Affaire Laurent Turcot: Marwah Rizqy réagit aux allégations de plagiat
La députée affirme que l'historien fait «ombrage» au secteur universitaire et académique
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Laurent Turcot fait «ombrage» au milieu académique et universitaire, dénonce la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et d'enseignement supérieur, Marwah Rizqy.
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«Le plagiat est un enjeu important. Dans un contexte académique, on s’attend à énormément de rigueur surtout que le professeur en demande lui-même à ses étudiants. Je pense que l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) doit se pencher rapidement sur le dossier», commente Mme Rizqy, députée libérale de Saint-Laurent.
Elle réagit ainsi à une série de reportages du Journal montrant plusieurs exemples de plagiat allégué dans le travail de Laurent Turcot, historien vedette et professeur à l’UQTR. Celui-ci multiplie, entre autres, les apparitions dans les médias pour vulgariser l’histoire.
«Ce qu’il fait en ce moment porte ombrage à tout le secteur universitaire et académique», déplore Marwah Rizqy, qui est aussi professeure de fiscalité à l'Université de Sherbrooke, en pause depuis son élection en 2018.
«Très malheureux»
Le Journal a révélé hier l’histoire de l’autrice Monique Tremblay Giroux. Plusieurs passages d’un de ses articles, qui lui a pris trois années de travail, auraient été plagiés mot à mot dans une capsule de Laurent Turcot. Voyez les exemples à la fin de cet article.
Cette vidéo publiée en 2020, nommée «Grippe espagnole au Québec (1918-1920)», a même contribué au succès de la populaire chaîne YouTube de M. Turcot. Or, il n’a jamais donné de crédit à Mme Tremblay Giroux. Le professeur monétise ce contenu. Il propose notamment aux fans de sa chaîne de lui envoyer jusqu’à 7,50$ par mois.
Notons que M. Turcot a ajouté la référence à l'œuvre de Monique Tremblay Giroux uniquement après avoir été contacté par nos représentants. L’outil Wayback Machine permet en effet de constater que la référence n’était pas inscrite sous sa vidéo YouTube de novembre 2020 à février 2023.
«Je trouve ça très malheureux pour la dame qui aurait été plagiée. On s’approprie aussi son travail et son œuvre», critique Marwah Rizqy.
Pas la première fois
Une enquête a d’ailleurs montré la semaine dernière que de nombreux passages d’une vidéo nommée «L'histoire des tatouages» de TED-Ed semblent avoir été repris dans leur intégralité par Laurent Turcot dans une de ses vidéos YouTube et un balado qu’il anime à Radio-Canada. Encore une fois, sans donner les crédits.
Rappelons que Le Journal a révélé en avril 2022 que Turcot avait été épinglé par l'UQTR pour 13 passages plagiés dans son livre nommé Sport et loisirs: une histoire des origines à nos jours. Il avait alors échappé aux sanctions, mais au printemps 2022, une deuxième enquête avait été ouverte toujours à l’UQTR pour 120 cas allégués de plagiat.
Voici quelques exemples de plagiat allégué dans le travail de M. Turcot :
Extrait 1
Mots de Laurent Turcot :
«À Victoriaville, c'est 2,1 % de la population qui périt entre le 1er août le 31 décembre 1918 ; imaginez, une ville de 40 000 habitants qui perd 840 de ses citoyens en dix semaines!».
Article de Monique T. Giroux, «Victoriaville : épicentre de la pandémie de la grippe espagnole en Amérique» :
«C’est 2,1 % de la population de Victoriaville et Arthabaska qui a péri entre le 1er août et le 31 décembre 1918 [...] imaginez une ville de 40 000 habitants perdant 840 de ses citoyens en dix semaines!»
Extrait 2
Mots de Laurent Turcot :
«Toutes proportions gardées, les gens de Victoriaville ont à déplorer deux fois plus de décès que ceux de Montréal et de Québec. C'est encore pire dans certains villages. À Laurierville, c'est 8 % de la population qui est décimée! Le canton d'Inverness quadruple son taux de mortalité!»
Article de Monique T. Giroux, «Victoriaville : épicentre de la pandémie de la grippe espagnole en Amérique» :
«Toutes proportions gardées, les gens de Victoriaville et d’Arthabaska ont à déplorer deux fois plus de décès que ceux de Montréal et de Québec (...) Saint-Louis-de- Blandford et Sainte-Élisabeth-de-Warwick ont triplé le leur et Inverness presque quadruplé le sien ! À Laurierville, près de 8 % de la population est décimée.»
Extrait 3
Mots de Laurent Turcot :
«Cette catastrophe a démontré la nécessité de s’organiser pour être en mesure de faire face à d’autres fléaux du genre (...) Elle a été à l'origine de la création du Bureau municipal de Santé de Montréal en 1918, ainsi que de l'hôpital d'Asbestos et du Ministère fédéral de la Santé qui entrèrent en fonction en 1919».
Article de Monique T. Giroux, «Victoriaville : épicentre de la pandémie de la grippe espagnole en Amérique» :
«Cette catastrophe a démontré la nécessité de s’organiser pour être en mesure de faire face à d’autres fléaux du genre. Elle a été à l’origine de la création du Bureau municipal de Santé de Montréal dès 1918, ainsi que de l’hôpital d’Asbestos et du Ministère fédéral de la Santé qui entrèrent en fonction en 1919».
Extrait 4
Mots de Laurent Turcot sur YouTube :
«Premièrement, une momie de la culture Chinchorro dans le Pérou pré-inca a une moustache tatouée sur la lèvre supérieure. Deuxièmement, Ötzi, l'homme momifié dans les glaces des Alpes, a des motifs tatoués au charbon le long de la colonne vertébrale, derrière le genou et autour des chevilles, ce qui pourrait provenir aussi d'un genre primitif d'acupuncture. Troisième exemple, La momie Amunet, une prêtresse du Moyen Empire égyptien, arbore des tatouages que l'on associe à la sexualité et à la fertilité».
Sous-titres en français de TED-Ed sur YouTube :
«Une momie de la culture Chinchorro dans le Pérou pré-inca a une moustache tatouée sur la lèvre supérieure. Ötzi, l'homme momifié dans les glaces des Alpes, a des motifs tatoués au charbon le long de la colonne vertébrale, derrière le genou et autour des chevilles, ce qui pourrait provenir aussi d'un genre primitif d'acupuncture. La momie Amunet, une prêtresse du Moyen Empire égyptien, arbore des tatouages que l'on associe à la sexualité et à la fertilité.»
Extrait 5
Mots de Laurent Turcot :
«Pour les Maori, ces tatouages étaient une tradition établie largement répandue. Si vous vous dégonfliez face à une incision douloureuse de votre motif moko, votre tatouage incomplet était le témoin de votre couardise».
Sous-titres en français de TED-Ed sur YouTube :
«Pour les Maori, ces tatouages étaient une tradition établie largement répandue. Si vous vous dégonfliez face à une incision douloureuse de votre motif moko, votre tatouage incomplet était le témoin de votre couardise».
Extrait 6
Mots de Laurent Turcot :
«Du 16e au 18e siècle, la pratique très répandue du tatouage chez les Premières Nations impressionnait les Français. Le tatouage sert ici de rappel des exploits guerriers. Serpents, lézards, écureuils et tortues, ou bien fleurs, feuilles, soleils et lunes constituent les principales images tatouées. On tatouait aussi de simples traits. Plus l'homme était tatoué, plus le guerrier était reconnu comme valeureux».
Extrait de «La mémoire sur la peau», article publié par Yvon Larose :
«Aux 16e, 17e et 18e siècles, la pratique très répandue du tatouage chez les Amérindiens impressionnait fortement les Français [...] Les hommes, quant à eux, s'en servaient comme rappel de leurs exploits guerriers. Serpents, lézards, écureuils et tortues, ou bien fleurs, feuilles, soleils et lunes constituaient les principales images tatouées. On tatouait aussi de simples traits [...] Plus l'homme était tatoué, plus le guerrier était reconnu comme valeureux».
Extrait 7
Mots de Laurent Turcot lus dans l’émission Les Tatouages sur OHdio à Radio-Canada :
«On ne peut s’empêcher ici de penser aux nazis qui tatouaient des numéros sur le torse ou le bras des juifs et des autres prisonniers dans les camps de concentration pour identifier les cadavres nus. À la suite de la Seconde Guerre mondiale, on va assister à des détournements de ces tatouages forcés. Par exemple, Primo Levi, auteur à succès et survivant d'Auschwitz, portait des manches courtes en Allemagne après la guerre pour rappeler aux gens locaux les crimes que son chiffre tatoué représentait. Aujourd’hui encore, des descendants de l’Holocauste arborent les numéros de leurs proches tatoués sur leurs bras.»
Sous-titres en français de TED-Ed sur YouTube :
«Les Nazis tatouaient notoirement des numéros sur le torse ou les bras des Juifs et des autres prisonniers dans le camp de concentration d’Auschwitz pour identifier les cadavres nus. Mais on peut redéfinir les tatouages forcés sur les détenus et les exclus, alors que les gens s'approprient ce statut ou passé. Primo Levi, survivant d'Auschwitz, portait des manches courtes en Allemagne après la guerre pour rappeler aux gens les crimes que son chiffre incarnait. Aujourd'hui, des descendants de survivants de l'Holocauste arborent les numéros de leurs proches tatoués sur leurs bras.»