Climat: le GIEC publie son «guide de survie» pour l'humanité
Un groupe de chercheurs sonne l’alarme et affirme qu’on ne peut plus attendre pour faire des gestes radicaux
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Le réchauffement de la planète s’accélère et la Terre ne restera « viable » que si des gestes radicaux sont pris d’ici 10 ans pour réduire le recours aux énergies fossiles, met en garde un nouveau rapport.
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« L’humanité marche sur une fine couche de glace et cette glace fond vite », a illustré le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, à propos du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qu’il a décrit comme « un guide de survie pour l’humanité ».
Paru hier, le document rapporte que les impacts des changements climatiques sont déjà plus graves qu’estimés auparavant « pour tout niveau de réchauffement futur » et que les choix réalisés au cours des prochaines années seront décisifs pour l’avenir.
« Ce rapport de synthèse souligne l’urgence à prendre des mesures plus ambitieuses et montre que, si nous agissons maintenant, nous pouvons toujours assurer un futur vivable pour tous », a lancé le président du GIEC, l’économiste coréen Hoesung Lee.
- Écoutez l'entrevue avec Gerhard Krinner, un des auteurs du rapport de synthèse du GIEC via QUB radio :
Volonté politique
« Nous avons le savoir-faire, la technologie, les outils, les ressources financières et tout ce dont on a besoin pour surmonter les problèmes climatiques que nous avons identifiés, mais ce qui manque pour l’instant, c’est une volonté politique forte afin de les résoudre une fois pour toutes », a-t-il poursuivi.
Mais la fenêtre se referme rapidement, dit le rapport. Déjà, le réchauffement climatique atteindra 1,5 °C dès 2030-2035, dans presque tous les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre de l’humanité à court terme établis par le groupe de scientifiques.
Ce seuil est celui que les experts implorent de ne pas dépasser depuis des années, craignant des effets irréversibles sur la planète.
Encore possible
« C’est encore possible d’éviter un réchauffement climatique infernal, les solutions existent et sont déjà accessibles », lance Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada.
De plus, les experts des Nations Unies soulignent qu’il coûte moins cher d’investir contre le réchauffement climatique que d’en subir les conséquences.
« Retarder les mesures de limitation et d’adaptation [...] réduirait leur faisabilité et augmenterait les pertes et les dommages », mettent en garde les scientifiques du GIEC, tandis que leur mise en œuvre accélérée et soutenue « apporterait de nombreux avantages connexes, en particulier pour la qualité de l’air et la santé ».
UNE HAUSSE IMPORTANTE DE LA TEMPÉRATURE
source : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
CROISSANCE IMPORTANTE DES GAZ À EFFET DE SERRE
source : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)
– Avec l’AFP
Les pays riches doivent en faire plus
Les pays riches doivent devancer leurs objectifs de neutralité carbone de 10 ans, pour « désamorcer la bombe climatique », selon le chef de l’ONU.
L’objectif de 2050 est révolu, estime António Guterres. C’est pourquoi il appelle les pays développés à accélérer le pas, dans un message vidéo à l’occasion de la publication du dernier rapport des experts climat réunis par l’ONU (GIEC).
Ces derniers « doivent s’engager à atteindre la neutralité carbone aussi proche que possible de 2040, une limite qu’ils devraient tous avoir l’intention d’atteindre ».
Aujourd’hui, la plupart des pays développés qui ont pris de tels engagements visent la neutralité carbone à l’horizon 2050.
« Avance-rapide »
Si « tous les acteurs doivent appuyer sur le bouton avance-rapide », il reconnaît que les pays en développement sont à la fois moins responsables du réchauffement, et moins capables d’accélérer leur transition.
Selon M. Guterres, la planète peut toujours espérer réussir à limiter le réchauffement à +1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, mais cela « nécessite une avancée décisive dans l’action climatique ».
« La fenêtre d’action se rétrécit, mais elle existe encore », a quant à lui lancé Simon Stiell, secrétaire exécutif de l’ONU Climat, en marge d’une réunion préparatoire à la COP 28.
80 % des émissions
Faisant écho au secrétaire général, M. Stiell a appelé « tout le monde » à agir, tout en ciblant particulièrement le G20, rassemblant les plus grandes économies mondiales.
« Nous savons que 80 % des émissions ont été produites au sein [des pays] du G20. C’est un point de départ très très clair », a-t-il insisté.
Les 20 plus grandes économies mondiales représentent aussi 85 % du PIB mondial, « donc la technologie et la capacité financière pour répondre à la crise sont là », a poursuivi M. Stiell.
– Avec l’AFP
CANICULES D’HIER, JOURS FRAIS DE DEMAIN
Les années les plus chaudes que le monde a connues récemment compteront parmi les plus fraîches d’ici une génération.
« Le monde actuel est plus frais que celui de demain, au moins pour plusieurs décennies », a commenté Chris Jones, scientifique du service météo britannique et l’un des auteurs principaux de la synthèse du GIEC.
Selon le rapport, les huit dernières années ont déjà été les plus chaudes jamais enregistrées au niveau mondial, mais elles compteront parmi les plus fraîches du siècle.
Cette constatation souligne la nécessité de mener de front les efforts d’adaptation aux changements climatiques et de viser une réduction des émissions de gaz à effet de serre pour ne pas aggraver encore plus la situation.
VERS UNE JUSTICE CLIMATIQUE
« En raison de la montée inévitable du niveau des océans, les risques pour les écosystèmes côtiers, les personnes et les infrastructures continueront à augmenter au-delà de 2100 », souligne le GIEC.
Les impacts causés par les changements climatiques affectent déjà plusieurs parties du globe. Certains pays plus pauvres en subissent les répercussions, sans pour autant avoir participé aux activités économiques polluantes qui mènent à des répercussions majeures.
« La justice climatique est cruciale, car ceux qui ont contribué le moins au changement climatique sont affectés de manière disproportionnée », souligne Aditi Mukherji, l’une des auteurs de la synthèse du GIEC.
MISER SUR LES ÉNERGIES PROPRES
Les experts du GIEC rappellent que de miser sur les énergies renouvelables dès maintenant peut être économiquement viable.
« De 2010 à 2019, les coûts ont diminué durablement pour l’énergie solaire (85 %), éolienne (55 %) et les batteries au lithium (85 %) », rappelle la synthèse des scientifiques.
Mais ces derniers ne cachent pas le prix à payer. « À court terme, les actions impliquent des investissements de départ élevés et des changements potentiellement radicaux. »
BÉNÉFICES ÉCONOMIQUES
« Les bénéfices économiques et sociaux d’une limitation du réchauffement climatique à 2 °C dépassent le coût des mesures à mettre en place », assurent les experts sur le climat des Nations Unies dans leur synthèse publiée hier.
Selon le GIEC, retarder la mise en place d’actions concrètes pour des raisons économiques n’est pas envisageable et pourrait même avoir des conséquences sérieuses.
« Retarder les mesures de limitation et d’adaptation [...] réduirait leur faisabilité », mettent en garde les scientifiques du GIEC.