«La bête de Gévaudan» de Bryan Perro: un virus qui infecte l’âme
Dans son tout premier roman d’horreur pour adultes publié dans la série des Contes interdits aux Éditions AdA, l’écrivain à succès Bryan Perro transpose le mythe de la Bête du Gévaudan, sorte de loup-garou français du 18e siècle, à notre époque dans une petite ville du Québec. La bête, véritable incarnation du Mal, s’empare de l’esprit et de l’âme d’un ado frustré, Kevin, et fait un carnage partout où elle passe. Vous l’aurez compris : ce Conte interdit s’adresse au public averti.
En 66 chapitres de 666 mots, Bryan Perro a transposé la Bête du Gévaudan à notre époque. Les attaques se déroulent dans une petite ville à l’esprit «western» où se trouve une école ordinaire appelée Gévaudan. Et la bête prend possession d’un ado boutonneux prénommé Kevin.
La bête s’infiltre dans la psyché de son «Kevin adoré» et lui parle au «tu». Elle analyse pour lui le monde de «moutons» et la «ville de cons» dans lesquels il vit, l’incite à la haine, à commettre des crimes.
Elle lui révèle aussi qu’ils sont plusieurs comme elle à agir comme une sorte de virus qui vient infecter les âmes et semer le chaos, tout en trouvant les arguments pour se justifier. La logique du fou.
Inspiré par le cancer
Ces temps-ci, Bryan Perro se fait rassurant: il va très bien. Mais les derniers mois ont été très difficiles : 33 séances de radiothérapie.
«J’ai eu la malchance d’un cancer qui m’a justement inspiré le livre que j’ai écrit. Mon dernier traitement de radiothérapie était aujourd’hui [9 février]. Donc tout ça est derrière moi maintenant, je pense bien. J’ai fréquenté les Ténèbres... mais maintenant, la lumière arrive.»
L’écrivain à succès, auteur de la série Amos Daragon, entre autres choses, et aujourd’hui directeur général et artistique de Culture Shawinigan, explique qu’il a mis en application son processus habituel pour se libérer des choses : son art, l’écriture.
«J’ai écrit sur une créature qui fait partie du mythe du loup-garou : ça s’appelle la métempsychose, explique-t-il en entrevue. C’est cette créature qui t’envahit – là est le rapport avec le cancer – et qui, lentement, te fait pourrir de l’intérieur. Une créature sur laquelle tu n’as aucun contrôle. Ça te prend et il n’y a rien qui peut t’empêcher de tomber dans les ténèbres.»
Mais encore. «C’est une créature qui t’amène et te tire vers ce qu’il y a de plus obscur en toi, le fait ressortir et te fait pourrir l’âme. Pourrir l’âme. Donc j’ai travaillé sur cette chose qui s’introduit dans le corps et te fait pourrir! Donc c’est un hommage au cancer.»
Le loup-garou
Expert en loup-garou puisque c’était le sujet de sa thèse de maîtrise à l’UQTR en Études québécoises, Bryan Perro reprend un mythe célèbre de la France du 18e siècle, celui de la bête du Gévaudan, et la transpose à une petite ville québécoise d’esprit western.
Dans la France de Louis XV, un canidé d’origine mystérieuse (un loup particulièrement féroce?) aurait été à l’origine d’attaques contre les humains. L’affaire a fait grand bruit et a semé la panique dans la Lozère.
«Ça me permettait de parler de ce mythe, dans un autre contexte. J’ai repris tout ce qui est du Gévaudan, les actions qu’il y avait là, les mêmes personnages, l’incapacité des gens à retrouver qui avait fait la chose, les médias qui s’en emparent, la psychose collective que ça a créée.»
«Je suis parti sur les grands traits de l’histoire ancienne pour calquer ces traits à quelque chose de notre époque. Quelque chose qui touche à l’horreur, tout en sachant que l’horreur dans les livres, elle n’existe pas en comparaison de l’horreur du monde dans lequel on vit. En littérature, on effleure à peine ce qu’est l’horreur.»
♦ Bryan Perro est écrivain.
♦ Il a écrit les séries jeunesse à succès Amos Daragon, Wariwulf et La légende marvinienne, entre autres choses.
♦ Il est directeur général et artistique de Culture Shawinigan.
♦ Il travaille sur les prochains tomes de La légende marvinienne.
EXTRAIT
«La bête est en ville! On invite la population à se barricader, car deux corps à moitié dévorés, une mère et sa fille, viennent d’être découverts à l’intérieur d’une maison. L’école est fermée, la bibliothèque est fermée, les commerces non essentiels sont fermés, mais les églises demeurent ouvertes afin de réconforter les fidèles. Mais que se passe-t-il dans cette ville? se demandent les médias. Tout le pays a le regard fixé sur la petite communauté en se disant que le diable lui-même rôde dans les rues. Selon les experts de la police qui ont relevé des traces et une bonne quantité de poils, il s’agirait d’un animal sauvage d’une taille impressionnante ayant un incroyable talent pour la futilité. La bête est forte, elle se déplace vite et elle est habitée d’une incroyable envie de tuer. Pour une fois, ils n’ont pas tort!»