Hébergement à Québec: facile de contourner les règles sur Airbnb
Près de 77 % des logements touristiques sont illégaux à Québec, selon un site web
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À Québec, le nombre d’annonces de logements à louer pullule sur les sites de location en ligne comme Airbnb, où il suffit que de quelques clics pour se rendre compte que bon nombre de propriétaires s’affichent de façon illégale.
Selon le site Inside Airbnb, près de 77 % des quelque 2500 annonces de logements sur le site Airbnb sont illégales à Québec, puisqu’elles n’affichent aucun numéro d’enregistrement de la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ), tel qu’exigé par Québec. Inside Airbnb compile les activités de la plateforme de location à l’échelle mondiale.
D’autres « champs » sont également analysés par le site, qui fonctionne par extraction de données, pour déterminer la légalité des annonces, précise le fondateur Murray Cox. Selon lui, la marge d’erreur des données est de moins de 5 %.
Même si Airbnb s’apprête dans les prochains jours à retirer les annonces de locations illégales, en à peine quelques minutes, Le Journal a pu en retracer plusieurs à Québec, notamment dans le quartier Saint-Sauveur, où l’hébergement touristique commercial y est strictement interdit.
Ainsi, un logement situé près de la rue Saint-Ignace, aurait été loué à plus de 250 reprises l’an dernier, selon Inside Airbnb, ce qui correspond à de l’hébergement touristique commercial, selon l’administration municipale (voir plus bas).
Qui plus est, l’annonce pour ce « 4 1⁄2 à 15 minutes du Vieux-Québec » n’affiche aucun numéro d’enregistrement.
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Des changements ?
Des changements au règlement actuel pourraient être effectués par l’administration municipale plus tard cette année, mentionne la conseillère municipale, Mélissa Coulombe-Leduc. « Il y a plusieurs options en analyse », affirme celle qui est responsable notamment des dossiers portant sur le tourisme au cabinet Marchand.
Airbnb s’est engagé hier à n’afficher que les annonces ayant un numéro d’enregistrement du CITQ, ce qui répond aux demandes de la municipalité. « Pour que la CITQ émette un numéro, le requérant doit fournir un certificat de conformité, qu’il obtient en auprès des instances municipales », explique Mme Coulombe-Leduc.
Des voix s’élèvent
Plusieurs voix s’élèvent contre les différentes plateformes de location d’hébergement en ligne, à la suite de l’incendie mortel, qui a fait plusieurs victimes dans le Vieux-Montréal.
À Québec, ces plateformes contribuent à aggraver la crise du logement, à faire hausser les prix des loyers en plus de nuire à la « qualité de vie » des résidents de plusieurs quartiers, critiquent différents regroupements de locataires et de propriétaires.
De son côté, le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ) est plus catégorique et souhaiterait voir carrément l’interdiction de ces plateformes au Québec.
Selon le co-porte-parole, Cédric Dussault, ces sites de location ont des effets « dévastateurs » sur le parc locatif.
CE QUI EST PERMIS À QUÉBEC
Hébergement touristique commercial
- Possible uniquement dans les zones identifiées par l’administration municipale.
- Numéro d’enregistrement émis par la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) exigé.
Hébergement touristique collaboratif
(location de votre résidence permanente)
- Possible sur tout le territoire.
- Numéro d’enregistrement émis par la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) exigé.
- Il n’est pas possible de louer pour plus de 30 jours consécutifs.
- La Ville permet un maximum de location de 90 nuitées par année.
Les amendes sont de 1000 $ par jour pour une personne physique et de 2000 $ par jour pour une personne morale. Les amendes sont doublées en cas de récidive.
Saint-Roch pris d’assaut par Airbnb
Un résident du quartier Saint-Roch peine à comprendre pourquoi la Ville y permet plus d’immeubles destinés à l’hébergement touristique commercial que dans le Vieux-Québec, alors qu’il s’agit d’un quartier où les logements à prix modique et les maisons de chambres devraient être priorisés.
« Il y a une crise du logement et les refuges en itinérance débordent, il serait cohérent que la Ville commence par intervenir sur les usages qu’elle permet [en matière d’hébergement touristique], si elle veut être crédible », mentionne Pierre Maheux, résident du quartier Saint-Roch depuis 2005 et ancien conseiller municipal pour le parti Renouveau municipal de Québec (RMQ).
Selon lui, la Ville de Québec devrait réviser le zonage trop « permissif » et « étendu » en matière d’hébergement touristique commercial dans Saint-Roch.
« Est-ce qu’ils [l’administration municipale] ont l’intention de faire un Vieux-Québec ici ? On se le demande », ajoute-t-il.
Impliqué dans son quartier, M. Maheux s’inquiète par ailleurs d’éventuels immeubles à logements à vendre, qui pourraient légalement être transformés en Airbnb, au cours des prochains mois.
Vidanges et bruit
Le va-et-vient des « touristes à roulettes » dans Saint-Roch occasionne d’autres problèmes, comme le bruit en soirée et le voisinage qui change de visage chaque semaine, dit-il. « On ne sait jamais qui ouvrira la porte à côté, ça peut être très achalant », dit-il.
Le son de cloche est le même dans le Vieux-Québec, où l’on critique les répercussions des nombreux logements touristiques illégaux.
« On se ramasse avec des vidanges partout sur le trottoir. Les gens [qui louent sur Airbnb] mettent ça à la porte quand ils partent, et bonjour ! Même si les vidanges passent dans trois jours », illustre Michel Masse, président du comité des citoyens du Vieux-Québec.
M. Masse souhaite lui aussi un important « resserrement » des règles. « On le sait que certains n’ont pas leur numéro d’enregistrement, mais c’est un peu David contre Goliath », dit-il.
- En 2022, la Ville de Québec a reçu 70 plaintes concernant l’hébergement touristique illégal et 13 en 2023.
- En 2022, la Ville a remis 80 sanctions et 5 en 2023.
- 26 inspecteurs sont sur le terrain, dont 3 sont attitrés au suivi de l’hébergement illégal.