Les hausses des taux étouffent les projets de réno des Québécois
L’inflation et les efforts pour la combattre font plonger les dépenses en la matière
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Après la folie des rénovations des deux dernières années, les entrepreneurs en construction se retrouvent face à des clients nerveux, pris à la gorge par l’inflation et l’explosion des taux d’intérêt.
« Les gens ont viré de bord. Au début, les taux d’intérêt étaient bas. Tout le monde rénovait, mais le vent a tourné », observe Benjamin Tallard, entrepreneur en construction de la Rive-Sud de Montréal.
« J’ai même de bons clients, qui ont des moyens, qui ont des problèmes de paiement depuis six mois », laisse-t-il tomber.
Selon lui, après la folie des rénovations de la COVID-19 où les gens dépensaient sans compter pour s’adapter au télétravail, les hausses répétées des taux hypothécaires ont l’effet d’une douche froide dans l’industrie.
D’après l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ), après une année record de 23,5 milliards de dollars de dépenses l’an dernier, 2023 devrait plonger de 15 %, à 20 milliards de dollars.
« Il y a un ralentissement, c’est certain », témoigne également Régent Beauregard, propriétaire de JRB Construction.
« En raison des taux hypothécaires, le monde dépense moins », constate aussi Guillaume Labrie, président de Construction Labrie.
Gros travaux repoussés
Pour Michel Jodoin, président fondateur de Soumission Rénovation, qui aide les clients à dénicher de bons entrepreneurs, le vent a tourné.
« Pour les gros travaux, c’est rare d’avoir 250 000 $ dans son compte. Souvent, on fait un refinancement hypothécaire, alors ça joue sur la capacité d’emprunt, et on a moins d’argent pour rénover », analyse-t-il.
« Vu que les gens ont moins d’argent dans leurs poches, ils auront tendance aussi à faire les petits travaux eux-mêmes, comme la peinture », illustre-t-il.
À l’APCHQ, on rappelle que plus du tiers des ménages ont recours au financement pour faire des travaux de 5000 dollars et plus.
« L’inflation élevée gruge le pouvoir d’achat des ménages », confirme son directeur du service économique, Paul Cardinal, qui est d’avis que les ingrédients sont réunis pour un rare recul des dépenses en rénovation.
« Autant dans le résidentiel que dans le petit commerce, les taux d’intérêt refroidissent l’ardeur des clients de vouloir rénover », conclut Guillaume Houle, porte-parole de l'Association de la construction du Québec (ACQ).
L’APCHQ prévoit 46 000 mises en chantier cette année, soit un recul de 21 % par rapport à l’an dernier. Il pourrait s’agir de la pire chute en 28 ans.
Un violent coup de frein pour l’industrie
Moins de propositions déposées par les clients
- Agrandissement -45 %
- Maçonnerie -36 %
- Aménagement paysager -25 %
- Revêtement extérieur -17 %
- Cuisine -14 %
- Sous-sol -14 %
- Salle de bain -10 %
Les entrepreneurs plus nombreux à soumissionner pour un projet
- Aménagement paysager +84 %
- Maçonnerie +80 %
- Cuisine +45 %
- Salle de bain +43 %
- Agrandissement +28 %
- Revêtement extérieur +20 %
- Sous-sol +5 %
Source : données du quatrième trimestre, 2021 et 2022, SoumissionRenovation.ca
La fin d’une longue période de progression
Dépenses en rénovations résidentielles au Québec
- 2015 12 milliards $
- 2016 12,4 G$
- 2017 13,2 G$
- 2018 14,3 G$
- 2019 14,8 G$
- 2020 15 G$
- 2021 19,7 G$
- 2022 23,5 G$
- 2023 (prévision) 20 G$
Source : Institut de la statistique du Québec et prévisions de l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec