«L’éveil du printemps»: un remodelage réussi et moderne
Il y a toujours un risque à transposer une œuvre d’une autre époque dans le monde actuel. Avec L’éveil du printemps, David Paquet s’est permis beaucoup de libertés, remodelant et actualisant un texte écrit en 1891 pour l’ancrer solidement dans les réalités du 21e siècle.
À l’affiche jusqu’au 18 février au Trident, L’éveil du printemps est un objet théâtral assez différent de l’œuvre écrite par le dramaturge allemand Frank Wedekind.
Le texte, censuré à l’époque, aborde, par la satire, l’éveil sexuel d’une jeunesse vivant au cœur d’une société bourgeoise et fermée dans sa façon de parler de sexualité.
Pour actualiser l’œuvre avec des réalités d’aujourd’hui et de la sexualité facile d’accès, l’auteur David Paquet a fait un bon travail de reconstruction, insérant des éléments associés à l’application Tinder et au mouvement #MeToo.
Il a aussi transformé certains personnages, comme Melchior, un garçon de 14 ans dans l’œuvre originale, devenu une adolescente.
Mise en scène par Oliver Arteau, L’éveil du printemps joue sur deux tonalités. Une première partie humoristique et satirique, jouée parfois très gros, et un deuxième segment plus dramatique, tragique, touchant et qui aborde le mal de vivre d’une génération.
Ça bouge beaucoup avec des numéros de cordes à danser et des chorégraphies signées par Olivier Arteau et le danseur Fabien Piché.
Caricature clownesque
Les 10 comédiens évoluent sur et autour d’une plateforme inclinée, où ils effectuent plusieurs glissades, et dans une scénographie qui, par moments, rappelle la relecture d’Antigone présentée en 2019 au Trident.
Lé Aubin, Claude Breton-Potvin, Gabriel Favreau, Gabriel Lemire, Carla Mezquita Honhon et Sarah Villeneuve-Desjardins campent très bien les jeunes adolescents. Claude Breton-Potvin mérite une grosse étoile dans son cahier pour le rôle de Melchior.
Les personnages adultes, joués par Marie-Josée Bastien, Ariel Charest, Sébastien Rajotte et Marc-Antoine Marceau, sont caricaturés et clownesques. Un choix possiblement délibéré de l’auteur pour ridiculiser ces adultes qui gardent ces ados dans l’ignorance.
Le segment où le juge, campé par Marc-Antoine Marceau, interroge une jeune fille agressée sexuellement est bien livré et fort dramatiquement, mais éloigné de l’œuvre originale de Wedekind.
L’éveil du printemps livre la marchandise. C’est réussi. Reproduire cette pièce avec les codes du 19e siècle aurait sonné faux. La deuxième partie, plus sombre, témoigne d’une jeunesse qui, 132 années plus tard, a encore de la difficulté à s’épanouir pleinement.