Réforme Dubé: qui portera la voix des patients et des usagers?
Legault

Prenons notre mal en patience. Entre le dépôt cette semaine du projet de loi mammouth du ministre Christian Dubé visant à réformer de fond en comble le système de santé, son étude en commission parlementaire et son éventuelle adoption, pas mal d’eau a le temps de couler sous les ponts.
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Normal, en fait. Avec ses 308 pages et 1 180 articles modifiant 37 lois, les surprises, bonnes et mauvaises, ne manqueront pas. L’important est que, tout au long des débats publics entourant la «révolution» Dubé, le ministre, aussi déterminé soit-il à foncer, se place néanmoins en «mode écoute».
Le rôle premier du réseau public de santé et de services sociaux étant de servir les citoyens – et non, l’inverse –, un angle majeur à discuter s’annonce déjà.
Celui de la protection des droits des patients et des usagers. Une protection terriblement mise à mal par 25 ans de compressions budgétaires, de réformes irréfléchies et par la montée inquiétante du privé.
Dans ce vaste et énième «brassage de structures» au sein du réseau, le projet de loi prévoit l’obligation de mesurer le «degré de satisfaction» des usagers. Bravo. Mais il faudra aussi et surtout assurer la protection de leurs droits.
- Écoutez l'entrevue avec Christian Dubé, ministre de la Santé à l’émission de Yasmine Abdelfadel diffusée en direct via QUB radio :
Ne pas se faire avaler tout rond
Pour ce faire, le projet de loi du ministre Dubé propose la création d’un comité national des usagers. Son rôle serait double.
1) Arrimer les pratiques des multiples comités d’usagers des établissements.
2) Émettre des recommandations à Santé Québec, la nouvelle et toute-puissante agence qui sera chargée de « gérer » dans son entier le système de santé et de services sociaux.
Le processus actuel des plaintes étant un fouillis sans nom, le ministre propose aussi la nomination d’un commissaire national aux plaintes.
L’important sera toutefois que les comités d’usagers existants ne se fassent pas avaler tout rond par un nouveau comité national ultra-centralisé.
Si tel était le cas, la voix des patients et des usagers serait encore moins bien entendue par les gestionnaires du réseau. Ce qui, considérant qu’elle l’est déjà rarement, serait une catastrophe.
Par communiqué, le Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU) le rappelle. Avec raison.
Rôle crucial
Les comités existants, avance-t-il, doivent «impérativement demeurer dans l’ensemble des établissements partout au Québec, dans toutes les installations et pour toutes les missions. De l’Outaouais à la Gaspésie, de Parent à Montréal».
Leur rôle est crucial. Point. Plus encore, s’il s’en faut, pour porter la voix des plus vulnérables d’entre nous. Notamment les personnes vivant avec un handicap physique ou intellectuel, les proches aidants, les aînés, les gens ayant des problèmes de santé mentale, etc.
Ce sont d’ailleurs les personnes les plus vulnérables et les moins nanties qui, depuis des années, ont le plus écopé de la rareté et de la mauvaise qualité des soins, des services et de l’hébergement.
Si le ministre Dubé entend rendre le réseau plus efficace et plus humain – comme nous le souhaitons tous –, il ne peut pas oublier ceux qui, justement, souffrent le plus de son manque d’efficacité et d’humanité.
Sylvie Tremblay, directrice générale du RPCU, met en effet le doigt sur le bobo. «Les comités des usagers, rappelle-t-elle, sont les chiens de garde de ces droits et il faudra s’assurer qu’ils puissent avoir les moyens de réaliser leurs fonctions partout où cela est nécessaire.»