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Tournoi pee-wee de Québec: un gardien ukrainien soulagé d'être loin des bombes

Le gardien pee-wee Matvii Kulish raconte son quotidien au cœur de la guerre en Ukraine

Après avoir vécu la guerre au quotidien depuis presque un an, le gardien Matvii Kulish se dit prêt à rendre l’Ukraine fière au Tournoi international de hockey pee-wee de Québec.
Photo Didier Debusschère Après avoir vécu la guerre au quotidien depuis presque un an, le gardien Matvii Kulish se dit prêt à rendre l’Ukraine fière au Tournoi international de hockey pee-wee de Québec.

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Le jeune gardien ukrainien Matvii Kulish s’entraînait sur la glace du Palais des sports de Kyïv quand une bruyante sirène s’est fait entendre. Et ce n’était pas pour dire que l’entraînement était terminé.

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Kulish et tous les autres hockeyeurs avec qui il partageait la patinoire n’ont eu que le temps de retirer leurs patins avant de descendre dans les sous-sols de l’aréna, avec tout le reste de leur équipement sur le dos, pour attendre que l’alerte de bombardement soit levée. 

Ça, c’est la réalité de beaucoup de joueurs de Team Ukraine Select qui, depuis deux jours déjà, s’entraînent au PEPS de l’Université Laval en attendant leur premier match au Tournoi international de hockey pee-wee de Québec, le 11 février à 11 h 45. 

Si plusieurs de ses coéquipiers se sont réfugiés ailleurs en Europe, et même au Canada, Kulish et sa famille sont demeurés en Ukraine. Sa mère et lui ont tenté de s’installer en France pendant quelques mois, mais l’appel de la maison était trop fort, malgré la guerre.

Les sirènes et les bombardements sont donc devenus son quotidien.

« Souvent, les sirènes retentissent la nuit, vers 4 ou 5 h du matin. Il faut donc se lever rapidement et courir dans le corridor de l’immeuble puisque les murs sont plus épais. C’est stressant et épeurant. Ça fait du bien de ne plus les entendre ici », a raconté Kulish lors d’un touchant entretien avec Le Journal, vendredi, rendu possible grâce au Québécois Sean Bérubé qui a généreusement accepté de faire l’interprète.

SON PAPA AU FRONT

Le jeune Matvii, tout comme des milliers de jeunes Ukrainiens, est privé de son père, parti défendre la liberté de son pays natal.

En ce moment, Andrii Kulish se retrouve dans la région de Louhansk et de Donetsk, et le gardien reçoit au compte-gouttes des nouvelles de son papa.

« On se parle par l’application Telegram. Je lui écris là-dessus, mais il me répond seulement quand il peut. Des fois, on n’a pas de nouvelles pendant quatre jours. C’est vraiment stressant. »

Il a toutefois été en mesure de lui annoncer qu’il allait participer au Tournoi pee-wee.

« Il était vraiment fier de moi. Il m’a dit qu’il voulait que je joue bien, mais surtout que je représente fièrement l’Ukraine et que je le fasse à l’image du peuple, soit avec cœur et courage. C’est une très belle opportunité pour moi d’être ici au Tournoi pee-wee et je la prends très au sérieux. »

FUIR POUR LES ENFANTS

De son côté, l’entraîneur adjoint de l’équipe ukrainienne Andrei Lupandin a pris la décision, avec sa femme Antonina, de quitter l’Ukraine pour le bien de leurs deux fils, Denys et Ilya.

Celui qui a fait partie de la célèbre formation Druzhba 78 lors du Tournoi pee-wee de 1993 habitait Kharkiv lorsque la guerre a éclaté.

« On entendait des rumeurs, mais on ne pensait jamais que ça arriverait. Quand la guerre a été déclarée, ç’a été une grosse surprise. La partie la plus difficile, c’était de voir tes enfants avoir peur, chaque fois que ça explosait près de nous, chaque fois qu’on devait fuir vers le sous-sol pour se cacher. C’est la pire expérience que j’ai vécue. De voir tes enfants avoir peur et ne rien pouvoir faire pour eux, c’est la pire chose qu’un être humain puisse vivre. »

Trois semaines après le début de la guerre, Lupandin et sa famille sont partis vers Diepr, au nord-ouest, où ils ont été hébergés par des amis.

Ils ont ensuite gagné la Slovaquie et ont attendu six mois avant d’obtenir leur visa de réfugiés du gouvernement canadien. Depuis le 20 janvier, ils demeurent à Warman en Saskatchewan.

« C’était la meilleure décision pour nos enfants. Si on ne les avait pas, on n’aurait peut-être jamais quitté Kharkiv. Maintenant, ils auront une meilleure opportunité de vivre une belle vie. »

De Druzhba 78 à Team Ukraine Select

En 1992, Andrei Lupandin avait aidé la formation Kharkov Druzhba 78 à remporter le Tournoi pee-wee et avait reçu le titre de joueur le plus utile de la compétition.
Photo Didier Debusschère
En 1992, Andrei Lupandin avait aidé la formation Kharkov Druzhba 78 à remporter le Tournoi pee-wee et avait reçu le titre de joueur le plus utile de la compétition.

Il y a un peu plus de 30 ans, une autre équipe ukrainienne faisait les manchettes au Tournoi pee-wee, mais pour des raisons bien différentes de celle de cette année et Andrei Lupandin y était aux premières loges.

À ce jour, la formation Kharkov Druzhba 78 demeure possiblement celle qui a le plus marqué l’histoire du Tournoi pee-wee. Ces jeunes Ukrainiens, fort talentueux et dirigés par un entraîneur presque tyrannique en Ivan Pravilov, étaient débarqués à Québec avec de l’équipement désuet, et les gens de Québec s’étaient ralliés pour leur fournir du matériel au goût du jour.

Dans cette formation, quelques joueurs ont percé dans la LNH, Dainius Zubrus et Andrei Zyuzin, entre autres. Mais leur meilleur joueur, c’était Lupandin.

« Je vais toujours me rappeler notre premier match. On était arrivés et le Colisée était plein à craquer. Je pense qu’on avait gagné 5 à 1 ou 6 à 1, mais notre entraîneur était fâché parce qu’il trouvait qu’on avait mal joué ! On avait de l’équipement, mais il faut se rapporter à l’époque de l’URSS. On n’était pas protégés du tout ! Les gens avaient été tellement bons pour nous », se remémore-t-il.

AVEC SON FILS

Malgré son talent, Lupandin n’a jamais réussi à jouer dans la LNH, outre un match préparatoire avec les Oilers d’Edmonton, mais il a roulé sa bosse pendant neuf ans dans le hockey professionnel nord-américain.

Son meilleur souvenir demeure tout de même la conquête du Tournoi pee-wee en 1992 et, cette année, c’est son plus jeune fils, Denys, qui aura l’occasion de vivre le tournoi puisqu’il fait partie de Team Ukraine Select.

« J’étais entraîneur au hockey mineur en Ukraine avant d’immigrer comme réfugié en Saskatchewan et je disais toujours aux jeunes que c’est la plus belle expérience que j’ai vécue. C’est depuis que mon fils est né et qu’il a mis les patins pour la première fois que j’espère qu’il aura la chance d’y participer et nous y voici. Je veux que, comme moi, il se souvienne encore de ça dans 30 ans », confie celui qui agira à titre d’adjoint à l’entraîneur Yevgeny Pysarenko.

LA CAPITALE DU HOCKEY

Depuis deux jours, les jeunes Ukrainiens prennent leurs aises en sol québécois et continuent leur préparation en vue de leur premier match, le 11 février. Cette journée, d’ailleurs, risque d’être forte en émotions et on prévoit déjà que le Centre Vidéotron sera bondé.

« Nos enfants, pour eux, ils connaissent tous le tournoi, mais n’ont pas tous la chance d’y venir. Ils attendent des années cette chance. De jouer contre des équipes canadiennes. De venir voir la capitale du hockey. Tout le monde sait que le Canada est le cœur du hockey. C’est leur ligue nationale. À ce point, il n’y a rien de plus gros pour eux que ce tournoi », mentionne-t-il.

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