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Quel joyau, que cette Sagouine!

Viola Léger
Photo d'archives La Sagouine

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À qui dois-je cette merveille ? À Antonine Maillet qui l’a conçue ? À Viola Léger qui l’a incarnée ?

À toutes les deux, j’imagine. En tout cas, c’est très évident pour Antonine Maillet comme pour Viola Léger, qui n’ont jamais cessé d’attribuer l’immense succès de la Sagouine à l’une comme à l’autre dans toutes leurs entrevues et tous leurs écrits. 

Il arrive que des personnages dépassent et oblitèrent même la notoriété de leurs créateurs. Don Juan a fait oublier depuis longtemps Tirso de Molina, Don Quichotte a fait oublier de Cervantes et Séraphin Poudrier a relégué Claude Henri-Grignon dans l’ombre. Il arrive aussi que des acteurs et des actrices s’incarnent si totalement dans un héros ou une héroïne imaginaire que leur existence même se confond avec la leur. C’est le cas de Viola Léger, inséparable de la Sagouine depuis 1972.

Jusqu’au moment où le Théâtre du Rideau Vert lève son rideau sur La Sagouine, l’Acadie se résume pour moi au poème de Longfellow. L’Acadie est même un assez mauvais souvenir. Notre professeur de belles-lettres nous avait demandé d’apprendre par cœur l’extrait du poème de Longfellow qui raconte la fin de Gabriel mourant dans les bras d’Évangéline, devenue religieuse infirmière. J’en avais bavé un coup, car ce professeur de français nous avait obligés à mémoriser l’extrait du poème dans sa langue originale, l’anglais !

MA PREMIÈRE SAGOUINE

Je me souviens qu’en sortant du théâtre, je ne savais trop quoi penser de ce long monologue de la Sagouine. Il était savoureux, soit ! Mais pas si facile à comprendre. J’avais même perdu plusieurs des réflexions du personnage ayant fait crouler la salle de rire. J’avais eu cette réaction quelques années plus tôt à une représentation des Belles-sœurs de Michel Tremblay dont j’étais sorti perplexe. Fallait-il perpétuer cette langue populaire ? Dans mon for intérieur, j’étais d’accord avec Victor-Lévy Beaulieu qui avait trouvé très exagéré et probablement éphémère le succès de la Sagouine et de son interprète.

Loin de se démentir, le succès de la pièce d’Antonine Maillet ne fit que s’enfler. Viola Léger qui incarne cette Sagouine devint rapidement une véritable icône du peuple acadien. 

JE REVOIS LA PIÈCE 

C’est en 1984 que je vois la pièce une deuxième fois. Elle est encore présentée au Rideau Vert dans une mise en scène d’Yvette Brind’amour. Ni La Sagouine ni Viola Léger n’ont changé, mais, moi, je ne suis plus tout à fait le même. (Victor-Lévy aussi finira par changer, lui qui fera endosser par Viola Léger le costume de Gabrielle Lévesque dans son téléroman Bouscotte.) 

Le Québec aussi a beaucoup changé. Le Parti Québécois a pris le pouvoir en 1976 et les Québécois sont en quête de leur identité. Comme la Sagouine. Les mots qu’elle prononce sur scène sont devenus lourds de sens : « C’est malaisé de faire ta vie quand t’as pas un pays à toi pis que tu peux pas te mettre une nationalité. Tu finis par pus savoir qui c’est que t’es... Tu te sens comme si t’étais de trop ! »

Nous attendons toujours le nôtre, mais la Sagouine, elle l’a son pays. Il est situé sur l’île aux puces, à Bouctouche, au Nouveau-Brunswick. Chaque été depuis 1992, il ouvre ses frontières à des milliers de visiteurs qui viennent y découvrir la culture acadienne. 

Merci, Antonine Maillet, de nous avoir donné la Sagouine. 

Merci, Viola Léger, de l’avoir immortalisée. 

Puisse-t-elle nous inspirer comme elle inspire les Acadiens !

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