[PHOTOS] Voici 10 usines qui ont forgé le Québec industriel que nous connaissons aujourd’hui
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Le patrimoine industriel est bien présent au Québec. On peut penser à une ville minière, à une ancienne pulperie, à une aluminerie ou à une centrale hydroélectrique. Cependant, ce patrimoine ne se limite pas aux bâtiments, mais aussi à la machinerie utilisée, aux produits qui y sont fabriqués, aux archives d’entreprise, aux collections d’outils et à l’expression de la mémoire industrielle: le savoir ouvrier, les activités quotidiennes et les conditions de travail. Voici 10 usines qui ont forgé le Québec industriel.
1) Les industries du bois à Trois-Rivières
C’est d’abord pour répondre à la demande croissante de bois d’œuvre par la Grande-Bretagne, pendant les guerres napoléoniennes (1799-1815), que débute l’exploitation commerciale de la forêt mauricienne.
Au courant des décennies 1820 et 1830, Trois-Rivières est tout indiquée pour participer au développement des industries du bois, puisqu’elle est située au confluent de la rivière Saint-Maurice et du fleuve Saint-Laurent.
En 1910, cinq grandes scieries sont implantées à Trois-Rivières.
Cette même année, le gouvernement du Québec décrète l’interdiction d’exporter le bois de papeterie québécois non transformé.
Cela incite les Américains à implanter des usines de pâte et papier au Québec plutôt qu'aux États-Unis. La plupart des scieries laissent alors la place à d’immenses usines de transformation du bois en pâte et papier pour alimenter le marché international.
Au XXe siècle, l’expansion industrielle de la ville se maintient. Des industries, dont la Wayagamack Pulp and Paper (1911), la Canadian International Paper (1922) et la St. Lawrence Pulp and Paper (1923), s’établissement au confluent de la rivière Saint-Maurice et du fleuve Saint-Laurent. C’est ainsi que Trois-Rivières devient la «capitale mondiale du papier».
2) L’usine Montmorency Cotton Mills à Québec
En 1889, Charles Ross Whitehead fait construire une filature de coton au pied de la chute Montmorency. Elle est d’abord connue sous le nom de Montmorency Cotton Mills Co.
En 1905, à la suite d’une fusion de quatre entreprises du même secteur d’activités, elle fait partie intégrante de la Dominion Textile Company. Cette dernière possédera plus tard 11 usines au Canada, dont celle qui se trouvait à Québec.
Pendant plusieurs années, la Dominion Textile est synonyme du coton fabriqué au Canada. Le complexe industriel de la filature a été démoli en 1992. L’emplacement fait maintenant partie du parc de la Chute-Montmorency.
3) L’ancienne aluminerie de Shawinigan
À la demande de la Shawinigan Water and Power Company, Charles Martin Hall et son entreprise, la Pittsburgh Reduction Company, font construire la première aluminerie au Canada ainsi qu’une centrale électrique sur la rivière Saint-Maurice. L’ensemble est exploité par la Northern Aluminum Company Limited, qui devient ensuite l’Aluminum Company of Canada Limited, connue sous le nom d’Alcan.
L’ancienne aluminerie de Shawinigan et les centrales hydroélectriques sont situées sur le plateau dominant les chutes de Shawinigan. Le site est composé de 12 bâtiments érigés entre 1899 et 1927. Fait intéressant, le premier lingot d’aluminium du Canada est coulé le 20 octobre 1901.
L’aluminerie connaît une période de déclin à partir des années 1970. Elle ferme ses portes en 1986. En 1989, Alcan vend quelques bâtiments à la Consolidated Bathurst. D’autres bâtiments sont démolis. Le reste de l’usine est acquis en 2001 par la Cité de l'énergie. Finalement, le 18 juillet 2002, l’aluminerie de Shawinigan est désignée lieu historique national du Canada.
4) L’usine Goodyear à Québec
En 1913, la compagnie ferroviaire National Transcontinental, aujourd’hui le Canadien National, fait ériger deux bâtiments rectangulaires dans le quartier Saint-Malo. Ils sont destinés à l’entretien et à la réparation du matériel roulant.
En 1940, la nécessité d’augmenter la production en munitions est urgente. Le ministère de la Défense nationale achète donc les bâtiments pour y installer l’Arsenal de Saint-Malo. L’Arsenal, situé sur la côte du Palais, ne suffit plus à la demande. De nouveaux édifices sont construits, ce qui fait tripler la superficie de l’endroit. Les activités cessent à la fin de la Deuxième Guerre mondiale.
En 1947, l’Arsenal est reconverti en parc industriel municipal par la Ville de Québec. La Goodyear Tire & Rubber Company achète alors la partie ouest de l’ancienne usine de munitions donnant sur le boulevard Charest Ouest. Les installations sont modifiées pour fabriquer des produits pour l'industrie de la chaussure et des produits moulés sur commande.
L’entreprise occupe les locaux de 1947 à 2007. Après le rachat de la compagnie en 2007 par le Groupe Carlyle, l’usine ferme ses portes à l’automne 2012.
5) Le complexe industriel des usines Angus à Montréal
Le complexe industriel des usines Angus, ou Angus Shops, était consacré à la construction de locomotives et de matériel roulant ferroviaire. Situées dans l’arrondissement de Rosemont—La Petite-Patrie, à Montréal, les usines ont été construites entre 1902 et 1904 par le Canadien Pacifique. Jusqu’à 12 000 travailleurs ont été employés en même temps par les usines Angus.
Pendant les guerres mondiales, la production de locomotives est interrompue. L’usine est retenue pour approvisionner l’armée canado-britannique en munitions, en canons ainsi qu’en chars d’assaut lors de la Deuxième Guerre mondiale. À la fin du conflit, les usines Angus reviennent à leur vocation originelle. Toutefois, elles ferment leurs portes en 1992 à la suite de la décroissance du transport ferroviaire, qui durait depuis les années 1960.
La conversion des terrains contaminés par la production industrielle a été entreprise vers la fin des années 1970. Ce projet sera bientôt achevé. De nos jours, le complexe industriel est devenu un secteur principalement résidentiel. On y trouve notamment un parc urbain d’entreprises appelé Technopôle Angus.
6) La Pulperie de Chicoutimi
La Compagnie de pulpe de Chicoutimi est fondée par Joseph-Dominique Guay en 1896. Il s’agit de la première entreprise gérée par des Canadiens français dans l'industrie des pâtes et papiers. À partir de 1910, la Pulperie de Chicoutimi devient la plus importante compagnie de pâte mécanique au Canada. En 1914, elle achète la Compagnie de pulpe de Val-Jalbert.
Sous la gestion de Julien-Édouard-Alfred Dubuc, la Pulperie de Chicoutimi prend de l’expansion et trois moulins sont construits. La rivière devient un moyen de transport du bois et une source d’énergie suffisante pour que Chicoutimi devienne la capitale mondiale de la pulpe, laquelle comblera les besoins de la Grande-Bretagne durant la Première Guerre mondiale.
Dès 1921, la compagnie connaît un déclin de ses activités. On procède à sa liquidation le 15 mars 1924. On note par la suite plusieurs tentatives pour ouvrir l’usine à nouveau, mais rien ne permet sa viabilité. La Pulperie de Chicoutimi ferme en 1930.
7) La Fonderie Horne à Rouyn-Noranda
La Fonderie Horne est intimement liée à la fondation de la ville de Noranda. L’histoire commence en 1917 lorsque le prospecteur Edmund Horne trouve les premières traces d’un gisement de cuivre situé à proximité du lac Osisko. Afin de financer ses prochaines expéditions, il réunit des investisseurs pour créer le Tremoy Lake Syndicate. En 1921, en compagnie de son associé Ed. Miller, il découvre d’importantes veines d’or. Mais c’est à l’hiver 1922 que Horne et ses partenaires découvrent le gisement «A», qui le rendra célèbre.
Horne cède finalement sa concession minière pour 320 000$ à deux investisseurs américains: Humphrey Chadbourne et Sam Thomson. Ceux-ci créent la Noranda Mines Ltd en 1922. En poursuivant les travaux de forage dans la région, Chadbourne et Thomson parviennent à délimiter un important gisement de cuivre et d’or. Cela conduit à la construction de la fonderie en 1927 et de l’usine de smeltage.
En 1937, la Fonderie Horne occupe la deuxième place mondiale pour l'exploitation du cuivre et la troisième pour celle de l'or. En 1976, c’est la fin de l’exploitation de la mine. Le gisement aura livré près de 60 millions de tonnes de minerai. La Noranda Mines se concentre dès lors dans le smeltage. En 2006, les installations de la Fonderie Horne sont acquises par le géant minier suisse Xstrata.
8) L’usine Stadacona de la White Birch à Québec
L’usine Stadacona est située au confluent de la rivière Saint-Charles et du fleuve Saint-Laurent. La compagnie Anglo-Canadian Pulp and Paper Mills Limited, aujourd’hui Papiers White Birch Division Stadacona, est une papetière canadienne fondée en 1927 dans le quartier Limoilou.
La proximité du port de Québec et le bassin de main-d'œuvre disponible en font le site idéal. Dès le début, l’usine produit 375 tonnes de papier par jour et emploie 500 personnes. Elle devient rapidement le premier employeur de Limoilou.
En 1960, l’usine est achetée par la Reed Paper Ltd, une compagnie anglaise fondée en 1894 par Albert Edwin Reed. En 1988, c’est la compagnie japonaise Daishowa qui en fait l’acquisition. Entre 2001 et 2003, l’usine devient la propriété du groupe Enron, qui lui donne le nom de Papiers Stadacona.
En 2004, à la suite d’un scandale financier, l’usine est mise à l’encan et le groupe Peter Brant en fait l’acquisition. Elle est alors considérée comme la cinquième usine de papier journal et de papier non couché en importance en Amérique du Nord. En 2005, le nom de la compagnie Brant-Allen Industries change pour Papiers White Birch, division Stadacona.
9) La compagnie Price
En 1820, William Price fonde une compagnie d’exportation de bois équarri, la William Price Company. Au fil des ans, la compagnie acquiert de grandes réserves de bois.
Elle construit des quais et met la main sur plusieurs scieries sur les deux rives du fleuve Saint-Laurent ainsi que sur celles sur la rivière Saguenay. Les activités manufacturières de la compagnie prennent finalement le dessus sur les activités commerciales.
En 1853, William Price achète les parts de ses associés et renomme l’entreprise William Price and Sons.
En 1867, ses trois fils font l’acquisition des actifs de la William Price and Sons. Ils forment alors la Price Brothers and Company. Entre 1867 et 1900, l’entreprise investit dans plusieurs scieries situées dans les régions du Bas-du-Fleuve, de la Gaspésie, du Saguenay et de la Côte-Nord.
Cependant, au tournant du XXe siècle, elle est au bord de la faillite. C’est alors qu’en 1899, un autre William Price, le neveu des frères Price, prend la direction de la compagnie et la réoriente vers le secteur des pâtes et papiers. En 1910, la Price Brothers Company devient la Price Brothers Limited.
En 1974, la Price Brothers Limited fusionne avec la compagnie Abitibi-Paper et devient l'Abitibi-Price. En 1997, elle se joint à l'entreprise Stone-Consolidated et prend le nom d'Abitibi-Consolidated. En 2007, une autre fusion avec la compagnie Bowater forme la compagnie AbitibiBowater.
10) La fonderie Amable Bélanger à Montmagny
Amable Bélanger fait l’apprentissage du métier de fondeur à la fonderie Carrier et Lainé de Lévis. Par la suite, en 1867, il met sur pied sa propre fonderie à Saint-Pierre-de-la-Rivière-du-Sud. En 1872, il déménage son entreprise à Montmagny pour se rapprocher de sa clientèle et surtout du chemin de fer.
Au fil des ans, il développe son entreprise en fabriquant des poêles à bois, mais aussi des fournaises, des instruments aratoires, des fours à pain, des portes de cheminée, des bouilloires et des machines à coudre. Il connaît une expansion importante jusqu’en 1907, année où il cède l’entreprise à son fils, Joseph-Adrien-Amable Bélanger.
Cependant, à la suite du décès prématuré de celui-ci en 1913, Amable Bélanger vend sa compagnie à un groupe d'hommes d'affaires de Montmagny. Sous la direction de David-Ovide L’Espérance, l’entreprise prend le nom de A. Bélanger Limitée en 1914.
En 1919, l’usine compte 200 employés. L’entreprise contribuera également à la modernisation et à l’électrification des foyers québécois.
À partir de 1954, la manufacture de Montmagny est agrandie et on y installe une chaîne d’assemblage pour cuisinières électriques et à gaz.
Après avoir été fusionnée à la Whirlpool Corporation en 1987, la compagnie ferme l’usine de Montmagny en 2004. Elle y conserve néanmoins la chaîne d’assemblage des cuisinières électriques et à gaz. Elle ferme définitivement ses portes en 2010.
Un texte de Catherine Lavoie, technicienne en documentation, Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Sources
- LAFERRIÈRE, Suzanne et Bernard VALLÉE, «De la prospérité à l’incertitude, les usines Angus à Rosemont», Cap-aux-Diamants, no 54, été 1998, p. 10-13. [En ligne]
- TESSIER, Sébastien, «La légende d’Edmund Horne ou la naissance de Noranda», Instantanés, BAnQ [En ligne].
- «Site du patrimoine de l'usine de filtration de la Canadian International Paper», Répertoire du patrimoine culturel du Québec [En ligne].
- «Dominion Textile», Répertoire du patrimoine culturel du Québec [En ligne].
- «Usine Goodyear», Répertoire du patrimoine culturel du Québec [En ligne].
- «Arsenal de Saint-Malo», Répertoire du patrimoine bâti de la Ville de Québec [En ligne].
- «Historique», La pulperie de Chicoutimi, musée régional [En ligne]
- «Compagnie Price», Répertoire du patrimoine culturel du Québec [En ligne].
- «Fonderie Amable Bélanger», Répertoire du patrimoine culturel du Québec [En ligne].
- «Fonderie Horne», Répertoire du patrimoine culturel du Québec [En ligne].
- «Une mine, une ville: retour sur les 90 ans d’histoire de la Fonderie Horne», Radio-Canada [En ligne].