Groupe Garneau: à la tête de 6 salons funéraires
Une première génération de femmes au Groupe Garneau, entreprise centenaire à Lévis
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Petite, Marie Eve Garneau ne voulait rien savoir de travailler dans le salon funéraire de ses parents, et ce n’est pas par peur de la mort, mais plus parce que la vie des autres était partout dans la sienne.
«Je disais que c’était un travail hypocrite parce qu’il faisait toujours passer la famille des autres avant la nôtre. Bien sûr, j’ai changé mon regard», confie Marie Eve Garneau, mère de quatre enfants, à la tête de la première génération de femmes aux commandes de Groupe Garneau Thanatologue, à Lévis.
Le premier des six salons funéraires du groupe était situé dans la cour, chez ses parents, juste à côté de la maison familiale.
En face, il y avait un CHSLD et, quand un décès survenait, un endeuillé traversait la rue et venait cogner chez les Garneau.
Le père de Marie Eve répondait au beau milieu de la nuit, en robe de chambre. Souvent, il devait annuler une activité prévue en famille parce que la mort se pointait.
Et il y a eu toutes sortes de funérailles à organiser, même celles de Hells Angels, vu que le repaire de Saint-Nicolas n’était pas loin.
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Rêver d’un ailleurs
Dans cette vie qui ne ressemblait pas à celle de ses amis, Marie Eve rêvait de droit, de théâtre ou d’enseignement du français.
Des professions où elle allait s’exprimer haut et fort, elle qui avait observé tant de gens réduits au silence, des gens qui n’avaient peut-être pas eu la chance de tout dire avant de s’éteindre.
Mais un jour, Valérie, sa sœur aînée, lui a proposé d’essayer la thanatologie et Marie Eve a pensé qu’elle pourrait bien donner une chance à cette avenue.
Arrivée dans les laboratoires au deuxième jour de ses études à Toronto, elle s’est sentie chez elle, alors que les autres élèves étaient sous le choc.
La jeune femme a rencontré l’amour en Ontario et l’a ramené au Québec. Depuis, elle travaille chez le Groupe Garneau avec son mari et celui de sa sœur.
Les deux femmes devaient prendre la relève ensemble, mais une maladie dégénérative a frappé Valérie en 2021.
«La COVID m’a donné congé de coaching de ringuette, de hockey et de fêtes d’amis. Ça a laissé plus de temps pour s’adapter à la maladie de ma sœur», dit Marie Eve, qui à travers l’épreuve savoure sa chance de voir ses proches au quotidien.
L’urgence de vivre
C’est comme si Marie Eve tissait des liens serrés avant que la mort vienne lui prendre l’un ou l’autre, comme elle ne manque jamais de le faire. Elle a d’ailleurs donné la vie quatre fois pour que jamais ses enfants ne se sentent seuls.
«Vous seriez étonnée de voir à quel point les directeurs de funérailles ressentent l’urgence de vivre. On sait mieux que quiconque que demain n’est pas promis», dit-elle.
Il n’y a probablement pas de milieux d’affaires plus émotifs que celui des salons funéraires.
Et Marie Eve a dû apprendre à se protéger, car son rôle, c’est de prêter l’épaule, d’être un pilier sur lequel les endeuillés peuvent s’appuyer.
N’empêche, il y a dans toutes les carrières de thanatologues, un deuil qui se vit de trop près.
Pour elle, ce fut celui des petites sœurs Norah et Romy, assassinées par Martin Carpentier. Elles avaient le même âge que les filles de Marie Eve.
Heureusement, il y avait d’autres Garneau dans son entourage sur qui elle a pu s’appuyer pour continuer sa mission d’aider.
EN RAFALE
Entreprendre, c’est... ?
«Construire le parachute en sautant. C’est s’adapter à tout, tout le temps.»
Si vous pouviez changer une chose dans le monde, ce serait ?
«La tolérance de l’humain, qui a un peu perdu le concept de vie en société.»
Qui vous inspire ?
«Mon papa : il donnerait ce qu’il n’a pas. Ma sœur, Valérie, une visionnaire qui m’a permis de me faire une place comme femme.»