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Bande dessinée: rencontres au sommet

Entretiens avec Gotlib
Photo fournie par les Éditions Gléat


Dramaturge, metteur en scène, romancier, scénariste, essayiste, Numa Sadoul est surtout connu dans le milieu du 9e art comme celui qui a interviewé ses monstres sacrés: Hergé, Tardi, Moebius, Gotlib, Uderzo. 

En 1975, le jeune Sadoul lance Tintin et moi, entretiens avec Hergé. «Mon culot a sûrement plu à Hergé», s’esclaffe-t-il. Cette publication génère une véritable révolution: le médium a atteint la maturité nécessaire pour qu’on lui consacre – enfin! – ce genre d’ouvrage. 

Sans le savoir, initie-t-il non seulement une nouvelle pratique, il hisse la barre si haute que quelques rares auteurs francophones s’y frotteront, dont Benoit Peeters, Thierry Groensteen, Patrick Gaumer, Jacques Samson et plus récemment, le québécois Michel Giguère avec son Paul à La Pastèque.

Publié en 1986, le mythique Et Franquin créa La Gaffe, passionnant livre d’entretiens devient rapidement épuisé. 

Un homme libre

Souvent annoncée au fil du temps, sa réédition était toujours reportée, à tel point d’ailleurs qu’on la croyait renvoyée aux calendes grecques. Mais voilà que l’ouvrage paraît enfin dans un superbe écrin aux éditions Glénat. 

«Je suis heureux et soulagé que l’ouvrage paraisse enfin, affirme l’auteur. J’ai attendu ce moment pendant 36 ans.»

Pour arriver à embarquer le créateur de Gaston La Gaffe dans pareille aventure, Sadoul à dû fomenter un plan avec l’aide de son entourage et faire preuve de patience. Après tout, demander à un homme sortant d’une déprime carabinée de se raconter n’est pas la chose la plus naturelle du monde. 

«Ce livre n’aurait pas pu exister dans cette forme sans une solide amitié. Et c’est grâce à sa fille Isabelle s’il paraît à nouveau.» 

Si ses entretiens avec le créateur de Tintin ont exigé trois années de relectures et de corrections, celui-ci s’est réalisé dans l’aisance et la bonne humeur. Un ouvrage à l’image qu’était l’iconique bédéiste : un homme libre qui ne se prenait pas la tête et qui n’était pas carriériste. 

On y découvre un homme bon, fragile, travaillant, gamin, rêveur, mais aussi, affligé de doutes, excessivement exigeant à son endroit et nullement conscient d’être le génie de la bande dessinée alors que plusieurs le considéraient ainsi. 

Travail d’écoute

Si Franquin se livre avec générosité et sans tabou – abordant le sujet de ses dépressions à une époque où il n’était pas courant d’en parler ouvertement –, c’est grâce au grand niveau d’écoute dont est doté Sadoul. Une qualité essentielle à l’intervieweur, certes, mais qui vient de ses occupations d’homme de théâtre, dont le travail repose essentiellement à mettre en lumière une parole. Sadoul est un homme de cœur. À aucun moment ne cherche-t-il à se mettre en avant de son sujet. En ce sens, il est l’égal de Franquin. À la lecture de ces échanges, nous avons l’impression d’y assister dans un coin de la pièce. Et ça, dans un livre d’entretiens, c’est rare.

En prime, le service public de la radio et de la télévision pour la Communauté française de Belgique (RTBF) a produit un balado de six épisodes tiré des enregistrements sonores de Numa Sadoul. Intitulées Franquin par Franquin, les 162 minutes d’écoute complémentent à merveille Et Franquin créa La Gaffe.


Franquin par Franquin

auvio.rtbf.be/emission/franquin-par-franquin-23926 

BEN, FORCÉ À LA RETRAITE?

Entretiens avec Gotlib
Dessin de Daniel Shelton, fournie par Jean-Dominic Leduc

Après un quart de siècle à faire vivre quotidiennement son attachant personnage de grand-père dans les pages de nombreux journaux et magazines, voilà que la fabuleuse série Ben du Sherbrookois Daniel Shelton est forcée à la retraite ces jours-ci avec la dernière publication de ses aventures dans les pages du quotidien de la CO-OP CN2i. Victime du passage au numérique, son avenir – et celui de son créateur – est pour le moins incertain. «À son plus fort, BEN se retrouvait dans plus d’une quarantaine de journaux, tant canadiens (français et anglais) qu’américains. Mais avec les années, et le passage au numérique, il n’en reste presque plus». Diffusé en ligne sur gocomics.com, soit le plus gros site de comics qui compte presque 30 000 abonnés, ce support est-il rentable? «Je reçois des redevances de sa publication en ligne. Bien que celles-ci grandissent de plus en plus, ce n’est malheureusement pas assez pour en vivre. Survivre la transition entre les deux supports est mon défi le plus important. Je risque de tomber dans la craque, comme on dit...» Espérons que Ben saura trouver le chemin de son lectorat via des journaux qui flaireront là une bonne affaire pour son lectorat vieillissant. C’est qu’il est encore beaucoup trop jeune pour la retraite! 

Un autre géant

Entretiens avec Gotlib
Photo fournie par Dargaud éditeur

Des autres entretiens pilotés par Numa Sadoul, Entretiens avec Gotlib (2018) est également un incontournable du genre. D’abord publié sous la forme hybride d’entretiens et de segments d’analyses sous le titre Gotlib par Numa Sadoul (Éditions Albin Michel / Collection Graffiti, 1974), l’ouvrage donne la parole au plus grand humoriste du siècle passé. 

Même si la réédition ne comprend aucune nouvelle entrevue, elle lève le voile sur le génial auteur de Gai-Luron et la Rubrique-à-brac dont la légende était déjà fixée. 

De son enfance difficile à son rapport particulier avec Goscinny, l’homme se livre avec une franchise qui désarçonne encore, cinq décennies plus tard.







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