Demandeurs d'asile: le chemin Roxham officiellement fermé
Les derniers migrants qui traversaient le chemin controversé ont été surpris d’apprendre le changement
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CHAMPLAIN, New York | De nombreux migrants ont franchi vendredi pour la toute dernière fois le chemin Roxham sans réaliser que la fermeture du fameux passage irrégulier vers le Canada était imminente.
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« ¡Dios mío! (mon Dieu !) », s’est exclamée en espagnol une Colombienne quand nous lui avons appris la nouvelle, alors qu’elle s’apprêtait à franchir les derniers mètres avant d’atteindre le Canada.
« Je ne savais pas », a aussi soufflé Guerson, un jeune père haïtien sous le choc, un poupon dans les bras.
Comme la plupart des demandeurs d’asile que nous avons rencontrés vendredi aux États-Unis, ils ignoraient que les règles venaient de changer du tout au tout.
Car depuis minuit, une entente survenue entre Justin Trudeau et Joe Biden empêche les demandeurs du statut de réfugié d’entrer au Canada en provenance des États-Unis par un point de passage irrégulier, sous peine d’être refoulés vers les postes douaniers américains.
Si des migrants irréguliers sont interceptés à l’intérieur du Canada, les autorités devront désormais les déporter aux États-Unis s’ils ont franchi la frontière il y a moins de 14 jours.
Pour dissuader les migrants
« [On agit ainsi] pour dissuader l’immigration irrégulière pendant qu’on augmente l’immigration régulière », a déclaré M. Trudeau lors d’une conférence de presse conjointe en fin d’après-midi.
Cela entraîne la fermeture du fameux chemin Roxham, en Montérégie, emprunté par près de 40 000 personnes l’an dernier et par quelques dizaines de personnes vendredi.
En contrepartie, le Canada s’est engagé à accueillir 15 000 demandeurs d’asile supplémentaires par des « voies légales ».
Le premier ministre François Legault a toutefois demandé vendredi que le Québec ne reçoive aucun de ces migrants. « Je pense qu’on a fait notre part. Je pense qu’il y a un rattrapage à faire pour qu’il y en ait plus dans les autres provinces. »
Il était néanmoins heureux de la fermeture du chemin Roxham, en la qualifiant de « très belle victoire pour le Québec ». « C’est certain qu’on vient de régler une grosse partie du problème », croit-il.
En fin d’après-midi, des employés ont recouvert et retiré des pancartes du chemin où l’on pouvait lire entre autres des informations sur le droit d’asile au Canada.
Tous ces changements ont été tellement soudains que des migrants en route vers la frontière vont se heurter à une interdiction de passer, a appris Le Journal.
« Des gens sont en transit à l’heure où on se parle et ne sont même pas au courant », s’est inquiétée Amy Mountcastle, professeure associée en anthropologie de l’Université SUNY Plattsburgh.
Plusieurs observateurs estiment que la fin de Roxham ne signifie pas pour autant la fin des entrées irrégulières au Canada.
« Les gens vont simplement payer un taxi et traverser par les bois. Et ça, ce sera dangereux », entrevoit déjà Tyler Provost, un chauffeur qui a reconduit des centaines de migrants jusqu’à la frontière.
Déjà cette année, deux d’entre eux ont perdu la vie en passant par les bois.
Incitation
« Ça encourage vraiment l’illégalité », renchérit Stéphanie Valois, présidente de l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration.
À long terme, croit l’avocate, le flot de migrants ne se tarira pas, puisque ceux-ci, avant d’arriver jusqu’au Canada, font face à des défis bien pires que la frontière canado-américaine.
Avant de reprendre la route, Tyler Provost jette un ultime regard au chemin de terre de quelques mètres qui sépare les deux pays, aux agents de la GRC qui le surveillent, aux bâtiments permanents construits en prévision de l’arrivée des migrants.
« Qu’ils passent ici, ça faisait sauver du temps et de l’argent à la police canadienne, ça c’est sûr », conclut-il, en repartant chercher d’autres clients.
– Avec Olivier Faucher