Après Roxham, d’autres passages illégaux à Saint-Armand
Les résidents ne craignent pas les migrants et invitent plutôt à l’humanisme
SAINT-ARMAND - Malgré la fermeture hautement médiatisée du chemin Roxham il y a trois semaines, le va-et-vient continue de plus belle le long de la frontière canado-américaine, notamment à Saint-Armand, en Estrie, où les résidents ont remarqué une hausse des déplacements.
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« Il y en a davantage depuis quelques semaines. J’en ai croisé en allant faire l’épicerie, ils ne sont pas dangereux, c’est eux qui se cachent quand ils nous voient. C’est triste, c’est du pauvre monde », lance André Labelle, un résident de cette petite municipalité de 1200 âmes qui longe la frontière avec le Vermont.
Le Journal l’avait rencontré en septembre dernier lorsqu’une voiture de passeur était restée coincée sur sa propriété. En réalité, le devant de la minifourgonnette était chez lui, alors que l’arrière était dans la ville américaine de Highgate, de l’autre côté de la frontière.
Après plusieurs démarches, la Sûreté du Québec a fini par accepter de remorquer le véhicule hors de son terrain. Mais trois autres voitures abandonnées dans le champ de maïs de son voisin américain, qui s’y trouvaient d’ailleurs déjà lors de notre passage, n’ont pas bougé.
« Ça fait des mois que je fais des démarches pour qu’on les enlève, mais personne d’autre que moi ne semble s’en soucier. La bonne nouvelle, c’est qu’un raton laveur en a fait sa maison et n’a pas eu froid cet hiver », dit-il en riant.
Policiers et hélicoptères
Plusieurs autres résidents de Saint-Armand ont mentionné au Journal avoir remarqué une plus grande affluence des migrants depuis la fin-mars, moment où la fermeture du chemin Roxham, à Saint-Bernard-de-Lacolle, a été annoncée. La présence de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), autant terrestre qu’aérienne, s’est également intensifiée depuis quelques semaines aux abords de la frontière.
« Il y a définitivement plus de policiers et de patrouilles par hélicoptère », mentionne André Labelle.
Rencontré alors qu’il prenait un bain de soleil sur le balcon de sa maison située à quelques pas du Vermont, Robert Lussier a lui aussi remarqué une plus grande présence des autorités canadienne et américaine depuis la fin mars.
« On les sent plus depuis qu’ils ont fermé Roxham, dit-il. Même les Américains, ils ont installé des caméras partout. Je ne peux même plus profiter de ma terre librement, ils me voient sur leurs caméras par exemple si je veux aller faire du ski de fond. »
Aussi vers les États-Unis
Mais il n’y a pas que des migrants à Saint-Armand, rappelle Mary Mcnamara, dont la propriété abrite un chemin très utilisé par des gens qui veulent traverser illégalement afin de se rendre aux États-Unis. Celle-ci estime que sa terre permet à au moins un groupe de personnes par jour de se rendre au Vermont. D’ailleurs, pas plus tard que jeudi matin, elle fut réveillée aux aurores par des agents de la GRC et leurs intenses projecteurs lumineux qui tentaient d’intercepter un groupe d’origine hispanique qui avait été vu en train de traverser sur des caméras.
« On s’est fait expliquer par des policiers de la GRC que ce sont surtout des Mexicains qui viennent ici par avion puisqu’ils n’ont pas besoin de VISA (pour entrer au Canada). Ensuite, ils vont rejoindre les États-Unis par la frontière terrestre », explique celle qui déborde d’empathie et de respect pour ces voyageurs.
Boire un café
Mme Mcnamara a même déjà invité des familles à entrer pour boire un café ou pour faire un téléphone. Elle a d’ailleurs gardé contact avec une couple colombien et espère un jour pouvoir rencontrer leur nouveau-né.
« Ce ne sont pas des gens méchants, je pense qu’on gagnerait tous à être plus humains envers ces personnes. Ils arrivent avec presque rien, presque pas de bagage, c’est très triste tout ça. »
Comme le démontrent une compilation fournie par la GRC, les policiers semblent intercepter de moins en moins de personnes depuis la fermeture du chemin Roxham, le 25 mars. Ces chiffres étaient toutefois à prévoir, puisque les migrants passaient auparavant sans problème et sans se cacher au chemin irrégulier Roxham, alors qu’ils doivent désormais se faire discret.
Interceptions par la GRC depuis la fin avril :
- 25 au 31 mars : 194 demandeurs d’asile
- 1er au 7 avril : 36 demandeurs d’asile
Source GRC