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La Saint-Valentin à la cubaine

La Saint-Valentin à la cubaine
Photo Jacques Lanctôt

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Mardi dernier, 14 février, tout Cuba a célébré la Saint-Valentin, «jour de l’amour et de l’amitié». La Saint-Valentin, à Cuba, c’est quelque chose de sérieux. On est très «fleur bleue» (naïvement romantique, selon le dictionnaire). D’ailleurs, les marchands de fleurs font des affaires d’or. En plus des fleurs, on y vend des pacotilles, des oursons en peluche ornés de cœurs, et aussi du chocolat fabriqué à Cuba. Les réseaux sociaux sont envahis de messages où l’on célèbre l’amour et l’amitié, avec images et courtes vidéos à l’appui.

J’ai passé la soirée chez une famille typique cubaine. Une mère qui travaille dans un atelier privé où l’on fabrique des chaussures et un beau-père qui travaille pour la société d’État d’électricité. Cette famille reconstituée habite un modeste appartement, dans un quartier populaire, avec trois enfants (deux du côté de la mère et une du côté du père) et un chien. Le plus grand des fils termine ses études en médecine et habite en appartement avec sa copine. Tout le voisinage se connaît, on entre et on sort comme si on était chez soi, en se souhaitant des «felicidades» à qui mieux mieux à l’occasion de cette journée spéciale. On a mangé, bu, dansé et surtout chanté, comme c’est la tradition ici. Avec une musique à plein volume, qui ne semble déranger personne parmi le voisinage.

Au mur, un téléviseur avec écran plat diffusait des images provenant d’une chaîne étatsunienne de Miami, en langue espagnole, en mode silencieux (heureusement), mais on pouvait suivre le cours des choses grâce aux sous-titres. Personne, sauf moi, ne semblait intéressé par ce qu’on y voyait. Dans l’appartement que j’habite, je n’ai pas d’abonnement au câble (plus ou moins légal ici) qui donne accès à différentes chaînes étatsuniennes. Donc, je ne regarde que la télé cubaine et Telesur, qui diffuse en continu des nouvelles provenant surtout d’Amérique latine, avec quelques reporters dans des régions chaudes du monde. J’ai donc perdu la coutume de voir ce genre de programmation criarde.

La Saint-Valentin à la cubaine
Photo Jacques Lanctôt

Et quelle programmation! Des images d’une opulence obscène, des scènes d’une rare violence, avec la dernière tuerie du jour ou la dernière bavure policière, des accidents d’automobile survenus sur une autoroute, avec sang, morts et blessés, des manifestations de protestations avec ripostes policières violentes, des extraits du dernier match de foot, tout cela entrecoupé de publicités dégoulinantes de pizzas, de hamburgers, de sucreries et grignotines de toutes sortes, de boissons gazeuses, de savons et autres détergents, sans oublier les publicités d’automobiles, d’ameublement, d’électroménagers, d’assurances diverses contre une vaste panoplie de catastrophes au choix, les annonces de films et de séries policières, avec fusillades à répétition, cascades et poursuites automobiles, etc. Et des animateurs et animatrices sûrs d’eux, sans doute d’origine cubaine, plus «américains» que les Étatsuniens d’origine, gras, couverts de bijoux, satisfaits et repus, pathétiques dans leur rôle de faire-valoir de l’american way of life. De quoi donner la nausée au non-initié que je suis. Parce que, même au Québec, notre télé n’atteint de si bas fonds.

Le lendemain matin, j’ai allumé mon téléviseur et j’étais fort heureux de retrouver l’émission matinale cubaine, avec ses reportages bien dosés sur la culture, les sports, et les actualités nationales et internationales. Sans publicités agressives invitant à une consommation honteuse de produits et biens de toutes sortes ou au visionnement de séries meurtrières et sanglantes. Avec des animatrices et animateurs attentionnés, qui ne donnent pas l’impression d’être sortis de la cuisse de Jupiter. Cette télévision n’est pas parfaite, mais elle ne me fait pas regretter d’être au monde.

Cuba m’a alors semblé non pas un paradis, mais à tout le moins un oasis, un refuge, un havre de paix, malgré toutes ses difficultés et ses pénuries. Et avec des voisins parfois envahissants mais qui te rappellent sans cesse que nous sommes tous parties de cette grande humanité.

Et je me suis demandé pourquoi un si grand nombre de Cubains cherchent à quitter leur pays pour aller vivre dans ce faux paradis, les États-Unis, qui, pour moi, représente tout ce que je déteste de l’hommerie. Si les États-Unis ont échoué leur invasion terrestre à Playa Giron, en 1961, leur invasion culturelle, elle, n’a jamais cessé et marque des points chaque jour.

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