5 choses à faire pour contrer l’ingérence chinoise
Trudeau doit cesser de s’asseoir sur ses mains et faire preuve de fermeté
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OTTAWA | L’ingérence chinoise dans notre processus démocratique est plus qu’un soupçon. Nos services secrets l’ont documentée, et face à l’inaction du gouvernement ils ont coulé leur rapport aux journalistes pour forcer la main de Trudeau. Plusieurs experts ont déjà proposé des actions très concrètes. Nous en avons consulté trois.
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L’exemple australien
«Il faudrait s’inspirer de ce que l’Australie a fait. Ils ont adopté quatre lois pour contrer l’ingérence étrangère», indique M. Saint-Jacques, ambassadeur en Chine jusqu’en 2016.
Le diplomate pointe en particulier vers la création d’un registre des anciens hauts fonctionnaires et ministres qui travaillent pour des intérêts chinois.
En 2018, l’Australie a adopté le Foreign influence and transparency scheme act qui comprend un registre accessible au public. Les gens travaillants pour des gouvernements étrangers doivent obligatoirement s’y inscrire sans quoi ils peuvent être tenus criminellement responsables.
Une telle loi aurait forcé Jean Charest, par exemple, à rendre publiques la nature et la valeur de son contrat avec le géant Huawei, explique Charles Burton ex-conseiller à l’ambassade du Canada en Chine, maintenant à l’Institut MacDonald-Laurier.
Expulser les diplomates
Questionné à savoir pourquoi il n’avait expulsé aucun diplomate chinois, le premier ministre Trudeau a évité la question en assurant que les actions chinoises pour interférer dans nos élections n’avaient pas eu d’impact sur l’issue du scrutin de 2021.
Mais Guy Saint-Jacques n’achète pas cette salade: «C’est de la malhonnêteté intellectuelle», cingle-t-il. Pour lui, les diplomates suspects devraient être immédiatement expulsés.
Charles Burton souligne qu’Ottawa n’a pas besoin de se justifier pour expulser des diplomates. Il indique que les États-Unis et la Grande-Bretagne ne se sont pas gênés pour le faire quand ils ont eu connaissance d’actions similaires de la Chine chez eux.
Contrer la propagande
En février 2021, le chef des services de renseignement, David Vigneault, a expliqué que la diaspora chinoise au pays n’est pas une menace, mais qu’elle est plutôt victime d’agents externes qui «intimident des personnes au Canada pour susciter la peur». Cela influence leur vote.
L’intimidation est menée massivement sur les réseaux sociaux chinois, en mandarin. Son but, explique Charles Burton, est d’aliéner les Canadiens d’origine chinoise pour qu’ils se sentent exclus ici et pour qu’ils croient qu’ils doivent allégeance à Pékin.
Face à cette machine de propagande, la communauté «est laissée à elle-même», déplore M. Saint-Jacques qui recommande qu’Ottawa investisse pour parler à la diaspora dans sa langue, lui présenter les faits et lui expliquer qu’elle est victime de manipulation.
Risques économiques
Poser des gestes fermes contre la Chine comporte un risque pour notre économie, puisque Pékin pourrait répliquer par des sanctions économiques.
«On exporte des milliards de dollars en produits et services vers la Chine. Est-ce qu’on est prêt à sacrifier ça pour un résultat incertain?» questionne Patrick Leblond de l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa.
«Politiquement, dire aux producteurs agricoles qu’ils ne pourraient plus exporter en Chine, ce serait très coûteux», prévient-il.
Mais pour M. Saint-Jacques, «c’est le prix à payer», car protéger l’intégrité de notre processus démocratique est trop fondamental pour ne pas agir.
«Le seul langage que la Chine comprend c’est la fermeté. Si on ne fait rien, ils se disent: “On a le champ libre, on peut continuer.”», prévient-il.
Enquêter et juger
Le Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS) devrait collaborer plus ouvertement avec la Gendarmerie royale (GRC), estime Charles Burton.
Ceci permettrait à la GRC de mener des enquêtes contre les personnes soupçonnées par exemple de pousser des citoyens canadiens d’origine chinoise à faire des dons politiques à certains candidats pour ensuite être remboursés par la Chine, comme l’a révélé le Globe and Mail.
«Le gouvernement sait qui sont ces gens. Mais l’information n’a pas été transmise à la GRC, donc elle ne peut pas agir», déplore M. Burton indiquant que ces individus devraient être jugés chez nous.