Ottawa approuve le rachat de Shaw par Rogers, Québecor s’étend vers l’ouest
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Le suspense est terminé : Ottawa donne le feu vert à l’acquisition de Shaw par Rogers, une entente évaluée à 20 milliards $ qui verra aussi Québecor prendre le contrôle de Freedom Mobile, la filiale de téléphonie mobile de Shaw, pour 2,85 milliards $.
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C’est fait. Après deux ans de saga judiciaire, Rogers Communications met enfin la main sur Shaw dans une transaction qui permettra de créer un mastodonte des télécommunications au Canada.
Le ministre de l’Industrie François-Philippe Champagne a tranché, vendredi, en imposant une série de conditions aux parties. Notamment, l’arrivée en Ontario et dans l’Ouest canadien de Vidéotron, propriété de Québecor, devra mener à une baisse des prix de 20 % sur ce marché.

« Si les Canadiens ne commencent pas à voir une réduction significative des prix dans un délai raisonnable à la suite de cette décision, je n’aurai d’autre choix que de solliciter d’autres pouvoirs législatifs et réglementaires afin de faire baisser les prix. Et j’insiste pour le dire, rien n’est exclu », a déclaré M. Champagne, en point de presse matinal hier.
Vidéotron prête pour la guerre
Pour Vidéotron, c’est une percée dans l’Ouest canadien. En vertu de l’entente, Québecor achètera tous les clients sans fil et internet de Freedom et l’ensemble de l’infrastructure, du spectre et des points de vente de Freedom. Québecor pourra ainsi étendre ses opérations sans fil à travers le pays.
« Comme Vidéotron l’a fait dans le marché québécois, Freedom mènera une lutte féroce aux fournisseurs de services sans fil du Canada dans le but d’engendrer une baisse des prix au bénéfice des consommateurs », a déclaré Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Québecor.
La division Freedom Mobile de Shaw compte 1,7 million de clients. La vente fera de l’entreprise montréalaise, qui détient près du quart du marché du sans-fil au Québec, un joueur national avec des clients en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique.
« En unissant leurs forces, Freedom Mobile et Vidéotron deviendront le quatrième fournisseur de services de téléphonie mobile d’envergure nationale que les Canadiennes et les Canadiens attendent », a souligné Pierre Karl Péladeau.
Des conditions
M. Champagne impose aussi à Québecor qu’il ne transfère pas ses licences pour au moins 10 ans, qu’il installe le réseau de 5G sur le territoire de Freedom Mobile dans un délai de deux ans, qu’il étende le service sans fil au Manitoba et qu’il offre 10 % de données supplémentaires en bonus temporaire aux clients actuels de Freedom.
Québecor s’est d’ailleurs engagé à payer des pénalités de 200 millions de dollars si elle n’arrivait pas à respecter les termes de l’entente, a déclaré le ministre. L’entreprise aurait aussi accepté de payer 150 millions $ pour moderniser le réseau existant de Freedom Mobile, qui offre le service à près de deux millions de clients en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique.
Rogers et Shaw ont fait savoir, vendredi, que leur fusion, la plus importante transaction dans l’histoire des télécommunications canadiennes, sera bouclée avant la date limite fixée au 7 avril 2023
La fin d’une longue saga judiciaire et politique
Rogers tentait depuis mars 2021 de mettre la main sur Shaw.
Mais pour qu’une telle transaction ait lieu, elle devait passer le test de trois instances réglementaires : le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, et le Bureau de la concurrence.
Le CRTC avait donné son aval à la transaction en mars 2022. La transaction de départ incluait aussi l’acquisition de Freedom Mobile par Rogers, mais le transfert des licences avait été refusé par le ministre Champagne. C’est dans ce contexte que les deux parties prenantes se sont tournées vers Vidéotron.
Une décision infirmée
Le Bureau de la concurrence, un organisme indépendant de surveillance du marché, s’est aussi opposé au rachat, estimant qu’elle nuirait à la compétition et aux clients. La décision a été infirmée par le Tribunal de la concurrence, et la Cour d’appel fédéral a donné raison au Tribunal plutôt qu’au Bureau au mois de janvier dernier.
La décision du ministre Champagne est le point final de cette saga.
Il s’agit de la plus grande entente conclue dans le secteur des télécommunications de l’histoire du Canada, puisqu’elle implique la fusion des deux plus importants câblodistributeurs au pays et mène à la création d’un « quatrième joueur national » dans le marché canadien de la téléphonie mobile après Bell, Rogers et TELUS.
Jeux de coulisse
Par ailleurs, au cours des derniers mois le Financial Post avait rapporté que les dirigeants de TELUS avaient tenté d’influencer le gouvernement en faisant notamment valoir qu’il serait « dangereux » que Québecor se porte acquéreur de Freedom Mobile.
Parmi ses manœuvres, TELUS avait tenté de rencontrer des dirigeants politiques pour les persuader de rejeter la prise de contrôle. L’entreprise avait également tenté de « placer » des idées et des éléments d’argumentaire sur les plateformes du Parti libéral du Canada, du Parti conservateur du Canada et du Nouveau Parti démocratique pendant les campagnes électorales, selon des documents internes de TELUS cités par le Post.