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En finir avec la rivalité féminine: les dérives de l’envie et de la jalousie

Elisabeth Cadoche et Anne de Montarlot
Photo fournie par Philippe Quaisse

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Est-il possible d’entretenir une concurrence saine et naturelle entre femmes sans qu’elle devienne toxique ? La journaliste Élisabeth Cadoche et la psychothérapeute Anne de Montarlot se sont questionnées sur la solidarité, la sororité et les dérives de l’envie et de la jalousie au féminin dans un ouvrage percutant, En finir avec la rivalité féminine.

De la salle de réunion à la salle d’accouchement, sur les réseaux sociaux, dans les couloirs des écoles, dans les loisirs, la rivalité féminine est à l’œuvre et les autrices l’exposent et la décortiquent dans leur livre. 

Les femmes, constatent-elles, semblent comparer toutes les sphères de leur vie à celle des autres : apparence, réussite, pouvoir, amours, tout y passe. Comment cela se fait-il et quelles en sont les conséquences ?

En faisant leurs recherches sur la rivalité féminine, Élisabeth Cadoche et Anne de Montarlot ont fait des constats choquants. 

« Nous avons réalisé que la rivalité féminine n’était pas réservée au milieu professionnel, mais qu’elle s’infiltrait partout : dans l’amitié, dans les relations entre sœurs et même dans les relations mère-fille, ce qui a donné lieu à des témoignages glaçants », écrit Élisabeth Cadoche, en entrevue par courriel.

Comment expliquer ce comportement toxique ? 

« Ce comportement est expliqué par le fait que, contrairement aux hommes dont la rivalité est acceptée, voire valorisée, la rivalité féminine est taboue. On attend toujours des femmes qu’elles soient douces et gentilles vis-à-vis des autres », explique-t-elle.

« Les femmes sont donc privées de colère et plutôt que de dire les choses, elles nourrissent les non-dits, les rancœurs, finissent par colporter des rumeurs et des ragots qui sont des armes redoutables. Elles choisissent de contourner, de ne pas se confronter et prennent la voie du passif-agressif. »

La rivalité s’exerce de la même manière, que les femmes soient connues ou non. 

« Ce qui diffère, c’est l’écho donné par les médias à leur comportement. »

Burn-out et ruptures

Ce comportement peut faire beaucoup de dommages, quelle que soit la personne qui en est la cible. 

« Cela peut aller jusqu’au burn-out professionnel, à la rupture amicale, voire à une rupture familiale. Nous avons recueilli le témoignage d’une jeune femme qui a “fui” le domicile familial à 18 ans parce que sa mère, narcissique, était jalouse d’elle et ne pouvait supporter la féminité de sa fille qui la renvoyait à son âge, au vieillissement inéluctable, à la ménopause. »

Les autrices ajoutent que la rivalité féminine et la médisance peuvent détruire des vies. 

« Les rumeurs tuent plus sûrement que le poison. Nous évoquons dans le livre un fait divers qui a coûté la vie à une jeune fille. Sans aller jusque-là, les commentaires haineux peuvent faire des dégâts considérables, détruire votre confiance en vous pour de longues années et vous rendre la vie impossible. »

Admirer au lieu d’envier

Et que peut-on faire, collectivement, pour changer la donne ? « Si la rivalité est une des conséquences du patriarcat, la perpétuer est notre responsabilité », explique Élisabeth Cadoche.

« Plus jeune, plus belle, plus mince, plus riche : on a toutes éprouvé le poison de la jalousie. L’accepter est une première étape. Cesser de colporter des ragots, de commenter le physique des autres femmes, dire les choses au lieu d’éprouver de la rancune, de l’amertume, autant de choses qui nous mèneront sur la voie de la sororité. »

Dans une ère post #MeToo, les autrices ont trouvé essentiel de briser les tabous de la rivalité, de comprendre d’où elle venait pour la combattre. Leur message le plus important ? « Faire réaliser aux femmes que le talent de l’une n’effaçait pas l’autre et appliquer le conseil du psychiatre Christophe André : “Un remède à l’envie est d’apprendre à admirer au lieu d’envier.” »  


♦ Élisabeth Cadoche est journaliste et autrice. Elle a écrit des fictions, des émissions et des séries documentaires pour la télévision.

♦ Anne de Montarlot est devenue psychothérapeute après une carrière à New York dans la finance et la publicité. Elle exerce à Londres depuis 16 ans.

EXTRAIT

Elisabeth Cadoche et Anne de Montarlot
Photo fournie par Les Éditions de l’Homme

« À quoi peut-on reconnaître une vraie amie ? Sans doute au fait qu’une vraie amie vous parle ouvertement lorsque quelque chose la tracasse, ne se sent pas en danger parce qu’elle vous trouve plus jolie (ce que vous contestez), se réjouit sincèrement pour vous, applaudit vos succès, a suffisamment confiance en elle pour ne pas se sentir menacée par vos succès, manque parfois de confiance en elle et s’en ouvre à vous. À l’inverse, on devrait ne pas se sentir coupables de notre réussite ou de notre bonheur et pouvoir le partager avec nos amies. »

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