La Côte-Nord vue par le «géopoète» Maxime Jolivel
En quatre histoires racontant quatre saisons sur la Haute-Côte-Nord, le géographe franco-canadien Maxime Jolivel présente ce qu’il appelle la «géopoésie» du Saint-Laurent dans son premier livre. Inspiration sauvage: Côte-Nord est un peu son carnet de route de la 138. Il déchiffre les paysages, décode l’histoire du relief, observe la faune et la flore. Dépeignant les gens et l’environnement à la fois comme un géographe et comme un poète, il décrit la pêche à l’anguille, la chasse à la sauvagine, les marées, les nuits sous la tente. Un hommage à la beauté sauvage de la région.
Se plaçant en mode découverte, Maxime Jolivel décrit les quatre saisons, la forêt boréale, le Saint-Laurent, les nuits d’hiver et les mammifères marins avec autant de joie qu’une partie de pêche au touladi avec ses amis sur le lac des Bois.
Côte-Nord, c’est aussi sa découverte des Bergeronnes, de l’estuaire, de la route 389 conduisant vers les grands barrages de la Manicouagan. Et c’est savoureux du début à la fin.
Depuis des années, le géographe prend des notes dans ses carnets quand il voyage aux quatre coins du territoire québécois. «J’ai toujours aimé écrire et forcément, la Côte-Nord, c’était ma plus belle inspiration. Je suis très souvent nostalgique quand je suis en ville. Je suis nostalgique de ce que j’ai vécu par exemple sur la Côte-Nord, et ça me donne l’inspiration d’écrire», dit-il en entrevue.
Le rêve... et la réalité
Arrivé au Québec en 2007 pour poursuivre ses études de doctorat en géographie, Maxime Jolivel fait remarquer que la Côte-Nord représente «le rêve européen».
«La grande nature sauvage, la grande nature nord-américaine, on rêve de ça ! En France, d’où je viens, le paysage n’est plus naturel depuis presque 10 000 ans. On n’a pas ça. On ne peut pas se rendre compte de ça, on ne peut pas le matérialiser, on ne peut pas le réaliser.»
Il ajoute que les gens, en Europe, voient ces paysages et des émissions de bushcrafting à la télé sans connaître la réalité. «Ces gens-là, je leur dis : venez passer quelques jours dans le bois, sur la Côte-Nord... Vous verrez que la nature est dure: il ne suffit pas de savoir allumer un feu pour la surmonter. Passer une semaine dans le fin fond du bois, avec les mouches, la chaleur... c’est assez rude quand même!»
Se connecter au réel
Le géographe a appris, au fil de ses expériences et de ses mésaventures, que la nature a le dernier mot. Il raconte d’ailleurs dans son livre une petite escapade à -25 °C qui aurait pu mal tourner. «On n’a pas le droit à l’erreur. On n’a pas besoin d’être loin des premières routes. S’il nous arrive quelque chose, à quelques kilomètres dans le bois, c’est tout de suite assez compliqué de compter sur les autres.»
Être en pleine nature, sur la Côte-Nord, représente pour lui un apprentissage. «Ça nous apprend l’humilité et à ne pas prendre de risques. D’un côté, on se sent super fragile, et d’un autre côté, on se sent un petit peu invulnérable. On se sent fort, quand on est au milieu de la nature. On sent qu’on affronte l’essentiel.»
Quand il retourne en France, s’il calcule un rayon de 10 kilomètres autour du village de ses parents, en Bretagne, l’écrivain constate qu’il n’y a pas une seule forêt. Aucune nature.
«Évidemment qu’on est déconnecté du réel naturel. Mais ici, le temps d’aller sur la Côte-Nord et de passer une nuit dehors, et ouf... Finalement, j’ai rangé ma nourriture et j’ai bien lavé mes casseroles parce que j’ai pas envie qu’il y ait un ours qui vienne m’embêter cette nuit. C’est pas la même relation au vivant!»
- Maxime Jolivel, Ph. D., est géographe.
- Son expertise permet de faire ressurgir les anciens paysages du Québec, depuis les premières incursions autochtones il y a 12 000 ans, jusqu’à l’arrivée des Européens.
- Il sera présent au Salon international du livre de Québec.
- Il fera un lancement de livre le 17 mars à la Librairie Pantoute de Québec.
EXTRAIT
«Durant mes pérégrinations nord-côtières, j’ai pris l’habitude de ne jamais quitter mon carnet. J’y retranscris les émotions que me procure la vision d’un cap de roche saluant le soleil couchant, d’une tourbière prisonnière d’un plateau enclavé, d’une volée d’eiders sur le Saint-Laurent silencieux. J’y dépose aussi les aberrations quotidiennes, mes malaises sociaux, ou mes déboires sentimentaux. L’écriture est la preuve de mes souvenirs, ma zone tampon vers la raison.»