[PHOTOS] Le Trait-Carré de Charlesbourg et ses bâtiments emblématiques
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Le Trait-Carré est un quartier historique situé en plein cœur de Charlesbourg. Voici un aperçu du développement de ce quartier ainsi qu’un regard sur certains de ses bâtiments les plus emblématiques.
L’établissement du Trait-Carré
Les origines du Trait-Carré remontent à la seigneurie Notre-Dame-des-Anges. Cette seigneurie avait été concédée aux jésuites en 1627 par la compagnie des Cents-Associés qui s’occupait à l’époque de la colonisation de la Nouvelle-France. Il faut cependant attendre 1665 avant de voir un effort colonial vraiment se manifester dans la colonie. Cela est dû à une ordonnance du roi Louis XIV qui reprend en charge la colonisation en Nouvelle-France. Il demande aux colons de se regrouper en villages afin de faciliter la colonisation du territoire et la défense face aux attaques des Premières Nations.
Pour ce faire, les jésuites décident d’établir leur colonie sous forme de plan radial. Ce type d’aménagement consiste en une commune centrale de cinq arpents entourée de chemins sur lesquels sont rattachées des terres sous forme de trapèze. La commune au centre est réservée à l’église, au presbytère et à une section de pâturage disponible pour la communauté. Ce type d’aménagement rappelle beaucoup les villages européens. Il s’agit toutefois d’une première en Nouvelle-France, car la colonisation se faisait en longue bande de terre perpendiculaire à un cours d’eau. La méthode utilisée par les jésuites a pour effet de rapprocher les habitations et de créer un noyau fort plus facile à défendre. Le nom Trait-Carré serait en fait le nom de la route qui entourait la commune centrale et à laquelle les terres se rattachent. Ce type d’implantation sera d’ailleurs repris par Jean Talon pour l’établissement du Bourg-Royal. En 1686, les jésuites cèdent le territoire à la fabrique de Charlesbourg afin qu’il y soit construit une église, un presbytère, un cimetière et un jardin.

Les terres entourant le Trait-Carré sont reconnues comme fertiles, ce qui a pour effet d’attirer les colons. Le village de Charlesbourg, au fil des années, se densifie et les terres laissent place aux habitations. Cependant, l’agriculture restera jusqu’au début du 20e siècle très présente dans le décor du Trait-Carré.
L’église Saint-Charles-Borromée
L'un des lieux les plus emblématiques du Trait-Carré est l’église Saint-Charles-Borromée située en plein centre du quartier. Il est intéressant de savoir qu’il s’agit en fait du troisième établissement de culte du village de Charlesbourg. Le premier était une petite chapelle rudimentaire faite de bois. On estime qu’elle aurait été construite entre 1666 et 1674 à l’endroit où se trouve l’actuelle église Saint-Charles-Borromée. Elle fut détruite en 1697 pour faire place à une vraie église faite de pierres recouvertes de crépi, avec un toit fait de bardeaux de cèdre. Il faudra attendre 1702 pour y voir un clocher. Cette église installée sur le terrain de l’actuel parc du Sacré-Cœur sera utilisée pendant près de 133 ans, avant de faire l’actuelle église Saint-Charles-Borromée.
C’est l’architecte Thomas Baillargé qui est responsable d’élaborer en 1827 les plans de cette nouvelle église à la demande du vicaire Jérôme Demers. La construction est achevée en 1830. Comme la première église en pierre est détruite en 1836, soit six ans après la construction de la nouvelle, il était donc possible d’observer les deux églises en même temps dans le Trait-Carré pendant une certaine période. L’église Saint-Charles-Borromée subit plusieurs modifications au fil du temps. On construit en 1887 une nouvelle sacristie selon les plans de David Ouellet. Le toit de bardeaux sera remplacé en 1893 par un toit en tôle à la canadienne. En 1936, on ajoute un revêtement qui imite le granit. L’église Saint-Charles-Borromée est classée monument historique en 1959.
Presbytère
Le Trait-Carré connut au courant de son histoire trois presbytères pour accueillir les curés de sa paroisse. Les presbytères furent tous érigés sur le même terrain. La construction du premier eut lieu de 1690 à 1691 pour accueillir l’abbé Alexandre Doucet, premier curé de la paroisse. En 1744, Mgr de Pontbriand est en visite dans la paroisse et demande que soient coupés les arbres se situant près du presbytère. Cela nous laisse donc croire que les arbres étaient très présents dans le centre de la commune à la moitié du 18e siècle. En 1807, on fait construire un deuxième étage.
Pas moins de sept curés ont résidé dans ce presbytère avant qu’il soit démoli en 1846. C’est Pierre Roy, le huitième curé de la paroisse, qui demande la construction d’un nouveau presbytère. Cependant, il ne profitera jamais du nouveau bâtiment, car il meurt en 1847, un peu avant la fin de la construction. Malheureusement, le second presbytère ne sera pas utilisé très longtemps. Seulement deux curés l’utiliseront, car des problèmes d’infiltration d’eau rendent le bâtiment rapidement obsolète. Il est démoli en 1875 pour faire place au presbytère actuel.
C’est l’architecte Thomas-Jacob Lepage qui réalise le nouveau presbytère à la demande du curé Augustin Beaudry. Le bâtiment du style Second Empire est caractérisé par son soubassement surélevé ainsi que par une galerie. Il subira de nombreuses améliorations au fils des années; par exemple, une annexe à l’arrière est bâtie en 1950 à la demande du curé Odilon Gauthier. De nos jours, le presbytère accueille toujours des prêtres, en plus de servir de bureau administratif de paroisse.
Le parc du Sacré-Cœur
C’est le 13 juillet 1919 qu’ont lieu les festivités entourant l’inauguration du monument au Sacré-Cœur. L’évêque Paul-Eugène Roy bénit le monument en remerciement au Sacré-Cœur pour sa protection, notamment lors de la Première Guerre mondiale. Ce monument, appelé «Statue de la Liberté», a été conçu par le sculpteur Alfred Laliberté. La statue est faite de marbre blanc du Vermont sur un piédestal de granit de Stanstead construit par George E. Tremblay. Lors de la confection du monument, un document a été inséré à l’intérieur. On pouvait lire sur ce document:
«J'ai été sculpté par l'artiste Laliberté, j'ai été érigé par les paroissiens de Charlesbourg; intronisé par le chanoine Gosselin, béni par l'archevêque de Séleucie, loué par le Père Bélanger en présence de plusieurs chanoines, d'un nombreux clergé et d'un monde de spectateurs. Je me souviendrai. Le Sacré-Cœur.» [1]
L’emplacement où se situe le parc du Sacré-Cœur a eu une importance particulière dans la vie du Trait-Carré tout au long de son histoire. C’est notamment là qu’on pouvait trouver le cimetière de la paroisse ainsi que la première église en pierre. Après la destruction de l’église en 1836, c’est l’entièreté du terrain qui fut consacré au cimetière. Celui-ci fut utilisé jusqu’en 1894, année où on en créa un nouveau, car l’espace commençait à manquer. De nombreuses fouilles archéologiques ont eu lieu au parc du Sacré-Cœur, notamment en 2008, quand les fondations de l’église furent exposées avant d’être enfouies de nouveau.
Le Couvent des sœurs du Bon-Pasteur et le Collège des frères maristes
L’éducation au Trait-Carré a été assurée à partir du début du XXe siècle par deux institutions. Ces établissements sont le Collège des Frères maristes pour les garçons et le Couvent des sœurs du Bon-Pasteur pour les filles. En 1880, on confie aux sœurs du Bon-Pasteur l’éducation des jeunes filles de l’école du Trait-Carré. Les sœurs logeront dans une maison près de l’église jusqu’à ce qu’on érige en 1883, près du presbytère, un couvent pour accueillir les classes des filles. On procède à des agrandissements du couvent en 1910 selon les plans de François-Xavier Berlinguet et, en 1916, on y installe des lumières électriques. En plus de l’enseignement régulier, on y enseigne la musique. L’enseignement est confié à la commission scolaire en 1959, mais les sœurs du Bon-Pasteur continuent à enseigner la musique au couvent. Celui-ci est finalement transformé en maison de retraite dans les années 1990.
Le Collège des Frères maristes est fondé en 1904 à la demande de Louis-David Gosselin, curé de Charlesbourg et président de la commission scolaire. Il demande aux frères maristes de venir s’occuper de l’enseignement à Charlesbourg, puisqu’ils sont réputés pour la qualité de la formation qu’ils offrent. Les frères maristes veillent à l’enseignement à Charlesbourg de 1904 à 1962.
Le 14 octobre 1932, un incendie se déclare dans la cuisine au sous-sol du collège, alors que les élèves sont en classe. Heureusement, l’évacuation se déroule dans le calme et aucun élève n’a été blessé. Bien que l’extérieur du bâtiment soit intact à la suite de cet incident, les flammes, la fumée et l’eau abîment lourdement l’intérieur du collège. Au total, les travaux pour remettre l’école en état coûteront 10 000 dollars. Afin d’assurer la poursuite des enseignements tout au long des travaux, la salle paroissiale, que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de la salle Pierre-Garon, est transformée en école temporairement. Les frères maristes veillent à l’enseignement à Charlesbourg de 1904 à 1962. Le Collège des frères maristes est annexé à la bibliothèque Paul-Aimé-Paiement en 1980.
Moulin des Jésuites
Il y a eu deux moulins dans l’histoire du Trait-Carré. Le premier, moins connu, était un moulin à vent construit en 1670 près de la commune. Il sera remplacé par un moulin à eau. Il est remplacé par un moulin à eau entre 1733 et 1744. La population étant en nette croissance démographique, un moulin de plus grande taille est nécessaire pour satisfaire les besoins de la communauté. Le nouveau moulin est construit sur la terre de Pierre Lefebvre, un habitant de la paroisse. Le moulin est alimenté par le ruisseau de la Cabane-aux-Taupiers, qui est maintenant enfoui. Le moulin est loué par les jésuites à des meuniers pour s’en occuper; c’est le cas de Pierre et Louis Déry, qui seront meuniers au début du XIXe siècle.
Le moulin sera en fonction jusqu’en 1940 et aura par la suite de nombreuses autres fonctions, alors qu'il agira comme manufacture d’allumettes ou encore comme fabrique de fer ornemental. Une partie du terrain sera utilisée pour la construction d’une station-service. La Ville de Charlesbourg acquiert le moulin en 1980 pour en faire un centre d’interprétation historique.
Un texte de François Pleau, technicien en documentation, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
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Sources
- Drouïn, F. (2015). 1665-2015 : le Trait-Carré de Charlesbourg a 350 ans. Cap-aux-Diamants, (123), 51–52.
- Lachance, J. (1992). Le Vieux-Charlesbourg. Continuité, (54), 28–34.
- MAISON DU PATRIMOINE, «Moulin des Jésuites», Maison du Patrimoine, Moulin des Jésuites | Maisons du patrimoine | Patrimoine et architecture (consulté le 25 janvier 2023).
- MOULIN DES JÉSUITES, «Le moulin des Jésuites et le Trait-Carré de Charlesbourg», À propos - Le Moulin des Jésuites et le Trait-Carré de Charlesbourg (moulindesjesuites.org) (consulté le 17 janvier 2023).
- MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS, «Site patrimonial de Charlesbourg», Répertoire du Patrimoine culturel du Québec, Site patrimonial de Charlesbourg - Répertoire du patrimoine culturel du Québec (gouv.qc.ca) (consulté le 19 janvier 2023).
- MINISTÈRE DE LA CULTURE ET DES COMMUNICATIONS, «Église Saint-Charles-Borromée», Répertoire du Patrimoine culturel du Québec, Église Saint-Charles-Borromée - Répertoire du patrimoine culturel du Québec (gouv.qc.ca) (consulté le 19 janvier 2023).
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- PAROISSE SAINT-CHARLES-BORROMÉE, «Presbytère Saint-Charles-Borromée - 1876», Patrimoine, Paroisse Saint-Charles-Borromée, Dépliant-prebytère-vf.pdf (pscb.ca) (consulté le 16 janvier 2023).
- PAROISSE SAINT-CHARLES-BORROMÉE, «Parc du Sacré-Cœur», Patrimoine, Paroisse Saint-Charles-Borromée, Vers 1840, un muret en pierre est érigé autour du cimetière (pscb.ca) (consulté le 16 janvier 2023).
- PAROISSE SAINT-CHARLES-BORROMÉE, «Cimetière Saint-Charles-Borromée 1893», Patrimoine, Paroisse Saint-Charles-Borromée, Dépliant-cimetière_vf.pdf (pscb.ca) (consulté le 16 janvier 2023).
- LE PATRIMOINE IMMATÉRIEL RELIGIEUX DE QUÉBEC, Prénom s’il y a lieu, «L'église Saint-Charles-Borromée de Charlesbourg», Le patrimoine immatériel religieux de Québec, L'église Saint-Charles-Borromée de Charlesbourg — Le patrimoine immatériel religieux du Québec (ulaval.ca) (consulté le 17 janvier 2023).
- LE PATRIMOINE IMMATÉRIEL RELIGIEUX DE QUÉBEC, Prénom s’il y a lieu, «Le Parc du Sacré-Coeur de la paroisse Saint-Charles-Borromée», Le patrimoine immatériel religieux de Québec, Le Parc du Sacré-Coeur de la paroisse Saint-Charles-Borromée — Le patrimoine immatériel religieux du Québec (ulaval.ca) (consulté le 17 janvier 2023).
- VILLE DE QUÉBEC, «Église et cimetière de Saint-Charles-Borromée», Patrimoine, l’archéologie à Québec, Histoire de l’église de Saint-Charles-Borromée - Église et cimetière de Saint-Charles-Borromée - Archéologie - Ville de Québec (quebec.qc.ca) (consulté le 17 janvier 2023).
- VILLE DE QUÉBEC, «Trait-Carré», Toponymie, Ville de Québec, Fiche (quebec.qc.ca) (consulté le 18 janvier 2023).
- Trudelle, Charles,, Paroisse de Charlesbourg /, Québec, Imprimerie générale A. Coté et cie, 1887, xxi, 325 p. ; 19 cm, Collections de BAnQ.
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