Québec veut toujours la démission d'Amira Elghawaby
Amira Elghawaby a fait son mea culpa après une rencontre avec le chef du Bloc
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OTTAWA | Québec continue de réclamer la démission d’Amira Elghawaby, la représentante spéciale de la lutte contre l’islamophobie au Canada, qui s’est excusée pour la manière dont ses mots « ont blessé » les Québécois.
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« Je veux dire aux gens québécois : je vous ai entendus, je vous ai écoutés, et je comprends les effets de mes mots, et je veux vous rencontrer, je veux entendre plus, je veux bien comprendre l’histoire québécoise, et je veux bien comprendre comment on peut avancer vers une société qui est plus inclusive pour tous », a-t-elle déclaré en français, mercredi.
Au sortir d’une discussion privée « vraiment constructive » avec le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet, Mme Elghawaby a parlé pour la première fois devant les journalistes de la tempête ayant suivi sa nomination par le gouvernement Trudeau.
D’une voix posée dans un corridor du Parlement, elle a insisté pour souligner que son rôle est celui d’« écouter », de « créer des ponts » entre les communautés et de faire « avancer le vivre ensemble que les Québécois veulent ».
« Je suis convaincue, je sais et je le dis que les gens québécois ne sont pas racistes, a-t-elle soutenu. Ce n’était pas mon intention et, pour les blessures que j’ai faites avec mes mots, je m’excuse sincèrement. »
- Écoutez l'entrevue de Yasmine Abdelfadel avec Martin Champoux, porte-parole en matière de laïcité, valeurs québécoises et vivre ensemble pour le Bloc Québécois sur QUB radio :
Excuses insuffisantes
Au gouvernement Legault, on accueille les excuses de Mme Elghawaby, tout en continuant de réclamer son congédiement.
Le ministre responsable de la Laïcité, Jean-François Roberge, lui a reproché d’avoir tenté de justifier ses propos passés dans un premier temps. « C’est une erreur qui est trop grave », estime-t-il.
« C’était une bonne chose qu’elle s’excuse, j’apprécie ses excuses, mais je ne crois toujours pas qu’elle a la légitimité et la crédibilité pour occuper la fonction que le premier ministre lui a confiée. Donc, je pense que maintenant, la deuxième chose à faire, c’est de remettre sa démission », a déclaré le ministre Roberge dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
- Écoutez la rencontre Yasmine Abdelfadel et Marc-André Leclerc diffusée chaque jour en direct 6 h via QUB radio :
Les déclarations passées de Mme Elghawaby sont « terribles » et « s’apparentent à du racisme », juge-t-il. « Elle a exprimé, d’abord, des préjugés qui sont très graves à l’égard des Québécois. Elle a pris beaucoup de temps avant de s’excuser puis, je répète, avant de présenter des excuses aujourd’hui [mercredi], elle a tenté de justifier des propos qui étaient totalement odieux et inacceptables », estime Jean-François Roberge.
Opposition à la loi 21 inchangée
Dans son échange avec le chef du Bloc québécois, Mme Elghawaby a maintenu son opposition à la loi 21 : « c’est une loi discriminatoire », a-t-elle affirmé, sans détour.
« Cela étant dit, la façon dont nous allons avancer dans ces discussions difficiles est en étant capables d’écouter et de s’assurer que la façon dont nous parlons de ces enjeux n’est pas blessante, et ce, des deux côtés », a-t-elle poursuivi.
Yves-François Blanchet, qui n’a pas encore pris position sur l’acceptabilité de la nomination de Mme Elghawaby, doit faire le bilan de sa rencontre avec elle ce matin.
-Avec Patrick Bellerose
Retour sur quelques controverses
La nomination d’Amira Elghawaby au poste de représentante spéciale pour la lutte contre l’islamophobie, il y a une semaine par le premier ministre Justin Trudeau, ne fait clairement pas l’unanimité dans la classe politique. C’est que l’ex-chroniqueuse et militante pour les droits de la personne a tenu par le passé des propos controversés sur le Québec avant de finalement s’excuser mercredi. En voici quelques exemples.
« Malheureusement, la majorité des Québécois semblent influencés non pas par la primauté du droit, mais par un sentiment antimusulman ».
C’est ce qu’ont déclaré Amira Elghawaby et le président du Réseau canadien anti-haine Bernie Farber, de confession juive, dans un article d’opinion paru dans le Ottawa Citizen, en 2019. Ils se basaient sur un sondage selon lequel 88 % des Québécois ayant une perception négative de l’islam étaient défenseurs de la Loi sur la laïcité de l’État.
Or, l’Association d’études canadiennes qui a commandé ce sondage a confirmé mardi que les données ont été mal utilisées. En réalité, elle ne fait mention que d’un élément de l’étude, soit le 80 % des gens qui sont pour la loi 21 au Québec.
Selon le président Jack Jedwab, il n’est donc pas étonnant de retrouver une majorité de personnes antimusulmanes dans cette catégorie précise.
« Je vais vomir »
C’est ce qu’elle a écrit sur Twitter en 2021 après un article d’opinion paru dans le Globe and Mail et écrit par un professeur de philosophie de l’Université de Toronto qui défendait la thèse selon laquelle les Canadiens français étaient « le plus grand groupe à avoir été victimisé par le colonialisme britannique, subjugué et incorporé dans la confédération par la force ».
Elle a établi un lien entre la loi 21 et l’assassinat de quatre membres d’une famille du Pakistan à London, en Ontario, dans un texte paru sur le site de CTV News, en 2021.
L’ex-chroniqueuse a cité le philosophe canadien John Ralston Saul dans un texte du Toronto Star, qui expliquait que les « sociétés occidentales » ont « progressivement glissé vers les peurs paranoïaques du XXe siècle ».
« Peur de quoi ? La peur de la perte de la pureté – du sang pur, de la race pure, des traits et des valeurs et des liens nationaux purs », disait-il.
Mme Elghawaby affirmait ensuite que l’écrivain pouvait « aussi bien écrire au sujet du Québec d’aujourd’hui ».
C’était à l’époque de la Charte des valeurs proposée par le Parti Québécois de Pauline Marois, en 2013.