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La classe moyenne prise en étau: entre forte inflation et grosses inégalités, comment s’en sortir?

C’est ce qu’a tenté de savoir Isabelle Maréchal

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Le documentaire Les moyens de la classe moyenne, qui sera présenté à Télé-Québec ce soir à 20 h, brosse un portrait troublant de notre société, chez une classe moyenne qui étouffe, prise dans la spirale de l’inflation et des inégalités économiques. Nous avons parlé à la productrice et animatrice Isabelle Maréchal *. 


Q : Est-ce plus difficile qu’avant de joindre les deux bouts, ou nous sommes-nous créé des besoins qui rendent cela plus difficile?

R : Oui, on s’est créé des besoins, mais toute la société de consommation nous crée des besoins aussi. Même quand tu n’en as pas ou quand tu luttes pour ne pas t’en créer, il y a toujours une tentation qui vient, une offre alléchante, un «achetez maintenant, payez plus tard»... C’est difficile de résister à ça. On est entourés de mirages. La retraite à 55 ans en est un. Il y a encore beaucoup de gens ancrés dans l’idée irréaliste de faire le tour du monde en voilier à la retraite. Or, il faut bien se rendre compte qu’on devra couper, parce qu’il n’y a pas tant de marge de manœuvre. On a beau économiser, faire croître ses actifs est difficile.   

«On n’imagine pas la détresse financière des gens en ce moment, mais j’ai choisi d’ouvrir une discussion vers des solutions» –Isabelle Maréchal

Q : Vous abordez la difficulté d’accéder à la propriété pour la classe moyenne aujourd’hui. La grande ville condamne-t-elle les gens à un statut de locataire?

R : L’histoire d’Élyse, qui gagne 80 000 $ par année, qui travaille dans une compagnie techno et qui est monoparentale avec deux enfants en dit long. Elle a une vieille auto et si elle veut devenir propriétaire, soit elle déménage, soit elle économise 200 000 $ pour la mise de fonds nécessaire à l’achat d’un duplex à un million dans Villeray, son quartier. Ça fait deux ans qu’elle ramasse des canettes, et elle a 40 000 $. À ce rythme, ça lui prendra dix ans! Rendu là, c’est plus un geste militant. On en est là. Il faut que les gens prennent la parole et disent au gouvernement: on n’est plus capables! Ces gens de la classe moyenne, on les voit et les entend peu dans les médias. Et c’est fou, parce que j’en ai rencontré beaucoup, et plusieurs étaient honteux de dire qu’ils n’y arrivaient plus.


 

Q : D’après vos recherches, la classe moyenne s’appauvrit?

R : Ce n’est pas vrai que tout le monde gagne un salaire qui augmente tous les ans. À une autre époque, les salaires ont suivi la courbe de l’inflation, mais ce n’est plus le cas. L’inflation alimentaire moyenne est à 11 % et beaucoup d’articles, même des produits de base, grimpent bien plus vite que ça. J’ai vu un quart de melon d’eau à 8,50 $. Ça veut dire que le melon complet se vendrait 35 $? Il y a du monde qui ambitionne en chemin! Selon une étude que j’ai consultée, le quart de l’inflation actuelle est liée aux profits excessifs des grandes corporations canadiennes. Ce n’est pas assez dit et ça fait partie des problèmes vécus par la classe moyenne, qui représente la moitié des Québécois. 


Q : Que faire pour redonner à la classe moyenne les moyens de ses aspirations?

R : Les modèles créés dans la foulée de la Révolution tranquille sont en train d’imploser. Ça nous prend une autre Révolution tranquille qui nous amène à de nouveaux choix ou à garder ceux que nous avons faits, mais en prenant des moyens différents. Aura-t-on encore les moyens de donner des allocations familiales dans 30 ans? Peut-on repenser le cadre de la propriété en étant respectueux du propriétaire et des locataires? Comment faire? Je n’ai pas toutes les réponses, mais le documentaire propose quelques idées. Et surtout, n’attendons pas 20 ans!   


Q : Dans le contexte économique actuel, est-ce que le plaisir devient coupable?

R : Je refuse de jeter le blâme sur les consommateurs. On n’est pas des esclaves du travail, il faut qu’on ait l’impression d’avancer dans la vie. Le rêve de la classe moyenne a toujours été symbolisé par l’accès à la propriété et il s’estompe. Après, on a une mère qui cumule deux emplois et demande : ai-je le droit de mettre 2000 $ dans ma face en injections? Peut-elle se faire plaisir? Elle voudrait aussi que sa fille puisse avoir le sac d’école qu’elle aime, pas le moins cher. Et en même temps, il faut expliquer à nos enfants qu’on ne peut pas tout avoir.  


*Cette entrevue a été éditée, à des fins de clarté et de concision.

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