10 ans d’enquêtes: nous surveillons de près les élus de l’Assemblée nationale
Vous voyez cet article car vous êtes connecté.
Article réservé aux utilisateurs connectés. Se connecter
Les candidats scrutés à la loupe
Lors des deux dernières élections québécoises, notre Bureau d’enquête a présenté de nombreuses statis-tiques au sujet des centaines de candidats des partis représentés à l’Assemblée nationale. Leur âge, leur sexe, leur activité principale, leur domaine d’étude et leur niveau d’éducation, leur circonscription de résidence, s’ils sont immigrants ou s’ils appartiennent à des minorités visibles, s’ils sont propriétaires ou s’ils ont des enfants : nous avons passé des centaines d’heures à compiler ces informations dans un guide qui a aidé nos lecteurs à faire leur choix.
Cette banque de données nous a aussi permis de publier plusieurs reportages analysant par exemple la diversité et l’origine des candidats, la proportion de femmes se lançant en politique ou le nombre de candidats « parachutés » dans une circons-cription qu’ils n’habitent pas.
Certaines de nos enquêtes ont aussi eu un impact sur le cours des campagnes électorales, comme l’histoire des taxes municipales impayées du chef conservateur Éric Duhaime.
• À lire aussi: 10 ans d’enquêtes: le ménage dans le système de santé
• À lire aussi: 10 ans d’enquêtes: notre Bureau d’enquête a contribué à la loi sur le cannabis
• À lire aussi: 10 ans d’enquêtes: tout le Québec en parlait
Le manque de transparence de Jacques Chagnon
Notre Bureau d’enquête s’est buté au manque de transparence de l’Assemblée nationale et de son ex-président, Jacques Chagnon, lorsque nous avons tenté en 2017 et 2018 d’avoir accès aux détails des dépenses des missions interparlementaires des députés. Selon des sources, « le vin coulait à flots » pendant ces voyages à l’étranger. Seuls les coûts totaux des missions étaient rendus publics annuellement.
Nous révélions ensuite que les membres du Bureau de l’Assemblée nationale (BAN), présidé par M. Chagnon, dégustaient pendant leurs réunions des repas gastronomiques, dont des homards décortiqués et du vin à 38 $ la bouteille. M. Chagnon a martelé plus tard ne pas vouloir dévoiler les dépenses en alcool tout comme le coût « du teinturier pour vos petites culottes ».
L’arrivée de François Paradis à la présidence de l’Assemblée nationale a grandement amélioré la transparence de l’institution en nous donnant accès à ses factures de missions et en publiant des rapports de dépenses beaucoup plus détaillés. On y apprenait qu’il voyageait en classe économique et a banni l’alcool des réunions du BAN. Le montant des allocations remboursées aux députés fait maintenant l’objet d’une publication annuelle.
- Écoutez l'entrevue de Richard Martineau avec Jean-Louis Fortin, directeur du Bureau d'enquête de Québecor sur QUB radio :
L’heure juste sur les affirmations des élus
Vrai, faux, douteux : l’Heure juste, notre chronique de vérification des faits, a fait grandement réagir au cours des dernières années. Dans un monde post-factuel, notre rôle de journalistes professionnels est de rétablir les faits... trop souvent altérés par nos politiciens. Tantôt citée en commission parlementaire, tantôt en conférence de presse, l’Heure juste a également été d’une grande utilité pour nos lecteurs lors des campagnes électorales, alors que les déclarations des aspirants députés fusent de toutes parts.
Véronyque Tremblay, alors ministre déléguée aux Transports, a même brandi l’Heure juste dans une mêlée de presse en 2018 pour faire valoir son argument. Chronique en main, elle a cité le texte, lequel indiquait que le député caquiste Éric Caire avait tort en disant que toutes les études préconisaient un troisième lien à l’est de Québec.
Michaëlle Jean vivait comme une reine
Rien de trop beau pour l’ex-secrétaire générale de la Francophonie, Michaëlle Jean. L’ex-gouverneure générale du Canada a fait l’objet de plusieurs reportages de notre Bureau d’enquête, notamment en raison de son train de vie somptueux, financé par les contribuables francophones du monde.
Mme Jean a notamment pu profiter de rénovations totalisant un demi-million de dollars dans son appartement de fonction de Paris, lors de son arrivée dans la Ville Lumière en 2015. Un piano coûtant 20 000 $ et du mobilier neuf à 75 000 $ sont au nombre de ses fastueux achats. L’utilisation d’un chauffeur privé pour son époux et des irrégularités dans le financement d’une croisière pour jeunes francophones ont également marqué le tumultueux passage de Mme Jean à la tête de l’Organisation internationale de la Francophonie.
Dans la foulée de nos reportages, Mme Jean n’a pas été reconduite à son poste en octobre 2018, battue par la Rwandaise Louise Mushikiwabo.
Enquête sur le député Louis-Charles Thouin
Un passé en politique municipale peut être un atout pour un député à l’Assemblée nationale. Dans le cas de Louis-Charles Thouin, son ancienne carrière est plutôt venue le hanter.
Notre Bureau d’enquête révélait en mars 2021 que le député de Rousseau s’est impliqué directement dans les décisions touchant un entrepreneur dont il était aussi l’ami lorsqu’il était maire de Saint-Calixte. M. Thouin, élu sous la bannière de la Coali-tion Avenir Québec en 2018, a également confié un mandat de gestion animalière à un organisme qu’il a lui-même fondé et dont sa conjointe est devenue directrice.
Toujours à titre de maire, il a donné son autorisation à une transaction immobilière impliquant la compagnie où sa belle-fille était cadre.
Une semaine plus tard, nous révélions qu’il faisait l’objet d’une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC), forçant son retrait du caucus caquiste. L’UPAC a mis fin à son enquête sans accusation en septembre 2021, si bien qu’il a pu réintégrer la formation de François Legault, dont il fait toujours partie.
Lelièvre chassé
« Le PQ chasse Lelièvre », titrait en première page Le Journal, le 17 mai 2017, pour rapporter l’expulsion du député de Gaspé du caucus péquiste.
La veille, notre Bureau d’enquête révélait que Gaétan Lelièvre avait reçu – et même demandé – plusieurs cadeaux de la firme de génie-conseil Roche, alors qu’il était directeur général de la Ville de Gaspé en 2008 et 2009. Roche venait d’obtenir un contrat sans appel d’offres pour la réfection d’infrastructures de la municipalité.
Des billets pour le centre Bell, le prêt gratuit du condo d’un cadre de l’entreprise et un coup de pouce pour vendre son bateau sont au nombre des faveurs dont a pu profiter l’ex-péquiste, selon des courriels consultés par notre Bureau d’enquête.
« Ses actions d’il y a neuf ans [...] et sa décision de ne pas rendre publiques ces informations dommageables pour lui et pour notre formation politique doivent être sanctionnées », avait indiqué le chef péquiste, Jean-François Lisée, au moment de l’exclure. En juin 2018, le député, toujours indépendant, a indiqué qu’il ne briguerait pas de troisième mandat.
L’éthique élastique de Pierre Fitzgibbon
Certains de nos reportages ont mené à des enquêtes et blâmes de la commissaire à l’éthique au sujet du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon.
Nous révélions en avril 2019 que M. Fitzgibbon et son ami, Guy Leblanc, étaient copropriétaires de l’entreprise Move Protéine, une semaine avant la nomination de ce dernier comme PDG d’Investissement Québec. Le mois suivant, notre enquête montrait que l’acheteur des actions de M. Fitzgibbon dans Move Protéine, Luc Laperrière, était un lobbyiste actif auprès de lui sans qu’il ait déclaré officiellement ses représentations. La commissaire a blâmé sévèrement le ministre dans un rapport en octobre 2020.
Notre Bureau d’enquête a ensuite révélé que M. Fitzgibbon est apparu dans le cadre de ses fonctions aux côtés de la dirigeante d’Immervision, dont il était toujours partenaire financier malgré les avis contraires de la commissaire à l’éthique.
Ensuite, nous avons montré que White Star Capital, dans laquelle M. Fitzgibbon était investisseur à l’époque, était gérée dans un paradis fiscal. La commissaire l’a encore blâmé en juin 2021 parce qu’il détenait toujours ses actions dans ces entreprises et le ministre a démissionné le temps de réussir à les vendre.
En décembre dernier, une sixième enquête a été déclenchée par la commissaire après la publication de notre reportage concernant une partie de chasse au faisan du ministre sur une île privée appartenant à un groupe de riches hommes d’affaires qui bénéficient de subventions publiques.
Ils vous cachent des choses
L’accès à l’information et la transparence des institutions démocratiques sont essentiels pour le travail des journalistes. En 2018, nous avons publié un dossier sur les nombreux refus et irrégularités qui ressortent des dizaines de demandes d’accès à l’information réalisées par nos journalistes et recherchistes à Québec et Ottawa.
Ce dossier recensait les pires obstacles à la transparence, comme des cas d’ingérence politique dans les réponses faites à nos demandes d’accès à l’information et des exemples de documents lourdement caviardés.