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Après un an de guerre en Ukraine, voici sept choses que nous avons apprises sur Vladimir Poutine

Il n’est peut-être pas fou, mais il est aveuglé par son idéologie, selon des experts.



Que veut Vladimir Poutine et jusqu’où est-il prêt à aller? C’est la question que tout le monde se posait au début de l’invasion de l’Ukraine, en 2022. Après un an de guerre, on comprend mieux les intentions et les ambitions du dictateur russe, qui apparaît moins comme un fou prêt à une escalade nucléaire et plus comme un dictateur rationnel, mais dangereux.

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1) Il n’est pas en mission suicide

Photo d'archives, AFP

Quand on regarde les choix de l’armée russe sur le terrain, tout porte à croire que Poutine est en contact avec la réalité. 

«Il n’est pas dans une mission suicide», résume Maria Popova, professeure en sciences politiques à l’Université McGill.

«Sur le terrain, toutes les fois où ça devenait impossible de progresser, Poutine a fait ce qui était rationnel et a retiré ses troupes», illustre-t-elle.  

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Les craintes d’une escalade nucléaire, qui étaient très élevées en février 2022, ont depuis «significativement diminué». 

«Il a brandi la menace du nucléaire à plusieurs reprises depuis, mais il n’a pas montré son intention concrète de l’utiliser sur le terrain, au-delà des mots», remarque Mme Popova.

2) Il n’est pas irrationnel

Photo d'archives, AFP

La décision d’envahir l’Ukraine peut nous paraître comme de la folie, mais on sait maintenant qu’il s’agit surtout d’une erreur de calcul. 

«Poutine pensait réellement que Kyïv allait basculer en trois jours. Ça a même été documenté, puisque des soldats ont laissé des documents derrière eux», indique Dominique Harel, professeur à l’Université d’Ottawa et titulaire de la Chaire d’études ukrainiennes. 

Poutine s’attendait en fait à revivre le scénario de 2014, lors de l’annexion de la Crimée. À ce moment-là, très peu de coups de feu avaient été tirés. Le Donbass a été pris en quelques jours, rappelle M. Harel. 

De plus, «Poutine s’attendait à une réaction tiède de l’Occident. Il a mal évalué les différents rapports de force», explique Renéo Lukic, professeur à l’École supérieure de relations internationales de l’Université Laval.  

On soupçonne aussi que Poutine est parfois mal informé par la structure «hyper hiérarchique» qu’il gouverne, dit M. Harel. «Les subordonnés ont toujours intérêt à dire ce que le patron au-dessus veut entendre.»

3) Un espion médiocre

Photo d'archives, AFP

Avant d’être politicien, Poutine a été agent du KGB, les services secrets du temps de l’URSS. Dans son livre L’engrenage, Sergueï Jirnov tente d’entrer dans la tête de Poutine en se basant notamment sur les rencontres qu’il a eues avec lui quand il était lui-même agent du KGB.

Jirnov décrit Poutine comme un espion «médiocre», plus impulsif que calculateur et prêt à sacrifier son peuple. Il y raconte que Poutine a été recalé lors de son court passage dans les services extérieurs du KGB. «Inapte au service, incapable de mesurer le degré de danger réel.» C’est ce que ses formateurs de l’Institut Adropov auraient conclu, selon ce que rapporte l’auteur maintenant exilé en France, dans son ouvrage publié l’été dernier. 

4) Il croit vraiment que les Ukrainiens sont des Russes

Photo d'archives, AFP

«Ce qui est beaucoup plus clair, et de façon assez sinistre, c’est qu’il est absolument convaincu que l’Ukraine est une création artificielle», explique Dominique Harel.

Et cette vision du monde n’est ni nouvelle ni spécifique à Poutine. Elle est en fait partagée par beaucoup de Russes.

«Mais son discours est plus hargneux, plus conspirationniste [qu’avant]», remarque M. Harel.

«Ici, on dit que les Russes subissent le lavage de cerveau de la propagande du régime. Là-bas, ils disent que les Ukrainiens résistent parce qu’ils ont le cerveau lavé par la propagande américaine», abonde Maria Popova.

On est donc très loin de voir Poutine reconnaître l’existence de l’identité ukrainienne ou d’avouer que son invasion a en fait... galvanisé le sentiment ukrainien. 

5) Son discours impérialiste doit être pris au sérieux

Photo d'archives, AFP

«C’est très clair, ce que Poutine veut : contrôler l’Ukraine au complet, dit Maria Popova. Il ne va pas se contenter d’une partie de l’Ukraine.» 

Ou du moins, il voudrait que l’Ukraine revienne dans sa sphère d’influence plutôt que de devenir un État de droit à l’européenne, précise Renéo Lukic. Tout cela repose sur une vision impérialiste et nostalgique de la Russie d’avant 1989. Et cette vision ne s’arrête pas aux frontières de l’Ukraine.

Pourrait-il chercher à envahir d’autres pays? Cela semble peu probable à court terme, s’entendent pour dire les experts. 

Ce qui le limite, ce sont seulement ses capacités militaires et la réalité du terrain. «Mais qu’arrivera-t-il s’il a cette capacité plus tard, en 2025? En 2026?», se demande Mme Popova, qui considère qu’en un an, le danger pour la sécurité de l’Europe a augmenté, notamment pour les pays qui ne font pas partie de l’OTAN.

«Ce qui inquiète, c’est le précédent. On sait maintenant qu’il est prêt à aller jusque-là. Le tabou de la guerre d’agression est tombé», abonde Dominique Harel.

6) La menace est son modus operandi

Photo d'archives, AFP

Poutine utilise une forme de négociation qui pourrait se résumer à «escalader pour désescalader». C’est-à-dire exiger des choses énormes dans le but d’obtenir de plus petites et toute ouverture au compromis est vue comme un signe de faiblesse, explique Maria Popova. 

Par exemple, à la télévision russe, on évoque maintenant des scénarios aussi fous que celui de désunifier l’Allemagne. Devant ce genre de menace irréaliste, on espère ainsi que l’adversaire se dira : «bah, ce n’est pas si grave si on laisse à la Russie un petit pays comme la Moldavie», illustre Mme Popova.  

Pour Dominique Harel, toutes ces raisons font qu’on ne peut ni négocier avec Poutine ni le laisser gagner contre l’Ukraine. 

7) Les prochains mois seront déterminants

Photo d'archives, AFP

Six mois: c’est le temps approximatif qu’il faudrait à l’armée ukrainienne pour recevoir et s’approprier les nouveaux chars et armes promis par l’Occident, estime Renéo Lukic. 

«Les six prochains mois seront donc déterminants», dit-il.

«L’avantage de la Russie, c’est son nombre de soldats. L’avantage de l’Ukraine serait militaire et technologique», résume M. Lukic. 

Personne n’a de boule de cristal, mais Dominique Harel croit qu’une contre-offensive qui permettrait à l’Ukraine de reprendre le terrain perdu en 2022 est possible.

Les autres scénarios, à savoir une «guerre d’enlisement» où le statu quo perdure ou une contre-offensive russe, seraient tous deux «terribles» pour les Ukrainiens. 







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