La justice américaine est malade et c'est inquiétant

Les Américains sont fiers de leur système de justice, mais un coup d’œil sur l’actualité donne bien des raisons de s’inquiéter de son état de santé.
Selon le serment d’allégeance que tous les Américains connaissent par cœur, une promesse solennelle de leur république est la «justice pour tous». La Constitution promet aussi l’égalité des citoyens devant la loi et des juges à l’abri de la politique et de la corruption.
S’il est vrai que ces promesses n’ont jamais été entièrement tenues, elles sont particulièrement mises à mal par les temps qui courent.
La justice des armes à feu
Des incidents récents, au Missouri et dans l’État de New York, ont remis au-devant de la scène les lois qui protègent les individus qui se font justice eux-mêmes par les armes. Ces gestes seront-ils punis? Pour l’homme qui a presque tué Ralph Yarl – cet adolescent coupable d’avoir sonné à la mauvaise sonnette –, un acquittement semble probable, comme dans le cas du meurtrier de Trayvon Martin il y a dix ans.
La violence policière contre les Noirs continue aussi de contredire la promesse de justice pour tous, alors que les huit officiers de l’Ohio qui ont criblé Jayland Walker de douzaines de projectiles ont été exonérés.
Cette culture qui prône une justice arbitraire à la pointe du fusil était aussi à l’évidence dans les propos enregistrés d’un shérif de l’Oklahoma se plaignant de ne pas pouvoir lyncher les suspects afro-américains qui, à ses yeux, «ont plus de droits que nous».
Quand la justice semble fonctionner, comme dans le cas du Texan jugé coupable du meurtre d’un manifestant Black Lives Matter à Austin, la politique s’en mêle. Immédiatement après le verdict, le gouverneur républicain du Texas a gracié le coupable, qui deviendra probablement un nouveau héros de la droite fêlée.
Au-dessus des lois
L’égalité devant la loi devient un concept bien abstrait quand on constate l’incapacité du système à amener l’ex-président Trump devant les tribunaux. Dans le cas du 6 janvier 2021, notamment, des centaines de ses exécutants ont été jugés, mais le capo reste au large et ses millions de partisans le croient au-dessus des lois.
La justice américaine pourrait se réchapper si l’ex-président finit par être tenu responsable des gestes qu’il a posés, mais il est devenu pratiquement impossible de discuter de ces affaires sans s’engouffrer dans la partisanerie.
Des juges hyperpolitisés
Pendant ce temps, la confiance des Américains envers les institutions judiciaires s’émiette, notamment à cause de l’extrême politisation de certains juges.
Sur l’avortement, par exemple, les activistes conservateurs qui dominent la Cour suprême ont renversé un demi-siècle de jurisprudence. D’autres juges s’improvisent médecins en exigeant la décertification de médicaments utilisés depuis des décennies.
Récemment, on a aussi vu des révélations chocs concernant le juge de la Cour suprême Clarence Thomas, qui se moque des règles de divulgation financière après avoir accepté les cadeaux pharaoniques d’un milliardaire conservateur associé à de multiples causes devant la Cour.
Bref, le système de justice américain est mal en point. Ces maux sont-ils irréversibles? Probablement pas, mais la solution devra passer par un grand ménage de la culture politique – et de la culture tout court – chez nos voisins. Ce n’est pas demain la veille.