La croisade anti-woke de Ron DeSantis

Le gouverneur de la Floride n’est pas formellement candidat à la présidence, mais il cultive déjà l’image d’un preux chevalier de la guerre culturelle.
Au lendemain de sa réélection en novembre, Ron DeSantis était pressenti comme l’inévitable successeur de Donald Trump.
Son message politique et sa gouverne sont à l’image du Parti républicain réinventé par Trump : conservatisme social et religieux ; nativisme et diabolisation de la gauche soi-disant extrême et du Parti démocrate.
Que veut dire son ascension ? Peut-il vraiment aller jusqu’au bout ?
- Écoutez Pierre Martin via QUB radio :
Le chevalier anti-woke
DeSantis se voit comme le principal porte-parole de l’anti-wokisme, comme le dit son slogan difficilement traduisible : « Florida is where Woke goes to die ».
Le mot « woke » revient constamment dans son discours, mais jamais accompagné d’une définition. Essentiellement, c’est n’importe quoi qui rend ses partisans – très majoritairement blancs, conservateurs et intoxiqués par Fox News – inconfortables.
Tant dans sa communication publique que dans ses publicités de campagne, cette image de chevalier anti-woke est soulignée à grands traits, avec toute la subtilité des spots publicitaires de MyPillow.
Ça a l’air de marcher pour lui. Les bailleurs de fonds républicains voient en DeSantis l’alternative au perdant Donald Trump, mais, surtout, ils misent sur lui pour mettre de l’avant un programme de démantèlement de l’État que Trump lui-même n’avait pas osé poursuivre jusqu’au bout.
A-t-il des chances ?
C’est tôt pour faire des prévisions, mais les sondages indiquent que DeSantis pourrait déloger Trump dans une lutte à deux pour l’investiture républicaine.
Il y a toutefois loin de la coupe aux lèvres, car ce scénario de lutte à deux est irréaliste. Lorsque les sondages incluent plusieurs candidats sérieux, Trump conserve l’avantage.
Aussi, DeSantis n’a pas encore passé le test d’une campagne nationale. Il suffit de le voir en action pour constater que son déficit de charisme finira par le rattraper. De plus, il sera soumis constamment aux attaques de Trump, mais il hésite à répliquer, de peur de s’aliéner les adhérents au culte de l’ex-président, ceux-là mêmes qu’il cherche à séduire.
Populisme ploutocratique
Ce que représente DeSantis est une nouvelle itération de ce que les politologues Jacob Hacker et Paul Pierson ont appelé le « populisme ploutocratique » qui caractérise le Parti républicain à l’ère de Trump.
En un mot, il s’agit de courtiser le vote des classes populaires en insistant sur des politiques hautement symboliques, tout en proposant un programme de politiques sociales et économiques entièrement à l’avantage des mieux-nantis et de la grande entreprise.
Donald Trump est parvenu à incarner cette vision en mettant la pédale douce sur le démantèlement de programmes sociaux comme la sécurité sociale ou Medicare (assurance maladie pour les aînés). Or, cette vision de la droite pure et dure revient en force, notamment dans les demandes des législateurs républicains qui menacent de bloquer le relèvement du plafond de la dette.
DeSantis semble déterminé à miser sur une version caricaturale du conservatisme social que Trump a réussi à mobiliser avant lui, tout en priorisant en catimini le démantèlement de l’État que souhaitent depuis longtemps les milliardaires qui tirent les ficelles du Parti républicain et que même Trump n’a pas pu livrer entièrement. C’est le vrai sens de la croisade anti-woke du gouverneur de la Floride.