Il faut bannir les écrans des salles de classe
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Faut-il faire une place aux écrans à l’école, au point même, comme le proposent certains, de les placer au cœur de ce que certains appellent les stratégies pédagogiques nouvelles, censées rejoindre les jeunes générations, en croyant répondre aux préférences culturelles qu’on leur prête?
La question en elle-même est dépassée: les écrans sont déjà là, et ils font déjà leurs ravages.
Dans une société intégralement écranisée, qui fait de la virtualisation de l’existence l’horizon indépassable de notre temps, l’école a refusé de se constituer en sanctuaire. Au contraire: elle s’est noyée dans l’idéologie dominante, qui veut que la technologie, toujours, soit une promesse d’émancipation. Elle a oublié qu’elle peut aussi condamner l’homme à une profonde aliénation. Aujourd’hui, elle représente une forme majeure de dépendance.
Concentration
On ne compte plus le nombre de pédagogues qui se croient modernes à penser que YouTube est une encyclopédie comme les autres et qu’une vidéo qu’on y visionne vaut la lecture d’un livre. On est en droit de se demander s’ils lisent eux-mêmes, ou s’ils considèrent, comme d’autres, qu’une bibliothèque est moins un lieu vivant qu’un espace muséal, sans vie, condamné à ramasser la poussière.
Alors, reformulons la question initialement posée: que faire des écrans qui sont déjà à l’école?
Sachant que la réponse «les détruire» serait mal reçue, et probablement excessive, et finalement inadéquate, je dirai plus sagement, et plus modérément: les bannir des salles de classe, les congédier, autant que possible.
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Autrement dit, il faut décoloniser l’école des écrans. Non par bête technophobie. Nous ne sommes pas des luddites. Mais simplement parce que l’école doit se vouer à une quête, qui sera aussi une reconquête: elle doit permettre à la jeune génération de renouer avec sa capacité de concentration.
Elle doit la conduire vers le livre, vers le silence qui accompagne la lecture, elle doit libérer, autant que possible, les esprits de cette terrible hypnose écranesque qui abrutit les esprits, qui les conditionne aussi, en les amenant à scroller, comme on dit, pendant des heures et des heures.
Silence
L’école, autrement dit, ne doit pas épouser l’esprit de son temps, mais au contraire, marquer son décalage avec lui, revendiquer ce décalage, même, s’en faire une fierté, s’avouer conservatrice, s’il le faut, comme l’aurait dit Hannah Arendt, sans quoi, elle ne parviendra jamais à honorer sa véritable mission: transmettre la culture et le patrimoine de civilisation dont elle est gardienne, ou du moins, dont elle devrait théoriquement être gardienne.
Reste à savoir, par ailleurs, si nous comprenons encore ce patrimoine de civilisation, ou s’il est condamné à survivre dans les marges, comme a pu le croire, en s’en désolant, un philosophe comme Roger Scruton. Car telle sera peut-être la dissidence de notre temps. Mais c’est un autre débat, vers lequel, évidemment, je reviendrai plus tôt que tard.