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Drame à Louiseville: «On l’a complètement échappé celui-là»

La Commission d’examen des troubles mentaux pointée du doigt

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Deux jours après le meurtre sordide d’une policière à Louiseville, des experts soulèvent des lacunes importantes à la Commission d’examen des troubles mentaux, qui a octroyé une liberté quasi complète au suspect malgré le fait qu’il représentait un danger important. 

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«On l’a complètement échappé celui-là, lance avec émotion la juge à la retraite Nicole Gibeault. J’ai lu le rapport [de la Commission d’examen des troubles mentaux (CETM)] et il va falloir que quelqu’un m’explique pourquoi cette personne-là était libre. Il avait clairement besoin d’aide. Je n’en reviens pas.»

En effet, dans une décision rendue il y a un an, la Commission mentionnait qu’il représentait un «risque important pour la sécurité du public» et qu’il banalisait son état. L’homme de 35 ans souffrait d’un trouble schizoaffectif, d’un trouble lié à l’usage des amphétamines en rémission et d’un trouble lié à l’usage du cannabis. Il niait toutefois sa maladie, malgré de nombreux épisodes violents et psychotiques.

Photo tirée de Facebook

Débordée

La professeure Emmanuelle Bernheim, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en Santé mentale et accès à la justice, qui a étudié de près la CETM en assistant personnellement à près d’une centaine d’audiences, est d’avis que ce tribunal administratif est complètement débordé et tient des audiences expéditives. 

«Ils n’ont pas le temps de prendre en considération l’ensemble des éléments, signale-t-elle. La preuve principale est bien souvent le rapport du psychiatre traitant et il est déposé généralement au moment de l’audience. La défense n’a pas le temps de se préparer, ça va vite, ils ne prennent pas ça au sérieux et font ça un peu n’importe comment.»

Mme Bernheim mentionne également que, contrairement à ce qui se fait dans les autres provinces canadiennes, les juges administratifs qui siègent aux audiences ne sont pas nécessairement familiers avec la réalité spécifique et complexe de la santé mentale. 

«Mis à part la présence obligatoire d’un psychiatre, les autres juges sont parfois confus sur le rôle de la Commission. Ça occasionne des lacunes dans certains cas parce que les gens n’ont pas toujours le bagage juridique pour bien interpréter la situation.»

Photo Jonathan Tremblay

Pas de procureur

Le psychiatre Gilles Chamberland estime pour sa part que la présence optionnelle d’un procureur de la couronne lors des audiences est problématique. 

«Quand on fait nos rapports, on met en évidence le risque que peut représenter le patient et ensuite, on doit répondre aux questions de la défense, qui [elle], remet en doute notre évaluation en sous-entendant qu’on a évalué trop durement. En fin de compte, on se retrouve dans une situation inconfortable, parce qu’on passe pour les méchants, mais ensuite, on doit continuer à traiter ces patients-là.»

Peu de ressources

L’avocat spécialisé en droit de la santé Jean-François Leroux croit pour sa part que le problème réside davantage dans le manque de ressources sur le terrain pour faire respecter les conditions de remise en liberté des accusés. 

«C’est certainement une partie de la solution, croit-il. C’est une chose de donner des conditions aux gens, mais s’il n’y a personne pour vérifier si les personnes consomment ou si [elles] se présentent à leurs suivis médicaux, [elles] vont tomber entre deux chaises et on va possiblement assister à des drames comme on voit en ce moment.» 

La CETM a refusé notre demande d’entrevue, mercredi.

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