L’absentéisme, nouveau grand facteur de la pénurie de main-d'oeuvre
Il a grimpé de 19 % par rapport aux années précédant la pandémie, ce qui aggrave la pénurie d’effectifs
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Le nombre d’heures perdues pour des raisons de maladie ou familiales a grimpé de 19 % en 2022, en comparaison avec la moyenne observée avant la pandémie, entre 2017 et 2019.
Selon les auteurs du Bilan de l’emploi 2022 de l’Institut du Québec, cela vient donner une nouvelle explication à la pénurie de main-d’œuvre, qui trouve aussi ses racines dans le vieillissement de la population.
« L’absentéisme explique en partie pourquoi les employeurs essaient de recruter davantage, pour compenser les heures perdues », dit Emna Braham, une des auteures du Bilan.
Il n’existe plus beaucoup de possibilités d’augmenter le bassin de main-d’œuvre au Québec. Le taux d’activité chez les 15-64 ans est à 81 %, supérieur au reste du Canada. On a par ailleurs presque doublé le recours aux travailleurs étrangers temporaires et aux étudiants étrangers depuis 2018, leur nombre évoluant de 56 500 à 111 600 en 2022. Ainsi, réduire l’absentéisme apparaît comme la nouvelle solution.
- Via QUB radio, le spécialiste économique Yves Daoust revient sur le sujet (tous les jours à 9h35)
La santé psychologique ébranlée
Une partie des absences de 2022 tient au contexte pandémique lui-même, car la COVID a continué de contaminer des travailleurs. De ce côté, une embellie est possible en 2023.
Toutefois, l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés observe une recrudescence des absences liées à des enjeux de santé psychologique depuis plusieurs années. Avant la pandémie, cela représentait le tiers des invalidités de long terme et elles compteraient maintenant pour plus de la moitié.
L’inflation très stressante
« Je pense que ça n’ira pas en s’améliorant, anticipe la directrice de l’Ordre, Manon Poirier. On voit une croissance depuis longtemps. Il y a eu une accélération avec la pandémie à cause du stress et de l’isolement. Maintenant, c’est la santé financière qui est un des plus gros stresseurs. Dans le contexte actuel, beaucoup de gens se demandent comment ils vont faire face à leurs obligations. »
À cela, il faut ajouter que plusieurs organisations et entreprises fonctionnent sans avoir tout le personnel nécessaire, ce qui accroît la charge des travailleurs en poste et augmente le risque de détresse.
« Il faudra augmenter la productivité, automatiser des tâches, réorganiser le travail ou trouver des nouveaux modèles d’affaires pour devenir moins gourmands en main-d’œuvre », anticipe Emna Braham.
CINQ FAITS SAILLANTS DU BILAN DE L’EMPLOI 2022 DE L’INSTITUT DU QUÉBEC
Des dizaines de milliers de chômeurs... surqualifiés !
Même si beaucoup de postes sont libres, il y a des travailleurs qui ne trouvent pas chaussure à leur pied. En fait, leur profil ne correspond pas aux besoins des employeurs. Plusieurs sont trop éduqués pour les postes disponibles : 42 800 chômeurs détenaient un diplôme universitaire en 2022, alors que 31 450 postes vacants réclamaient un tel niveau d’éducation.
D’un autre côté, près de 90 000 emplois offerts ne requéraient aucun niveau de scolarité, alors que seulement 39 600 chômeurs présentaient ce profil.
La productivité toujours à la traîne
À la fin du troisième trimestre de 2022, il y avait 230 000 postes vacants au Québec. Près de 50 000 de ces postes se trouvent dans le secteur de la santé et des services sociaux. Les autres secteurs qui cherchent le plus de main-d’œuvre sont les services d’hébergement et de restauration, la fabrication et le commerce de détail.
Le Québec se démarque depuis plusieurs années comme une des provinces avec le plus haut taux de postes vacants. Bien sûr, la croissance économique et la démographie font partie des raisons, mais le Bilan de l’emploi révèle aussi une faiblesse de productivité. Pour produire un milliard de dollars dans le Produit intérieur brut (PIB), il faut 9400 travailleurs au Québec, tandis qu’il en faut 8000 en Ontario, province plus productive.
Des tonnes de très bonnes « jobs » créées
La création d’emplois depuis le début de 2020 est concentrée dans des postes à temps plein bien rémunérés. En fait, il y a un gain de 532 000 emplois payés 30 $ de l’heure et plus, puis une perte de 465 500 emplois chez les travailleurs payés 20 $ de l’heure et moins.
Par ailleurs, l’emploi à temps plein s’est accru de 4 % en 2022, tandis que l’emploi à temps partiel a reculé de 2 %.
C’est le secteur privé qui a enregistré la plus forte croissance de l’emploi depuis la fin de 2021, avec 66 500 postes contre 10 000 dans le secteur public. Le travail autonome a diminué.
Globalement, les salaires ont progressé de 5,8 % en 2022.
L’intégration des immigrants s’améliore
L’intégration des immigrants sur le marché du travail québécois a poursuivi sa progression, le taux de chômage ayant reculé de 7 % à 4 % chez les 25-54 ans entre décembre 2019 et décembre 2022. Le taux d’emploi, lui, est passé de 78 % à 83 %.
Le nombre de résidents non permanents (travailleurs temporaires, étudiants internationaux) qui occupent un emploi au Québec a par ailleurs augmenté de 56 500 à 111 600 entre 2018 et 2022.
Plus d’emplois qu’avant la pandémie
En 2022, l’emploi au Québec a dépassé de 3 % le niveau d’avant la pandémie, avec la création de 274 000 emplois en deux ans. Cette croissance est néanmoins plus faible que presque partout au pays parce que le Québec était déjà en situation de plein emploi. Aussi, la population québécoise augmente moins rapidement : il y a donc moins de nouveaux travailleurs disponibles pour pourvoir les postes affichés. Cette réalité démographique est appelée à perdurer au cours de la prochaine décennie, selon l’Institut du Québec.