Soins vétérinaires: 6 ans avant le retour à la normale
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L’Ordre des médecins vétérinaires du Québec assure que plusieurs initiatives sont en marche afin d’améliorer l’accès à la médecine vétérinaire, mais prévient qu’il faudra des années pour redresser la barre.
«Sans être pessimiste – on sent déjà de l’amélioration –, mais je vous dirais que tout ça va se rétablir sur une période d’à peu près six ans», prédit le Dr Gaston Rioux, président de l’ordre professionnel.
C’est le temps qu’il faudra avant de voir les tout premiers étudiants du nouveau campus satellite du programme de médecine vétérinaire à Rimouski sortir des bancs d’école, en 2029.
En attendant, plusieurs choses peuvent être faites, assure le Dr Rioux.
En outre, l’Ordre tente d’obtenir des modifications réglementaires pour utiliser les techniciens en santé animale à leur plein potentiel et permettre une plus grande intégration des diplômés en médecine vétérinaire venant de l’étranger.
Or, certains dossiers n’avancent pas à la vitesse espérée.
- Écoutez l'entrevue de Mario Dumont avec Dr Gaston Rioux, président du conseil d'administration de l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec sur QUB radio :
DES MÉDECINS DÉCOURAGÉS
«En février 2022, on a déposé un projet de modification réglementaire au niveau des actes délégués auprès de l’Office des professions. On a un document qui est très bien préparé. Mais force est d’admettre qu’un an plus tard, on n’a pas eu encore l’aval », déplore-t-il.
D’autre part, le Dr Rioux veut trouver des solutions à la détresse psychologique et à l’exode des vétérinaires, alors que plus d’un sur deux disait songer à réorienter sa carrière il y a deux ans.
Une recherche a permis d’identifier la surcharge de travail, le harcèlement et les difficultés à concilier travail et famille comme étant les principales causes de ce désarroi, qui est une préoccupation «majeure» pour l’Ordre.
«On sait quand on rentre [au travail], on ne sait pas quand on sort. [...] Je ne peux jamais être la personne qui va chercher mes enfants à la garderie quand je travaille de jour», illustre la Dre Angélique Perrier-Edmunds, présidente de l’Association des médecins vétérinaires du Québec (AMVQ) et elle-même vétérinaire.
Des comités de travail ont été formés pour trouver des réponses à la pénurie de vétérinaires et favoriser leur rétention. Le recours à la télémédecine est également encouragé par l’Ordre.
«COMME LES INFIRMIÈRES»
Selon la Dre Perrier-Edmunds, les vétérinaires ont déjà commencé à ajuster les façons de faire afin d’optimiser le travail en clinique.
«En tant que client, vous allez vraiment voir qu’on valorise davantage nos techniciens en santé animale. C’est comme nos infirmières», souligne-t-elle.
La clientèle peut également faire une grande différence en adoptant certains comportements. Trop souvent, dit-elle, des gens omettent encore de se présenter à leurs rendez-vous.
Faire preuve de bienveillance envers les équipes vétérinaires, adopter «responsablement» auprès d’éleveurs consciencieux, se munir d’une assurance et ne pas attendre qu’un problème de santé dégénère avant de prendre rendez-vous sont autant de manières d’aider, énumère-t-elle.
À CHAQUE PROBLÈME SA SOLUTION
Pour certaines personnes il est difficile de trouver le spécialiste de la santé qui prendra soin de son petit protégé. Mais des efforts sont faits pour tenter d’améliorer la situation.
DE LA RELÈVE ET ÇA PRESSE POUR NOS FERMES
La pénurie de main-d’oeuvre pèse tout autant dans le secteur vétérinaire dédié aux animaux de production dans les fermes et le secteur bioalimentaire. À l’heure actuelle, on craint que la relève soit insuffisante pour combler les départs à la retraite.
«Dans les prochaines années, il y aurait le double de finissants [au programme de médecine vétérinaire] et ce ne serait pas un problème. Ça ferait juste combler le marché de l’emploi», lance dr Jean-Yves Perreault, président de l’association des médecins vétérinaires praticiens du Québec.
La situation est fragile, surtout dans les territoires éloignés. «Le drapeau rouge est levé et on s’assure de travailler sur tous les fronts en même temps», dit-il.
Selon lui, il est impératif d’améliorer le soutien offert aux vétérinaires qui travaillent dans les environnements agricoles, en plus de faire connaître ce métier à plus d’étudiants pour augmenter le nombre de finissants.
DIFFICILE DE TROUVER DU TEMPS POUR SOI
Même à 30 minutes de Montréal, où la situation est davantage sous contrôle, les journées sont longues pour les vétérinaires.
«C’est sûr que c’est plus difficile. Je vous dirais que j’ai moins de temps avec la famille. J’ai quand même deux grandes filles. il arrive que je parte le matin [...], je ne les vois pas, puis le soir ça peut être couché quand j’arrive», confie avec une pointe d’émotion dre nathalie Bousquet, propriétaire de la Clinique vétérinaire Rosemère.
Dans les deux dernières années, près de 40 % des patients reçus en étaient à leur première visite, que ce soit pour une urgence ponctuelle ou parce qu’un nouveau compagnon s’était ajouté à la famille.
Dans l’ensemble, le bien-être animal n’est pas compromis malgré la forte demande, estime la vétérinaire.
«À certains moments, parce qu’on est humains, on n’est pas capable de prendre tous les rendez-vous qu’on voudrait», mentionne-t-elle, se considérant malgré tout « choyée » par rapport à la situation dans les milieux ruraux.
FAIRE UN MEILLEUR USAGE DES TECHNICIENS
Le réseau Vet et nous, qui regroupe près d’une trentaine de cliniques au Québec, est lui aussi affecté par la pénurie de professionnels de la santé animale. Les gestionnaires de cliniques multiplient les manœuvres pour tenter de combler toutes les demandes, telles que le transfert de vétérinaires dans une clinique dont les besoins sont plus importants.
«Mais on n’a pas la capacité de prendre autant de nouveaux clients qu’on voudrait», admet le dr Sébastien Kfoury, de la clinique de Brossard. On a une trentaine de postes de vétérinaires ouverts et qui sont non comblés», poursuit-il.
Le Dr Kfoury souligne qu’une partie de la solution est de donner davantage de place aux techniciens en santé animale, notamment pour effectuer un triage efficace. Cela permet d’aider les vétérinaires «à déterminer quels sont les patients qui ont besoin d’un examen urgent ou ceux qui peuvent se régler plus rapidement au téléphone ou sur place», fait-il valoir.
LES VÉTÉRINAIRES «SE PASSENT D’UN OUTIL TRÈS PRÉCIEUX»
Par manque de connaissances ou parfois de confiance, les vétérinaires n’utilisent pas les techniciens en santé animale (TSa) de façon optimale, souligne Francis Rousseau, président de l’association des techniciens en santé animale du Québec (aTSaQ).
«Les TSa sont formés pour faire différents soins, traitements et prélèvements [mais on les] utilise à la réception, aux commandes et pour tenir des animaux», observe M. Rousseau. Par conséquent, des vétérinaires se retrouvent à faire des tâches qu’ils pourraient déléguer aux TSa, parfois sans le savoir. Et ultimement, des TSa quittent la profession en raison d’un manque de reconnaissance et d’accomplissement.
L’aTSaQ a d’ailleurs participé à une table de travail pour revoirla réglementation sur les actes délégués en lien avec la loi sur les médecins vétérinaires établie en 2007.
«Les résultats ont été présentés à l’Office des professions [...] et c’est en discussion présentement», indique le président.