenu le poste de portier à la Chambre d’assemblée du Bas-Canada.
Et pendant que le couple voguait de Québec à Halifax en 1794, Julie aurait donné naissance à un deuxième fils. La mère de Julie se serait chargée d’élever l’enfant. L’auteure réputée Mollie Gillen, qui a obtenu l’accès aux archives royales du château de Windsor, assure que c’est sans fondement.
Des familles canadiennes, qui prétendent descendre du couple, disent que les documents le prouvant ont été détruits sur instructions de la reine Victoria, qui ne voulait pas que l’on découvre qu’elle avait des demi-frères illégitimes. Gillen ne pouvait donc les consulter.
Mais jusqu’à maintenant, la destruction de ces documents d’archives n’a pas été établie.
La naissance de la reine Victoria
En novembre 1817, le décès de la princesse Charlotte Augusta, deuxième dans l’ordre de succession, amena le prince Edward à vouloir se marier rapidement pour assurer sa descendance. Sa séparation avec Julie eut lieu à Bruxelles en mars 1818. Elle ne lui fit aucun reproche et alla vivre à Paris où Louis XVIII lui accorda le titre de comtesse de Montgenêt. Par l’intermédiaire du duc d’Orléans, un ami du couple, Edward donna à Julie un portrait de lui qu’elle voulait en souvenir de leur amour.
Le mariage du prince Edward avec la princesse allemande Victoria de Saxe-Cobourg-Saalfeld fut bref.
Leur unique enfant, la princesse Alexandrina Victoria de Kent, née en 1819, deviendra la reine Victoria le 20 juin 1837.
Le prince Edward mourut le 23 janvier 1820 d’une pneumonie, à l’âge de 51 ans. L’épouse du prince, qui savait l’amour qu’il avait porté à son ancienne maîtresse, lui écrivit une lettre éplorée.
Julie de Montgenêt de Saint-Laurent est morte le 8 août 1830 à Paris. Le duc d’Orléans accéda au trône de France sous le nom de Louis-Philippe, le lendemain de sa mort.
On attribue à Edward la première utilisation, en 1792, du terme « canadien » pour désigner à la fois les sujets français et anglais de Sa Majesté alors qu’il tentait d’apaiser une émeute où les deux groupes s’affrontaient dans Charlesbourg.
L’Île-du-Prince-Édouard a été nommée en son honneur.