/news/health

Cliniques débordées et longues listes d’attente: la médecine vétérinaire, une profession mal en point

Elle peine à retrouver son élan après la pandémie, particulièrement en région

Lucie Hénault
Photo d'archives, Pierre-Paul Poulin Lucie Hénault, copropriétaire de sept établissements vétérinaires de la région de Montréal et fondatrice du magazine web Flair & Cie, photographiée ici avec son chien à l’hôpital vétérinaire de Montréal en 2020.

Coup d'oeil sur cet article

Cliniques débordées, longues listes d’attente, patients orphelins... Le milieu vétérinaire se remet difficilement de la pandémie, soulevant des craintes pour la prise en charge des animaux aux quatre coins de la province.

Déjà aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre majeure, la profession vétérinaire a fait face à une vague massive d’adoptions en plus d’encaisser des retards exponentiels lors des premiers confinements. 

En deux ans, au moins 200 000 petits compagnons à quatre pattes se sont ajoutés dans les foyers québécois, selon des chiffres de 2021. 

Pour la première fois, plus d’un ménage sur deux possède un chat ou un chien. 

La pression exercée sur les vétérinaires continue d’être forte. 

Alors que 87 % se disaient à bout de souffle lors de la première année de la pandémie, encore 54 % déclaraient éprouver de la détresse psychologique lors d’une enquête réalisée en juillet 2021 par un chercheur de l’UQAM. 

DES IDÉES NOIRES

Pas moins de 16 % avouaient avoir des idéations suicidaires. 

«La médecine vétérinaire elle-même est une profession qui est malade», souligne la Dre Lucie Hénault, copropriétaire de sept établissements vétérinaires de la région de Montréal et fondatrice du magazine web Flair & Cie. 

Un peu partout au Québec, les clients ont dû s’habituer à des délais plus longs, malgré une nette amélioration depuis le pire de la crise, selon les témoignages recueillis par Le Journal

Même si seule une minorité des cliniques doit encore refuser des patients, plusieurs de nos interlocuteurs soulignent que la charge de travail des professionnels s’est alourdie et que la demande s’est accrue depuis la pandémie. 

Par ailleurs, plusieurs citoyens interrogés font état d’incidents troublants qui, à leur avis, ont fait souffrir ou mis en danger leur animal, en raison de la difficulté à obtenir des soins. 

La situation est plus critique dans les régions éloignées, où des vétérinaires dévoués et épuisés s’avouent incapables de répondre à toutes les demandes ou d’assurer un service d’urgence en tout temps. 

  • Écoutez l'entrevue de Mario Dumont avec Dr Gaston Rioux, président du conseil d'administration de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec sur QUB radio :

«ON NE PEUT PAS TOUS LES SAUVER»

Certains d’entre eux ne cachent pas leurs inquiétudes que des situations malheureuses surviennent. 

«Chaque jour, je pense à ça. Je me dis, c’est sûr et certain qu’on ne peut pas tous les sauver, parce qu’on n’est pas capable d’offrir un service [d’urgence] 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. On n’a pas assez d’effectifs», affirme la Dre Ève Paquin, qui dirige la seule clinique vétérinaire dans la ville d’Amos. 

En comparaison, les difficultés se sont estompées dans la métropole, où la concentration de services est plus grande, assure la Dre Hénault. « Dans la grande région de Montréal, je ne vois pas comment quelqu’un ne peut pas obtenir un rendez-vous le jour même», dit-elle. 

L’Ordre des médecins vétérinaires du Québec se dit très sensibilisé à ces enjeux et assure que plusieurs actions sont en chantier. Le président, le Dr Gaston Rioux, croit toutefois qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter pour les animaux. 

«On ne peut pas nier qu’il ait pu y avoir des exceptions, des problématiques malheureusement. Mais sauf de rares exceptions, la santé et le bien-être de nos animaux au Québec sont bien protégés », soutient-il. 

À L’EXEMPLE DU SYSTÈME DE SANTÉ!

Il souligne que les défis de recrutement et de rétention du personnel, de même que ceux d’accessibilité aux soins de santé ne sont pas uniques à la médecine vétérinaire. 

Les délais pour les traitements sont parfois peu enviables dans la médecine humaine également, pointe-t-il. 

«Je n’ai pas vraiment d’inquiétude pour le bien-être animal en soi, mais il faut que l’on s’adapte», plaide de son côté la Dre Angélique Perrier-Edmunds, de l’Association des médecins vétérinaires du Québec.

 

Bas-Saint-Laurent: 400 noms sur la liste d’attente

Dans le Bas-Saint-Laurent, la demande est telle que l’Hôpital vétérinaire de Rivière-du-Loup a amassé sur une liste d’attente plus de 400 noms de personnes qui souhaitent ouvrir un dossier ou voir un vétérinaire. 

«La demande est forte, la pression est forte, 400 noms... moi, je n’ai jamais eu de liste d’attente jusqu’à il y a deux ans. J’acceptais tout le monde», lance la propriétaire, la Dre Heidie Pomerleau. 

Elle explique que d’autres cliniques plus petites de la région ont dû cesser ou réduire leurs activités en raison d’ennuis de santé du personnel, ce qui a contribué à la hausse d’achalandage. 

ALLER À QUÉBEC

Depuis le début de l’année, cette situation a également amené des ruptures des services d’urgence dans la région, car certains établissements avec lesquels l’Hôpital vétérinaire partage les gardes n’étaient pas en mesure d’offrir des présences physiques la fin de semaine. 

Le service présentiel ne pouvant être offert à raison de deux fins de semaine sur trois, les propriétaires d’animaux avec des besoins urgents ont parfois dû être adressés à Québec, à deux heures de route. «Ça nous brise le cœur tout le monde, mais il a fallu faire des choix», soupire la Dre Pomerleau.

Abitibi-Témiscamingue: «Il faudrait qu’on double l’équipe»

À Amos, en Abitibi-Témiscamingue, la médecin vétérinaire Ève Paquin manque cruellement de personnel et ce n’est pas faute d’avoir essayé d’en trouver. 

«Si on voulait subvenir à la demande et que tout le monde soit confortable, il faudrait qu’on double notre équipe», dit la propriétaire de la clinique vétérinaire Pile-poil, la seule établie à Amos. 

Or, cela relève presque de l’impossible actuellement. 

«Juste pour vous donner une idée, j’avais mis une annonce dans une agence de placement pour vétérinaires [pour trouver un remplaçant] quand j’ai voulu aller en congé de maternité. L’annonce doit être restée pendant des mois, voire un an», explique-t-elle, disant qu’aucun candidat ne s’est manifesté. 

SE RENSEIGNER AVANT D’ADOPTER

L’établissement accepte les nouveaux clients, mais au compte-gouttes. «On retourne des appels pour malheureusement décliner des rendez-vous chaque jour [...] c’est crève-cœur», dit la Dre Paquin en pensant à ceux qui sont orphelins de médecin vétérinaire. 

Elle croit que la population peut aider en s’informant de la disponibilité des services vétérinaires avant de procéder à l’adoption d’un animal. 

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.