/opinion/blogs/columnists

Condamnée à croupir dans une école publique

Condamnée à croupir dans une école publique
Capture d'écran, Google Street View

Coup d'oeil sur cet article

Pour un enseignant d’une école publique, impossible de ne pas sourire en lisant le titre de cette nouvelle: «Elle filme un enseignant dans un bar, l’école la renvoie».

Il n’y a qu’au privé qu’on peut se permettre un tel luxe. Au public, un élève peut filmer, mordre, frapper ou même menacer de mort son enseignant sans qu’il ait à s’inquiéter de se faire mettre à la porte.

Mais la misère des riches m’intrigue... J’ai donc poursuivi ma lecture au-delà du titre. 

À la suite de l’événement, les parents réclament des dommages de 215 000$. Certains extraits de la poursuite sont d’ailleurs très représentatifs d’une certaine vision de l’éducation.

Deux éléments m’interpellent dans cette histoire: la déresponsabilisation des parents à l’égard du comportement de leurs enfants et la véritable raison qui les a poussés à choisir l’école privée.

La faute des autres

Que ce soit au public ou au privé, de plus en plus de parents défendent leurs enfants les yeux fermés. Peu importe ce qu’a dit ou fait son précieux, le parent-client donne toujours raison à sa progéniture parfaite. On transforme habilement notre coupable en victime.

Dans le cas présent, c’est d’abord la faute du bar qui ne carte pas les «jeunes filles bien vêtues suivant les tendances vestimentaires et la mode». C’est aussi la faute de ses neuf amis qui ont diffusé à large échelle la vidéo qu’elle leur a innocemment envoyée via Instagram.

Mais c’est surtout la faute de la direction de l’école qui lui a confisqué son cellulaire (douleur) et qui l’a «détenue contre son gré, pendant plusieurs heures, et a subi un interrogatoire inquisitoire, sans aucune justification». 

Quelqu’un a des Kleenex? 

La peine de mort

Si vous n’avez pas encore la larme à l’œil – bande de sans-cœur –, sachez que le renvoi de notre chère Aurore risque de générer une souffrance incommensurable et de briser sa vie.

En effet, selon la poursuite, elle risque de devoir terminer ses études secondaires au public et de voir ses efforts des quatre dernières années anéantis.

Vous êtes choqués?

Pas moi.

J’ai enfin pu entendre ce que plusieurs parents pensent en privé, mais qu’ils n’oseront jamais dire en public. 

Ils choisissent l’école privée parce qu’ils voient celle-ci comme une police d’assurance. Un investissement servant à protéger leur bonne conscience. Pourquoi se mélanger à la plèbe, alors qu’il est possible d’évoluer avec ses semblables? L’homogénéité a bien meilleur goût.

Dans un texte fort pertinent publié en 2017, Fabrice Vil posait la question «Où sont les privilégiés?» Je vous invite à le lire. Comme nous en avons l’habitude en éducation, son propos reste d’actualité. 

J’ai tout de même une bonne nouvelle pour vous.

Depuis le dépôt de la poursuite, l’école a accepté de réintégrer son élève. La jeune fille pourra poursuivre la construction de sa maison de briques.

Compte tenu de son parcours, elle me semble vouée à un brillant avenir.

Je l’imagine déjà PDG de la Fonderie Horne.

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.