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Des leçons à tirer sur la lutte à l’itinérance

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Le Québec a bien des leçons à tirer de la Finlande pour la lutte à l’itinérance, comme le constate Bruno Marchand, qui réfléchit avec d’autres maires à une stratégie pour convaincre le gouvernement du Québec de bouger et de réaliser l’urgence d’agir.

Les élus municipaux québécois s’intéressent de plus en plus à ce phénomène, qui était auparavant concentré dans les très grands pôles urbains. Il s’étale maintenant dans l’ensemble des régions du Québec, comme le souligne Daniel Côté, président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), qui participe à la mission en Finlande. 

À Helsinki, capitale finlandaise, on est passé de 17 000 itinérants, en 1997, à 4000, en 2021. Depuis les années 70, on a réduit l’itinérance des deux tiers dans le pays. «Il en reste encore, mais c’est une baisse significative», observe Bruno Marchand, qui préside un comité de lutte contre l’itinérance de l’Union des municipalités du Québec (UMQ). 

La délégation québécoise a pu s’entretenir avec Hannu Suvanto, directeur d’un logement finlandais qui accueille des itinérants requérant les plus importants services, dans le but de les sortir de la rue pour de bon.
Photo Karine Gagnon
La délégation québécoise a pu s’entretenir avec Hannu Suvanto, directeur d’un logement finlandais qui accueille des itinérants requérant les plus importants services, dans le but de les sortir de la rue pour de bon.

Avec d’autres élus, M. Marchand a visité hier un logement qui accueille les cas les plus lourds. La solution n’est pas parfaite, mais «tout ce qu’on peut faire pour éviter que les gens retournent à la rue, on le fait», a expliqué hier Hannu Suvanto, directeur du logement qu’a visité la délégation québécoise. 

Un modèle figé

La Finlande applique une stratégie complètement à l’opposé de ce qui guide le gouvernement du Québec dans ses interventions. Il s’agit de Logement d’abord, qui consiste à fournir un toit aux itinérants, ainsi que des services pour les accompagner, de manière à les sortir de la rue.  

Celle-ci est aussi implantée à Medicine Hat, en Alberta, et à plus petite échelle à Québec, avec le projet Porte-clés, coordonné par l’organisme PECH, et qui a permis de sortir 225 personnes de la rue depuis 2015. 

Sinon, à quelques exceptions près du genre, le modèle d’intervention québécois en itinérance est figé depuis les années 80. Il est centré sur la réduction des méfaits et l’hébergement d’urgence, et est financé de manière nettement insuffisante par l’État québécois ou des fondations.  

Manque de rigueur

Ce qui frappe, quand on compare le Québec avec la Finlande, c’est le manque de rigueur des acteurs impliqués, ce qui inclut le gouvernement, mais aussi certains acteurs des milieux communautaire et universitaire.  

Il y a un manque flagrant de volonté politique, pas de cible, de budget suffisant, ni de coordination entre les paliers de gouvernements, et pas de réflexion en dehors de l’urgence. Le pire, c’est qu’une pandémie mondiale plus loin, on s’étonne que l’itinérance augmente.  

Pour le maire de Québec, qui défend la vision de l’itinérance zéro, il y a beaucoup de travail à faire pour améliorer le portrait, mais rien n’est impossible. Le sommet sur l’itinérance, qui aura lieu bientôt, permettra de préparer le terrain. Le comité se chargera ensuite «d’établir un portrait, un plan de match, et de voir comment on va travailler pour convaincre le gouvernement d’agir», rappelle Daniel Côté. 

Tant le maire de Québec que le président de l’UMQ ont insisté sur l’importance de documenter le dossier. C’est en effet ce qui ressort du modèle finlandais. Or, au Québec, on procède aux trois ou quatre ans et la définition de l’itinérant n’est pas suffisamment large pour être représentative.  

Il s’agit ensuite d’exprimer une grande volonté politique pour faire bouger les choses, ce qui jusqu’à maintenant ne s’est accompagné d’aucun plan. En ce sens, le comité apparaît comme une avenue porteuse. 

Entrée des ponts

J’écrivais cette semaine que le maire Bruno Marchand se trouve dans une position intenable par rapport au troisième lien, alors que le gouvernement tarde à présenter ses études sur le projet. M. Marchand a répété encore hier que sa position n’a pas changé, et qu’il n’a rien à dire de plus sur le projet. «Tout a été dit, attendons», a-t-il lancé. 

Le maire insiste sur le fait qu’il ne faut pas mélanger troisième lien et entrée des ponts, répliquant à Claude Villeneuve, chef de l’opposition. M. Villeneuve lui reproche son inertie par rapport au réaménagement de l’entrée des ponts, et aimerait avoir l’heure juste. Le maire affirme qu’il travaille avec le ministère des Transports et que des annonces auraient lieu au cours des prochains jours. «On va présenter ce qui s’en vient, ce travail se fait de longue haleine», dit-il. 

Le chef de l’opposition touche cependant un point lorsqu’il fait valoir que le troisième lien pourrait bien ne pas être nécessaire, si on parvenait à alléger la circulation grâce au réaménagement de la tête des ponts. Clairement, on procède à l’envers avec les dossiers de transports à Québec, en promettant un tunnel sans étude et sans avoir évalué l’impact d’autres projets, dont le tramway, sur la circulation. Le maire pourrait certainement se montrer plus sévère envers le gouvernement du Québec à cet égard. 

Gosselin et le maire

Depuis l’élection de 2021, où Bruno Marchand a nommé le conseiller Jean-François Gosselin sur son comité exécutif, les rumeurs vont bon train à savoir qu’il ferait le saut avec le parti du maire. Tous deux s’entendent très bien, même si M. Gosselin s’est illustré, comme ancien chef de l’opposition, en tant qu’opposant notoire au projet de tramway. 

Dans une entrevue avec La Presse, M. Gosselin a laissé entendre, sans surprise, qu’il n’écartait pas cette possibilité pour l’élection de 2025. Questionné hier, le maire affirme qu’il n’a «pas eu de discussion avec M. Gosselin» ni avec Bianca Dussault, l’autre conseillère indépendante. 

Bien qu’il assure qu’il n’y a pas de plan en ce sens pour le moment, il s’agirait bien sûr d’une stratégie intéressante pour lui, de recruter ces deux conseillers. Il pourrait ainsi acquérir une majorité au conseil. J’y vois néanmoins un manque de cohérence, M. Marchand s’étant défini dès le départ comme le «capitaine tramway». Il faudrait voir aussi si les électeurs de Beauport suivraient M. Gosselin dans ce virage à 180 degrés.  

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