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Découragés, des migrants du chemin Roxham sont expulsés aux États-Unis

Demandeurs d'asile déçus
Photo Nora T. Lamontagne Après avoir tenté d’entrer au Canada, Nicole, colombienne (à gauche) et Carmen, vénézuelienne, attendaient l’autobus à Plattsburgh qui les ramènerait sur leurs pas.

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PLATTSBURGH, New York | Des migrants qui ont traversé la frontière par le chemin Roxham ce week-end ont passé trois jours en détention avant d’être refoulés, découragés et bredouilles, aux États-Unis.

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«Tout est à recommencer de zéro», a soupiré Carmen, une Vénézuélienne qui a franchi la frontière par Roxham aux aurores, samedi. 

Quand nous l’avons rencontrée, elle venait tout juste d’être officiellement renvoyée du Canada, en vertu d’un nouvel accord entré en vigueur quelques heures seulement avant son passage. 

L’Entente sur les tiers pays sûrs s’applique désormais à toute la frontière, ce qui empêche de facto les migrants de passer par le fameux chemin Roxham à moins d’exceptions. La nouvelle a été annoncée pendant la visite du président Joe Biden, la semaine dernière. 

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Hier en fin d’après-midi, une vingtaine de demandeurs d’asile, parmi les premiers à être rejetés, attendaient l’autobus à Plattsburgh sous les néons d’un dépanneur.

Un mélange de désespoir et de résignation flottait dans l’air. 

«Je suis vraiment mêlé en ce moment», a affirmé Steven, un Vénézuélien de 24 ans qui avait encore son bracelet d’identification vert fluo au poignet. 

Le Péruvien Alan Rivas espérait retrouver sa conjointe, qui habite à Terrebonne, mais il a été refoulé aux États-Unis après trois jours.
Photo Nora T. Lamontagne
Le Péruvien Alan Rivas espérait retrouver sa conjointe, qui habite à Terrebonne, mais il a été refoulé aux États-Unis après trois jours.

«Je ne sais plus quoi faire. Il faut que j’appelle ma famille pour qu’ils me fassent un virement», a laissé tomber Alan Rivas, qui avait déjà dépensé plus de 4000$ pour en arriver là. 

L’homme de 38 ans songeait à retourner au Pérou, son pays natal, malgré les risques qui pèsent sur sa vie là-bas. 

Court séjour au Canada

Depuis samedi, minuit, les demandeurs d’asile arrêtés au chemin Roxham sont transportés dans un endroit où ils sont triés, puis dans un centre d’hébergement près du poste frontalier de Lacolle, en Montérégie. 

Ceux avec qui nous avons parlé évoquent au moins une centaine de personnes qui y sont logées dans des lits superposés en attendant une décision. 

«J’étais tellement nerveuse, je n’ai pratiquement pas dormi», a raconté Nicole, une jeune Colombienne qui espérait rejoindre ses cousines à Montréal.

Trois jours et trois nuits plus tard, ce sont des agents frontaliers qui lui ont plutôt annoncé son renvoi fatidique. 

Après quoi, ils ont pris ses empreintes digitales et lui ont fait signer des documents. 

La jeune femme a aussi reçu une date de comparution aux États-Unis, fin avril. 

Nicole a ensuite dû se débrouiller pour quitter la frontière par ses propres moyens, en payant un taxi environ 45$ jusqu’à la gare d’autobus de Plattsburgh.

«Ça fait quatre jours que je porte le même t-shirt, on n’avait pas accès à nos bagages», s’est-elle d’ailleurs excusée, attablée devant un sandwich de pain blanc. 

Pas d’exemption

La déception a été particulièrement grande pour certains migrants qui croyaient pouvoir être acceptés grâce à une exception qui concerne la famille proche d’une personne déjà au Canada. 

Or, Brahim (nom fictif), un Tchadien qui soutient que sa femme est Canadienne, a tout de même été renvoyé aux États-Unis ce mardi.

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Le trentenaire a fait défiler les photos de leur petite famille sur son téléphone, des copies de son passeport, de celui de sa conjointe, de leur mignon petit garçon né au Québec il y a quelques mois... 

C’est ce qu’il a montré aux douaniers, en plus de donner le numéro de téléphone de sa femme, qui se trouve au Cameroun, et celui de proches qui sont à Montréal. 

Mais rien n’y a fait. 

«Je n’ai jamais pensé prendre un autre passeport. Maintenant, on pleure pour ça», a dit celui qui a fui la persécution après des manifestations prodémocratie au Tchad. 

«Au moins, je peux travailler aux États-Unis. Il y en a qui sont ici illégalement avec leurs enfants. Ça fait mal au coeur», a-t-il ajouté, en regardant du coin de l’oeil une petite famille assise à côté.

Et maintenant?

Vers 19h25, l’autobus Greyhound en direction de New York a fait son arrivée dans le stationnement de la station-service américaine. 

«Le même qu’on a pris pour arriver ici», a fait remarquer amèrement Carmen, la Vénézuélienne. 

Steven, un Vénézuélien de 24 ans, ignorait quelle serait sa prochaine destination.
Photo Nora T. Lamontagne
Steven, un Vénézuélien de 24 ans, ignorait quelle serait sa prochaine destination.

Steven, son compatriote, a hésité jusqu’au tout dernier moment avant d’acheter son billet. Retournait-il au New Jersey? Allait-il plutôt à Boston? À New York? Le chauffeur s’est impatienté. 

Le jeune homme est finalement monté à bord. 

Et l’autobus est reparti comme il est arrivé, ramenant les migrants sur leurs pas. 

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