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Souvenirs d’enfance, souvenirs de famille

Rafaële Germain
Photo Pierre-Paul Poulin

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Que veut-on garder de ce que le monde a déposé en nous ? Comment faire le tri des souvenirs, le ménage dans sa mémoire ? Qu’est-ce qui revient, qu’est-ce qui part ? Rafaële Germain, une écrivaine formidable maintenant orpheline, propose trois récits fortement chargés émotivement dans Forteresses et autres refuges. Trois récits liés par le thème de la mémoire. Trois récits où s’imbriquent des souvenirs, des constats, des observations, des questionnements, des moments doux, des moments difficiles. D’intenses moments de vie.

Rafaële Germain, en douceur mais sans concession, raconte l’histoire des premières années de sa mère, Francine Chaloult, des moments forts de sa vie et ses dernières semaines de vie, alors que sa mémoire s’effaçait peu à peu. Elle est décédée en mai dernier.

Elle revisite des moments de sa jeunesse, alors que son père, Georges-Hébert Germain, imaginait pour elle des petits chaperons de toutes les couleurs.

Rafaële parle des souvenirs dont elle a hérité, des histoires qui lui ont été tellement racontées qu’elles ont fini par entrer dans la légende familiale et s’incruster dans sa mémoire. Des images floues qu’elle garde de son enfance, des récits à partir desquels elle s’est construite. Elle raconte des moments cocasses, des drames, des années de glamour et d’effervescence, la maladie, la mort. Ce qui reste. Ceux qui restent.

Ses parents

Elle est partie de trois souvenirs, à la suggestion de son éditrice Danielle Laurin. 

« Je n’aurais jamais pensé aller là. Mais une fois rendue dedans, je me disais : c’est donc ça que j’avais envie d’écrire ! J’ai écrit l’hiver dernier et je me sentais privilégiée. Je trouvais que je faisais un métier ben ben l’fun ! », partage-t-elle.

C’était comment d’écrire sur ses parents ? « C’est deux bibittes, mes parents. Ma mère, surtout, c’est un méchant personnage ! », s’exclame-t-elle. « Je racontais ses souvenirs et je trouvais que j’avais bien choisi, parce que mes souvenirs à moi... no way que je suis un personnage aussi intéressant qu’elle ! »

Rafaële Germain
Photo fournie par les Éditions Québec Amérique

Ce n’était pas du tout douloureux, assure-t-elle, même si elle a commencé l’écriture alors que sa mère, atteinte de la maladie d’Alzheimer, était déjà très malade. « J’avais l’impression d’apprendre des choses. En réfléchissant sur des proches, sur des gens qu’on a toujours connus, il y a vraiment des portes qui s’entrouvrent et des pelures qui s’enlèvent. »

Rafaële raconte la genèse de la famille, les histoires familiales, des événements marquants qui ont changé le cours de la vie des gens. Elle parle, par exemple, de la vision idéalisée qu’avait sa mère du mariage quand elle était jeune... puis de sa désillusion et son changement de cap lui permettant de prendre le contrôle sur sa vie. 

« Tu peux écrire sur n’importe qui, dans la vie. Mais déjà, je partais avec une belle longueur d’avance parce que mon “personnage” était vraiment truculent. Elle a un passé rocambolesque pour vrai. On a tous des histoires flyées dans nos familles... mais ma matière n’était pas plate ! »

Un conte seulement pour elle

Rafaële parle aussi de son père, qui lui racontait l’histoire de Noire-Suie, un conte imaginé pour elle toute seule. Elle écrit qu’elle faisait souvent « la baboune » quand elle était petite. 

« En littérature, juste se regarder soi-même, ça a ses limites. J’essayais de trouver une façon de raconter nos souvenirs, d’aller au-delà de ça. Je voulais parler du souvenir, de la manière la plus universelle possible. »

Rafaële fait remarquer qu’au cours des dernières années, elle était entourée de gens qui perdaient mémoire. Elle dit que ses parents étaient des « Ninja du déni », jusqu’à la fin. « Veux, veux pas, ça teinte toutes les réflexions que j’ai pu avoir sur le sujet. »

  • Rafaële Germain est née à Montréal en 1976.
  • Elle travaille en télévision depuis plus de 20 ans.
  • Elle a fait ses premiers pas en littérature en 2004 avec Soutien-gorge rose et veston noir, best-seller vendu à près de 100 000 exemplaires.
  • Elle a signé en 2016 un essai inspiré en partie de la disparition de son père, Georges-Hébert Germain, qui a souffert d’un cancer du cerveau ayant érodé sa mémoire.
  • Elle travaille sur le prochain talk-show de Marc Labrèche et développe des projets en diffusion.

EXTRAIT

« La chambre était remplie de photos. Sur le petit pan de mur près de la grande fenêtre, ma mère, à quarante ans environ, entourée de ses trois filles dont deux sont déjà adultes. Sur la table de chevet, un portrait de mon père et elle qui se regardent en souriant, avec une complicité évidente. Derrière elle, au-dessus du lit, un montage de photos plus ou moins récentes que je lui avais offert pour un anniversaire lointain : ses parents sur le balcon de leur maison de Saint-Félicien ; sa mère, à dos de chameau et en talons hauts, devant les pyramides ; sa meilleure amie emportée il y a plus de vingt ans par un cancer ; mon père et moi dans le fauteuil rose du salon de ma petite enfance. »

  • En librairie le 21 mars
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