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Bande dessinée: heureux d’un printemps



Deux surprises de taille lancent ce printemps éditorial des plus prometteurs : un manga 100 % québécois et le retour sur nos rayons de Jimmy Beaulieu, figure incontournable du 9e art national.

Depuis la parution de Rôles de compositions aux éditions Mécanique générale en 2016, l’artiste-enseignant-éditeur Jimmy Beaulieu n’a pas chômé. L’homme-orchestre de la bande dessinée québécoise a produit une douzaine de titres aux tirages confidentiels diffusés hors du réseau habituel du livre. 

Bien que non essentiels à la compréhension de son corpus « officiel », ces fragments en consolident joliment les bases, créant du même souffle chez les lectrices et lecteurs l’impression grisante de participer à une chasse au trésor. C’est que Beaulieu a une manière singulière de fabriquer des livres. Il choisit l’assemblage de saynètes publiées dans différents collectifs et fanzines qui forme une cohésion scénaristique et thématique, plutôt que la construction classique d’un récit.

UNE GRANDE RÉCOLTE 

Photo fournie par les Éditions Nouvelle adresse

La quinzaine d’histoires intimistes produites sur plus d’une dizaine d’années et patiemment semées aux quatre vents que constitue cette fructueuse récolte du Jardin des complexes engendrent un grand cru. 

« Cet album est la suite des précédents, que ce soit mes fictions et mes autobiographies. C’est à la fois un prolongement et un retour », explique l’artiste. « En même temps, Jardin des complexes peut très bien être le premier album d’une lectrice ou d’un lecteur. » 

En effet, la mythologie « Beaulieuesque » peut être abordée par n’importe laquelle de ses œuvres, pour peu que l’on se laisse porter par notre ressenti. 

Dans cette nouvelle livraison, l’auteur s’amuse à brouiller les pistes en alternant des pans fictionnels et biographiques. « Lorsqu’on fait de la fiction, c’est de l’autobiographie déguisée, que ce soit Star Wars, les films d’Alfred Hitchcock ou Tintin au Tibet. Je suis toujours l’un ou deux de mes personnages. Des fois, j’ai envie de mettre ça en scène dans l’espace ou le fond de l’eau. Pourquoi pas. D’autant que ça insuffle de la vie et des éléments de surprises au bouquin. »

Grand retour que celui de Beaulieu, donc, qui nous livre un album puissant, sensible, militant. Car les personnages – tout comme leur créateur d’ailleurs – refusent le consumérisme effréné, faisant plutôt le choix de la beauté. 

On reçoit ce livre comme l’étreinte du tableau Date Night (1956) du peintre russe Anatoly Kuvin, qui rappelle d’ailleurs l’esprit graphique de certains passages du Tout continue, poignant récit qui clôt admirablement notre lecture. Nous sortons de cette lecture le cœur gonflé à bloc et l’esprit aéré, à l’instar d’une goulée d’air salvatrice du fleuve Saint-Laurent prise de la grève de l’île d’Orléans. 

Un manga 100 % fleurdelisé 

Photo fournie par les Éditions Michel Quintin

La popularité du manga auprès du jeune lectorat québécois n’affiche aucun signe d’essoufflement. Au contraire. Fort de cette réalité, les librairies et bibliothèques lui consacrent de plus en plus d’espace plancher. La métropole compte même une enceinte spécialisée (l’O-Taku Manga Lounge) et un événement annuel estival (Otakuthon) leur étant consacré. 

C’est dans cette conjoncture éditoriale inédite que les éditions Michel Quintin lancent Les Élus Eljun, un shônen 100 % fleurdelisé signé Jean-François Laliberté et Sacha Lefebvre. 

« Ils nous ont approchés au Salon du livre de Montréal 2021, en nous demandant si créer un manga était dans nos capacités. Sacha et moi on s’est regardé, on a souri et on a dit : Oh oui ! », raconte Jean-François Laliberté, qui anime avec son compère illustrateur la série de science-fiction U-Merlin pour le compte du même éditeur et dont le 5e opus est actuellement en chantier. 

« C’était d’adon, car durant la pandémie je me suis amusé à changer mon style et à faire des personnages dans le style manga. Cette demande ne pouvait pas mieux tomber », renchérit Sacha Lefebvre.

DANS LA PLUS PURE TRADITION DU SHÔNEN

D’invétérés lecteurs de mangas, Laliberté et Lefebvre auront mis à peine deux semaines pour jeter les bases de leur manga. « J’ai demandé à Sacha ce que ça lui tentait de dessiner... on a exploré les méchas et la science-fiction avec U-Merlin, maintenant quoi ? C’est de là que de créer un univers d’heroic-fantasy avec une esthétique d’inspiration viking avec leur mythologie développée est venue. » 

Eljun, l’arbre de la vie, est protégé des forces du néant par de preux guerriers. Suite à une attaque meurtrière, l’un de la bande active son pouvoir de réincarnation. Résultat ? Il devient amnésique... et berger ! Mais la force sommeillant en lui se réactive quelques années plus tard alors que son village d’adoption est menacé. 

« Nos inspirations pour notre manga sont dans les classiques comme Naruto de Masashi Kishimoto, Demon Slayer de Koyoharu Go-touge, One Punch Man et Mob Psycho 100 de One. Il y a aussi le grand classique, qui n’est pas un shônen, mais Akira de Katsuhiro Otomo qui est une de mes inspirations pour TOUS mes projets. » Côté graphique, on y dénote des effluves de Fairy Tails d’Hiro Mashima « Il y a aussi Yohei Takemura, l’illustrateur de Demon Slave, dont j’ai toujours un manga près de mon bureau dont je me sers comme référence, ainsi que Reiji Miyajima du manga Rent-a-Girlfriend, qui m’a inspiré à modifier mon style vers l’esthétique manga durant la pandémie. »

Les Élus Eljun se dévore d’un seul trait tant le plaisir des auteurs y est contagieux. Embrassant les codes du genre, le tandem livre un premier volet convaincant. « Une chose est certaine, on a créé un univers, un carré de sable assez vaste pour s’amuser TRÈS TRÈS longtemps. »  

Festival Québec BD

Ullustration fournie par Festival Québec BD

Le Festival Québec BD est de retour pour sa 36e édition au Salon international du livre de Québec. Il accueille plus d’une centaine de créatrices et de créateurs du 9e art tant québécois (Caroline Soucis, Boum, Catherine Lepage entre autres) qu’étranger (dont Émile Bravo, Achdé, Jean Villemin), en plus de proposer une copieuse programmation (expositions, causeries, ateliers, spectacles). Québec BD se déploie sur près de 25 lieux aux quatre coins de la Vieille Capitale. Un rendez-vous qui fait sortir la bande dessinée des cases !


♦ Festival Québec BD : 12-16 avril, quebecbd.com







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