Santé: la mission quasi impossible de Dubé
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Forcer les médecins spécialistes à donner plus de services et accroître la mobilité des infirmières sont des pierres angulaires de la réforme Dubé qui font rêver à un réseau de santé plus efficace. Ces changements sont nécessaires, mais l’affrontement avec leurs syndicats exigera du courage.
Les caquistes promettaient jadis d’aller chercher 1 milliard $ dans la rémunération des médecins, et ce n’est pas arrivé.
Cette fois-ci, le ministre de la Santé, Christian Dubé, soutient qu’un principe de «responsabilité populationnelle» permettra d’en avoir plus pour notre argent.
L’interminable conférence de presse suivant le dépôt de son projet de loi sur Santé Québec n’a pas permis d’avoir une idée claire des soins supplémentaires dont bénéficieraient les patients.
Ce sera à déterminer par les directions médicales territoriales, a-t-on débité de façon plus ou moins convaincante mercredi.
Même s’il n’y a pas un nombre d’heures de travail supplémentaires inscrit dans la loi, le ministre Dubé assure que les spécialistes devront accepter pour la première fois un principe d’activités médicales particulières, comme les médecins généralistes, qui doivent consacrer 12 heures par semaine à une urgence ou un CHSLD par exemple.
Il faut absolument des changements.
En tout, 161 000 Québécois étaient en attente d’une chirurgie en début d’année et 800 000 patients adressés par un médecin de famille attendent un rendez-vous avec un spécialiste.
Pour mettre un peu de pression, le ministre Dubé a l’intention de rendre publique en avril cette liste de rendez-vous en attente, pour que les patients voient ensuite l’amélioration lorsque les toubibs en feront davantage.
La situation n’est pas partout la même, mais des psychiatres délaissent la pratique dans les hôpitaux, sans conséquence pour eux, et aggravent les listes d’attente. Des radiologues travaillent de la maison et laissent la dure besogne à ceux qui bossent en établissement.
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Pourtant, la Fédération des médecins spécialistes est déjà montée aux barricades.
L’exemple des omnis
Ils pourraient prendre exemple sur les médecins de famille.
Christian Dubé a négocié avec eux l’inscription de patients auprès d’un GMF, après que François Legault eut menacé de les forcer à prendre en charge 1000 patients chacun.
Et le pilote Dubé semble enclin à accorder une faveur en retour de cette bonne volonté démontrée: il jettera du lest dans l’attribution des postes en région, un irritant pour attirer les jeunes vers la médecine familiale.
La FMSQ devrait prendre des notes avant de se braquer.
Convaincre les infirmières
Pour les infirmières, la bataille se déroulera sur deux fronts, et sera menée par la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel.
Elle devra d’abord faire avaler aux centrales syndicales le principe de fusion des conventions, afin de reconnaître l’ancienneté d’une infirmière partout au Québec.
Ainsi, Dubé pourrait concrétiser son rêve d’une banque de personnel pouvant combler des besoins en région, sans avoir recours aux coûteuses agences privées.
Puis, Sonia LeBel doit convaincre les infirmières ayant plus d’ancienneté de partager des quarts de travail de soir ou de fin de semaine avec leurs consœurs plus jeunes, pour réduire le temps supplémentaire obligatoire.
Cette surcharge gangrène le réseau et creuse la pénurie.
Un revirement de tendance est essentiel, mais implique tout un changement de culture.
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Pour y arriver, l’équipe gouvernementale mise sur des hausses de salaire plus importantes pour celles qui acceptent de mettre la main à la pâte.
Le moment semble favorable et l’opération est menée par deux des meilleurs éléments du gouvernement Legault.
La résistance sera grande.
Mais la combinaison du projet de loi de Dubé et de la négociation de LeBel donne envie d’y croire.