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[EN IMAGES] Plus qu’esthétiques, ces marquages au sol racontent l’histoire de Québec



La ville de Québec possède un riche passé et son sous-sol est truffé de très nombreux vestiges archéologiques présumés ou mis au jour. À plusieurs endroits, ces vestiges avérés ont été mis en valeur par des marquages au sol. Malheureusement, bien souvent, ces marquages ne sont accompagnés d’aucune interprétation. Seul un œil curieux les localisera. 

Même en hiver, à l’exception des journées neigeuses, ces repères sont visibles. Nous vous présentons donc aujourd’hui huit de ces marquages au sol qui vous feront découvrir plusieurs éléments de l’histoire de la capitale.

1) La seconde Habitation de Champlain

Marquage de la seconde Habitation de Champlain situé sur le parvis de l'église Notre-Dame-des-Victoires. Photo courtoisie Pierre Lahoud

Lorsque Samuel de Champlain débarque à Québec en juillet 1608, c’est pour établir un comptoir de traite des fourrures avec les autochtones. Il s’installe sur une étroite bande de terre, entre le fleuve et la falaise. À peu de distance, un havre naturel, le cul-de-sac, permet d’y échouer ses embarcations.

Ses hommes construisent alors un bâtiment pour s’abriter et se protéger. C’est ainsi qu’est aménagé un petit château fort constitué d’un corps de logis et d’un magasin pour y entreposer vivres et équipements nécessaires à la défense et au commerce. On y retrouve également un colombier et un cadran solaire. Le tout est entouré d’une palissade de bois et de quelques pièces d’artillerie. Il s’agit d’un ensemble assez rudimentaire.

Entre 1624 et 1627, Champlain fait construire une nouvelle habitation, faite de maçonnerie cette fois-ci. Des fouilles archéologiques menées entre 1976 et 1980 ont permis de mettre au jour certains de ses vestiges. Il s’agissait d’un édifice flanqué de deux tourelles et adjacent à une cour carrée. Vers 1650-1660, cette seconde habitation sert d’entrepôt, le magasin du roi. 

En 1682, un incendie détruit une bonne partie de la basse-ville. La seconde habitation, ou le vieux magasin comme on l’appelait alors, est presque entièrement détruit et disparaît. 

Vers 1670, l’emplacement devient la place du marché. En 1687, on construit l’église Notre-Dame-des-Victoires sur ses vestiges. Près de son parvis actuel, on retrouve un marquage au sol en granit noir rappelant l’emplacement de l’une des tourelles et d’un segment de mur de la seconde habitation de Champlain.

2) La maison Hébert-Couillard

Marquage de la Maison Hébert-Couillard situé dans la cour du Collège François-De Laval. Photo courtoisie Pierre Lahoud

Un secteur du Vieux-Québec est occupé par le Séminaire de Québec. Cependant, bien avant cette occupation institutionnelle, l’endroit avait une vocation domestique et agricole. Cette terre a été la propriété de Louis Hébert qui y vivait avec sa conjointe Marie Rollet et leurs trois enfants. 

Arrivé à Québec en 1617, Hébert a été le premier colon à tirer sa subsistance de la terre. Il avait été précédé à Québec par un autre pionnier, Guillaume Couillard qui, le 2 août 1621, épousait Guillemette Hébert, la fille de Louis.

Peu après son arrivée, Louis Hébert construit sa maison. Il s’agira longtemps de la seule résidence privée à Québec, les autres bâtiments étant l’habitation de Champlain et sa voisine, la chapelle des Récollets. 

Des fouilles archéologiques ont démontré que cette maison reposait sur des fondations de maçonnerie. Rectangulaire et comportant un mur de refend, sa charpente était soit en colombage pierroté, comme le voulait l’usage en France, soit en pièce sur pièce. Un plancher de bois recouvrait le sol et il y avait un âtre. À proximité se trouvait un puits. 

À la mort de Louis Hébert survenue en 1627, l’épouse de Guillaume Couillard hérite de la moitié des biens de son père, dont la maison. Elle aurait été démolie vers 1670 alors que le Séminaire amorce la construction de ses bâtiments. 

Dans la cour des petits de l’actuel Collège François-De Laval, des marquages au sol situent l’emplacement de la maison Hébert-Couillard et de son puits.

3) La chapelle des Jésuites

Marquage de la chapelle des Jésuites situé sur la rue des Jardins, près de l'hôtel de ville. Capture d'écran Google Earth

Les Jésuites débarquent en Nouvelle-France en 1625 et ils s’installent sur un terrain situé sur la rive gauche de la rivière Saint-Charles, où se situe aujourd’hui le parc Cartier-Brébeuf. C’est en 1639 qu’ils s’installent finalement à la haute-ville. 

En 1647, ils amorcent la construction d’un collège, alors qu’immédiatement en face débute celle de l’église Notre-Dame-de-la-Paix, la future cathédrale Notre-Dame de Québec. Enfin, en 1666, l’érection d’une chapelle complète la propriété des Jésuites. Elle sera consacrée par Mgr de Laval en 1676. Quant au collège, il est reconstruit en 1725.

Photo courtoisie Pierre Lahoud

En 1773, à la suite de la Conquête britannique et de la suppression de leur ordre par le pape Clément XIV, les Jésuites du Canada disparaissent graduellement. Le père Jean-Joseph Casot décède le 16 mars 1800. Il était le dernier jésuite au Canada. Leurs biens sont immédiatement placés sous la tutelle de la Couronne. 

Les militaires transforment alors le collège en caserne pour ses soldats et la chapelle devient un dépôt de munitions. C’est finalement en 1807 qu’elle est démolie, alors que l’ancien collège le sera en 1877 pour céder sa place au futur hôtel de ville.

En 1971, on procède à la construction d’un stationnement sous-terrain. Les archéologues mettent alors au jour les vestiges de l’ancienne chapelle. Aujourd’hui, une pierre du fronton du collège rappelle son existence passée, alors qu’un marquage au sol, qui s’étend à la fois sur la rue des Jardins et sur le terrain de l’hôtel de ville, situe l’emplacement de l’ancienne chapelle des Jésuites.

4) Enceinte de 1693

Marquage de l'enceinte fortifiée de 1693 situé sur le trottoir de la rue Saint-Jean. Photo courtoisie J.F. Caron

De chaque côté de la rue Saint-Jean, sur les trottoirs se faisant face à la hauteur du numéro 1100, se trouvent deux rappels de la fortification de 1693. Le rempart de l’actuelle ville fortifiée de Québec a été construit à partir de 1745 selon les plans de l’ingénieur militaire français Joseph-Gaspard Chaussegros de Léry. 

Auparavant, il y en avait eu deux autres, beaucoup plus à l’intérieur du Vieux-Québec, la ville à protéger étant alors moins étendue. Elles avaient été construites dans le cadre de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697). 

Bien que le théâtre de ce conflit se situait en Europe, les colonies française et britannique d’Amérique s’étaient affrontées, notamment à Québec.

En 1690, le major François Provost avait d’abord fait élever une palissade de bois pour être en mesure d’affronter Phips et sa flotte. En 1693, une fois le danger passé, Frontenac lui ayant «répondu par la bouche de ses canons et de ses fusils», on décide de construire une fortification semi-permanente. En effet, elle ressemblait au rempart actuel, mais le mur de soutènement extérieur était en bois plutôt qu’en maçonnerie. C’est l’ingénieur Josué Boisberthelot de Beaucours qui l’avait conçue. 

La porte qui fermait la rue Saint-Jean était érigée un peu plus bas que la rue Saint-Stanislas. Cette porte était également beaucoup plus étroite que la porte actuelle reconstruite pour permettre le passage des voitures et autobus. Ce marquage au sol nous fait prendre conscience de la petite superficie qu’occupait la ville de Québec à la fin du XVIIe siècle.

5) La contrescarpe

Marquage de la contrescarpe de la courtine D'Youville situé dans l'escalier conduisant au Palais Montcalm. Photo courtoisie Pierre Lahoud

Sur la patinoire de la place D’Youville et dans l’escalier qui la relie au Palais Montcalm, un marquage au sol signale l’emplacement de l’ancienne contrescarpe des fortifications. En effet, des marches et des contremarches de l’escalier, ainsi que certains pavés sont noirs ou présentent une disposition différente. C’est assez singulier. Ces marqueurs contrastés rappellent l’emplacement du mur de la contrescarpe de la courtine D’Youville. Cette composante des fortifications de Québec a été mise au jour lors de fouilles archéologiques.

Dans une enceinte fortifiée, on retrouve généralement, à l’avant du rempart, un fossé. Celui-ci est délimité, de part en part, par deux talus ou encore par deux murs de soutènement en maçonnerie. Le mur situé du côté de la ville, faisant donc face au tir ennemi, s’appelle l’escarpe, alors que le mur opposé est la contrescarpe. 

C’est exactement ce genre de structure qui a été mise en place à certains endroits du système défensif de la capitale par les ingénieurs militaires, français puis britanniques, et dont certains éléments sont toujours en place de nos jours. 

Il n’y a pas eu à Québec de fossé du côté des falaises dominant la vallée de la rivière Saint-Charles et le fleuve Saint-Laurent, puisqu’on jugeait qu’il s’agissait d’une défense naturelle. Toutefois, face au rempart ouest, il y en avait un. D’ailleurs, la rue qui longe le rempart extérieur, de la porte Kent à la porte Saint-Jean, s’appelle la côte de l’Escarpe. Elle est située à l’endroit où se trouvait jadis le fossé.

6) Le corps de garde de la porte Saint-Jean

Marquage du corps de garde de la porte Saint-Jean situé au coin des rues Saint-Jean et D'Auteuil. Photo courtoisie Pierre Lahoud

Anciennement, cinq portes perçaient l’actuel rempart de Québec : les portes Saint-Louis et Saint-Jean dans le rempart ouest, face aux plaines d’Abraham, et les portes du Palais, Hope et Prescott dans le mur nord-est, du côté de la rivière Saint-Charles et du fleuve Saint-Laurent. Leur accès était évidemment contrôlé. C’est pourquoi des gardes étaient en poste à chacune des portes. 

Pour leur permettre de s’abriter, de dormir, d’enfermer des prisonniers ou de se réfugier en cas d’attaque, les portes comportaient des corps de garde. Il s’agissait de petits logis qui se trouvaient généralement au-dessus de la porte, parfois derrière.

Dans le rempart actuel, la première porte Saint-Jean a été construite vers 1745 par l’ingénieur Chaussegros de Léry. 

Bien qu’elle fût surmontée d’un corps de garde, on en construit un nouveau, en 1837, un peu en retrait, au coin nord-ouest des actuelles rues Saint-Jean et D’Auteuil. Il s’agissait d’un bâtiment rectangulaire d’un étage, en brique, et recouvert d’une toiture à deux versants. Ses murs étaient percés d’une porte précédée d’un porche, de deux fenêtres et de meurtrières permettant le tir au fusil en cas de force majeure. À l’intérieur se trouvaient des couchettes et un poêle. 

En 1864, pour répondre à des impératifs de développement urbain, la porte est remplacée par une autre, comportant deux passages pour les voitures et deux guichets pour les piétons. On conserve néanmoins le corps de garde existant. 

Il sera finalement démoli en 1882. Un marquage au sol nous rappelle son existence passée.

7) Les anciennes rives du Saint-Laurent

Marquage au sol des anciennes rives du Saint-Laurent situé sur la rue Saint-Antoine. Capture d'écran Google Earth

Sur la rue Saint-Antoine, dans le segment situé entre les rues Dalhousie et Saint-Pierre, les pavés de la chaussée forment un motif semblable à des vagues. En effet, cette rue est ponctuée de trois lignes ondulées. Elles évoquent les anciennes lignes de la rive, à marée basse : celle de 1600, celle de 1700 et celle de 1800.

Anciennement, coincée entre la falaise et l’eau, la basse-ville de Québec voit ses possibilités de développement plutôt limitées. En 1800 par exemple, à marée haute, il n’est toujours pas possible de se rendre à pied sec de la côte de la Montagne à celle de la Canoterie, où les prêtres du Séminaire avaient justement un hangar pour abriter leurs canots. L'actuelle rue Saint-Paul n'existait pas et, à marée haute, l'eau de la rivière Saint-Charles coulait au pied de la falaise. 

Photo courtoisie Pierre Lahoud

D’abord densément occupée par des habitations, la basse-ville prend son expansion sur le fleuve et la rivière puisque des marchands y construisent des entrepôts et de longs quais. Par la suite, l’espace entre ces quais est comblé pour gagner encore plus de terrain. 

Le même phénomène se produira également plus au sud, du côté des anses de Sillery. C’est ainsi que l’actuel boulevard Champlain, le secteur du terminal du traversier Québec-Lévis, les quais du port de Québec, le Vieux-Port et le secteur de la gare du Palais sont tous construits sur du remblayage. Qui pourrait imaginer que les déblais de l’actuel stationnement D’Youville se sont retrouvés à la Pointe-à-Carcy?

8) Les parlements de la côte de la Montagne

Marquage au sol des deux anciens parlements de la côte de la Montagne situé au parc Montmorency. Photo courtoisie Pierre Lahoud

Des marquages au sol rappellent aux promeneurs du parc Montmorency que c’est à cet endroit qu’est née la démocratie canadienne. En effet, l’Acte constitutionnel de 1791 crée les provinces du Haut et du Bas-Canada. 

Avec la nouvelle constitution ont lieu les premières élections. Québec devient la capitale du Bas-Canada. La nouvelle Assemblée législative doit siéger et le seul endroit en ville qui se prête à cette activité est la chapelle du palais épiscopal situé au sommet de la côte de la Montagne. Le Gouvernement loue donc cet édifice, et ce, jusqu’en 1831 lorsqu’il en devient propriétaire. S’amorcent alors d’importants travaux qui permettent de reconstruire l’édifice pour le rendre mieux adapté à sa nouvelle fonction. Sa superficie sera doublée. Il s’agira du premier parlement à Québec.

Photo courtoisie J.F. Caron

À la suite de l’entrée en vigueur de l’Acte d’union en 1840, Québec perd son titre de capitale permanente et devient l’une des deux capitales itinérantes. L’Assemblée législative de la Province du Canada y siégera de 1852 à 1854 alors que l’édifice est détruit par les flammes. 

Lorsque l’Assemblée se déplace vers Toronto, l’autre capitale, on reconstruit un second parlement qui sera prêt en 1860 pour le retour des députés. En 1867, avec l’avènement de la Confédération canadienne, Ottawa devient la nouvelle capitale fédérale. Le parlement de la côte de la Montagne accueille dès lors les élus de la nouvelle province de Québec. 

Le 19 avril 1883 survient un nouvel incendie. Cette fois-ci, le parlement provincial déménage au Cricket Field où il se trouve toujours. Les ruines de l’ancien parlement céderont alors la place au parc Montmorency.


Textes tirés et adaptés du livre de Jean-François Caron et Pierre Lahoud, Curiosités de Québec, tome 1. GID, 2016.

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