L’agression sexuelle: le silence de la honte
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La majorité des victimes d’agression sexuelle connaissent leurs agresseurs et refusent de les dénoncer, rongées par la peur de ne pas être crues et la honte. Au Canada, seulement 6 % des agressions sexuelles sont déclarées à la police.
Lorsque des survivantes prennent la parole publiquement, comme le fait Catherine Fournier, l’ex-députée péquiste de Marie-Victorin et mairesse de Longueuil, dans le documentaire Témoin C.F., elles favorisent la libération de la parole de certaines victimes tapies dans l’ombre. Ce phénomène a également été constaté avec le mouvement #MoiAussi. Cependant, l’effet de ce genre de révélation sur le nombre de dénonciations est toujours malheureusement éphémère.
- Pour voir le documentaire Témoin C.F. sur Vrai, cliquez ici.
Pourquoi aussi peu de dénonciations? Les facteurs sont multiples: la peur de ne pas être cru, la honte devant le regard des autres, la crainte du système judiciaire, le peu de soutien de l’entourage, l’impact sur l’image de soi, l’impunité et les sentences dérisoires de certains agresseurs.
La culture du viol
Soyons assez honnêtes : nous vivons dans une société qui banalise l’agression sexuelle. Vous trouvez que j’exagère? Croyez-vous que les hommes ne puissent contrôler leurs pulsions sexuelles? Croyez-vous que les victimes soient en partie responsables de leur victimisation? Avez-vous déjà fait des commentaires sexistes ? Croyez-vous qu’une majorité des dénonciations sont des mensonges? Autant de questions qui sous-tendent la banalisation de l’agression sexuelle.
- Écoutez l'entrevue avec Catherine Fournier à l’émission de Yasmine Abdelfadel via QUB radio :
Et il ne faut pas oublier la pornographie dans tout ce méli-mélo. Des films où l’agression sexuelle est banalisée en abondance, et ce, même avec des mineurs. «Elle dit NON, mais c’est un OUI». Une mécompréhension totale du consentement qui est encore pire dans les relations conjugales.
Un changement de culture et l’éducation parentale demeurent la pierre angulaire d’une société plus pacifiste. Mais, comme le dit si bien le sociologue Edgar Morin: «Le plus difficile n’est pas de changer de cap, n’est pas de changer de politique, c’est de changer de mentalité, autrement dit de structure de pensées».
Des sentences clémentes
La détermination de la peine dans notre système de justice est complexe. Le juge doit tenir compte de différents éléments, et parfois, il peut se retrouver les mains liées lorsque le procureur arrive à une entente avec l’avocat de la défense. J’en ai d’ailleurs parlé dans ma chronique du 12 avril.
- Écoutez la chronique de Maria Mourani au micro de Richard Martineau, disponible en balado sur QUB radio :
Cependant, outre les sentences bonbon, la banalisation de l’agression sexuelle colore, quant à moi, les décisions juridiques, puisqu’aucun humain n’est exempt de biais et de stéréotypes. Par exemple, en décembre 2022, la Cour suprême du Canada a ordonné la tenue d’un nouveau procès (heureusement!) dans une affaire sordide d’agression sexuelle sur une fillette de 7 ans. Le juge de première instance avait acquitté l’agresseur sous la base de stéréotypes. Il soutenait alors que la fillette avait une relation «solide et normale» avec son grand-père, ce qui jetait un doute sur les agressions sexuelles présumées.
C’est bien beau de demander aux victimes de dénoncer, mais il faudrait minimalement que les sentences suivent!