«Asymétrique» de Valérie Jessica Laporte: sortir d’une période de mutisme
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La photographe, designer graphique et autrice Valérie Jessica Laporte, également porte-parole de la Fédération québécoise de l’autisme, explore différentes facettes de l’autisme dans son deuxième livre, Asymétrique. Ce roman d’apprentissage à la plume originale fait entrer les lecteurs dans le quotidien d’une préado autiste qui tente de synchroniser sa tête, son corps et les liens avec les autres.
La narratrice du roman, une préado que les lecteurs du roman précédent de l’autrice, Méconnaissable, vont reconnaître, part vivre chez son père. Elle l’appelle maintenant Père-clé, car il est devenu pour elle la clé d’une nouvelle tentative d’entrer en relation avec des humains qui ne lui ressemblent pas.
Au fil des pages, cette fille «différente» se découvre des habiletés et des compétences insoupçonnées. Son apprentissage, lent et difficile, est parsemé de grandes joies. Il culminera lorsqu’elle devra secourir quelqu’un qui risque de sombrer.
Valérie Jessica Laporte, dans le roman, parle des caractéristiques de l’autisme, des apprentissages, des fonctions attribuées aux gens, de l’effet papillon parfois généré par des tout petits changements, comme une coupe de cheveux.
Vie fragmentée
Le roman peut se lire de manière indépendante sans avoir de mal à se repérer, assure Valérie Jessica Laporte, en entrevue.
«C’est vraiment l’évolution complète d’une partie de la vie très fragmentée du personnage, comme s’il venait par petits morceaux. On dirait qu’il se fait greffer des modules!», dit-elle.
Valérie Jessica révèle qu’elle fonctionne elle aussi par «modules».
«Le module qui m’a fait changer quelque chose, c’est quand la psychoéducatrice m’avait fait prendre conscience de mes valeurs. Je n’avais jamais réalisé qu’il y avait des choses qui étaient importantes pour moi, mais qui n’étaient pas un objet ou une situation. Je n’avais jamais compris ça.»
En ce moment, par exemple, elle apprend à jouer au pickleball. C’est en quelque sorte son module.
«Il y a une étape où je travaille beaucoup mes réflexes. Ça marche tellement bien que je vais garder ce sport!» Chez les personnes qui ne sont pas autistes, indique-t-elle, l’évolution se fait de manière plus fluide.
La relation d’aide
Valérie Jessica Laporte avait envie d’explorer la relation d’aide et la réciprocité dans Asymétrique.
«Il y a tellement moyen de faire une énorme différence dans la vie de quelqu’un, sans devenir la personne qui se sacrifie pour faire cette différence. Dans une relation équilibrée, ça se passe des deux bords», note-t-elle.
Un autre point abordé concerne les étiquettes accolées aux handicaps.
«Personnellement, le handicap, c’est pas l’affaire que je vois en premier chez les gens. Ce sont des traits beaucoup plus forts que ça qui passent par-dessus, comme la personnalité.»
L’autrice parle du mutisme dans son livre : son personnage est resté muré dans le silence pendant 832 jours. Valérie Jessica Laporte explique qu’il y a beaucoup d’aspects du mutisme dans les troubles du spectre de l’autisme, en donnant pour exemple le mutisme sélectif.
«Il y a des situations, par exemple, où la personne n’est plus capable de parler. C’est juste trop. De mon point de vue à moi, c’est que je sais que je peux parler, mais je ne trouve plus la porte, le chemin, je suis complètement bloquée. Ça m’arrive assez rarement, mais ça m’est arrivé. Et ça ne dure pas.»
«Moi, c’est quand j’ai peur ou quand il y a une situation qui a une trop grande charge émotionnelle. Quand ça arrive trop d’un coup, je vais tomber en mutisme sélectif», explique-t-elle.
Le mutisme de «longue durée» dont il est question dans le livre est différent.
«La petite fille arrête de parler parce qu’elle veut arrêter de parler. J’ai essayé plusieurs fois de le faire quand j’étais jeune. J’ai eu besoin de le faire. Mais ça n’a pas fonctionné parce qu’on m’a forcée à arrêter.»
En librairie le 29 mars.
- Valérie Jessica Laporte est photographe et designer graphique.
- Elle est porte-parole de la Fédération québécoise de l’autisme.
- Son premier roman, Méconnaissable, a remporté en 2020 le Prix Découverte décerné par le Salon du livre du Saguenay–Lac-Saint-Jean, puis le prix du premier roman de Chambéry en 2021.
- Sa page Facebook, Bleuet atypique, compte plus de 18 000 abonnés.
EXTRAIT
«Dans cet établissement, tous les défectueux sont dans la même classe. Une classe adaptée, un tout petit groupe. On peut nous mettre tous ensemble parce qu’une école secondaire, c’est bien plus populeux qu’une école primaire, donc ils peuvent réunir plus facilement les compliqués en un paquet condensé. Ils prennent moins de place ainsi que s’ils étaient éparpillés à travers les normaux. Je n’aime pas prendre de la place.»