L’amour chez nos ancêtres: des filles du Roy aux applications de rencontre
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Quête centrale chez les uns, souvenirs douloureux chez les autres, l’amour fascine. Plus que le succès professionnel, l’amour serait l’ingrédient essentiel du bonheur. À quelques jours de la Saint-Valentin, posons-nous la question : était-ce aussi le cas chez nos ancêtres ?
Journaliste et chroniqueur, Jean-Sébastien Marsan propose une ambitieuse histoire de l’amour, de la Nouvelle-France à la Révolution tranquille.
Aujourd’hui comme autrefois, conclut-il, nous chercherions l’amour parfait. Nous aurions bien tort de nous croire plus libres que nos ancêtres.
Selon Marsan, « une fille du Roy fraîchement débarquée en Nouvelle-France et une célibataire québécoise du XXIe siècle qui s’inscrit sur un site web ou une application de rencontre, c’est blanc bonnet ou bonnet blanc ». L’objectif ? Se caser !
Nous serions encore sous l’emprise de cette conviction qu’il existerait quelque part une âme sœur.
Pour vivre serein et heureux, il suffirait de trouver cette personne qui serait à la fois une amie, une amante, une partenaire de vie, une mère responsable, etc.
Peur du flirt
Selon Marsan, il s’agit d’une grande illusion dont nous devrions nous débarrasser au plus vite ! Cet idéal crée des attentes démesurées et mène presque toujours à des déceptions.
De plus, cet idéalisme de l’amour tend à discréditer ces jeux de séduction et de flirt qui mettent du piquant dans les relations entre hommes et femmes.
« La culture québécoise demeure allergique à l’éducation sentimentale et sexuelle », déplore-t-il.
Son Histoire populaire de l’amour montre à quel point les rituels de la rencontre amoureuse étaient lourds, autrefois.
Avant le mariage, les jeunes qui se courtisaient étaient étroitement surveillés : les danses, interdites ou encadrées ; le cinéma, proscrit le dimanche. Les femmes devaient se présenter à leurs époux vierges et « pures ».
Une fois mariées, elles étaient complètement soumises à leur mari.
En Nouvelle-France, le viol se déclinait de deux façons, soit par la violence, soit par la séduction.
En effet, lorsque deux jeunes faisaient l’amour et que la femme tombait enceinte, l’homme pouvait être formellement accusé de « rapt de séduction ».
Pour avoir le droit de faire l’amour, il était impératif que l’homme s’engage à se marier. L’honneur de la femme et de sa famille était en jeu.
Bonjour la légèreté !
Roman sentimental
Le livre de Marsan ne manque pas d’intérêt, mais c’est davantage une histoire des mœurs et des mentalités qu’une histoire du sentiment amoureux.
C’est aussi une critique acerbe du contrôle exercé par l’Église sur les couples.
Pour se faire une idée de l’évolution du sentiment amoureux au cours des deux derniers siècles, il faut lire une étude plus académique, mais très riche. Marie-Pier Luneau et Jean-Philippe Warren proposent une première grande synthèse du « roman sentimental » au Québec.
Leur conclusion va dans le même sens que Marsan : aujourd’hui comme hier, « on ne peut aimer qu’une seule personne à la fois ».
Adeptes du polyamour, vous êtes loin du compte !