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Déjà une quarantaine d’incidents en 2023: une balle siffle tous les deux jours dans les rues de Montréal

Le SPVM est sur le qui-vive et craint une flambée de violence cet été

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Pascal Girard/AGENCE QMI


Des balles sifflent un jour sur deux dans les rues de Montréal depuis janvier. Ce début d’année retentissant fait craindre à plusieurs un été chaud dans la métropole. 

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« On est sur le qui-vive présentement, lance l’inspecteur Dominique Côté, chef de la division du crime organisé au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). On ne peut pas prédire l’avenir, mais force est d’admettre qu’on risque de connaître une augmentation avec le beau temps. »

Depuis le début de l’année, on recense au moins 48 événements où des coups de feu ont été tirés, selon des données colligées par la police de Montréal et Le Journal. Le dernier remonte à jeudi soir, où des impacts de balles ont été découverts sur une résidence de Roxboro, sans toutefois faire de victime.

Violence par armes à feu à Montréal en 2023

rougeMeurtre
orangeTentative de meurtre
jauneDécharge d’arme à feu
PHOTOS JOURNAL DE MONTRÉAL / AGENCE QMI

Cette carte a été produite en fonction des événements couverts par les médias et des documents disponibles. Quelques événements comptabilisés dans les chiffres officiels fournis par le SPVM sont passés sous le radar et ne s'y retrouvent donc pas.

Presque l’entièreté de ces incidents violents a un lien avec les gangs de rue, selon nos sources. Quand il y a des victimes atteintes par des projectiles, ce sont en grande majorité des hommes âgés de 18 et 35 ans. Étonnamment, des sept meurtres à avoir été commis sur le territoire montréalais depuis janvier, un seul a été perpétré avec une arme à feu. 

Déplacement

Si les arrondissements de Montréal-Nord, de Rivière-des-Prairies et de Pointe-aux-Trembles avaient connu une augmentation des fusillades au cours des dernières années, on constate désormais un changement. La criminalité par arme à feu semble s’être recentrée vers le centre-ville, soit l’arrondissement Ville-Marie.

Selon la police, ce déplacement s’explique par le fait que les criminels ont pris l’habitude de louer des appartements de courte durée (de type Airbnb) afin de se rassembler et de cacher des armes ou de la drogue. Ils priorisent ce secteur en raison de sa proximité avec les bars. 

La police ne ménage pas les efforts pour contrer cette flambée de violence, alors qu’elle a procédé à 78 arrestations en la matière depuis le début de l’année, en plus de saisir près de 200 armes. 

Des conséquences ailleurs

D’ailleurs, comme la violence par arme à feu est une problématique ayant des conséquences dans plusieurs sphères de la société, les forces policières sont loin d’être les seules à craindre un été chaud. 

L’administration Plante a soulevé des craintes au cours des derniers jours en raison du manque d’effectifs policiers. Le milieu hospitalier craint lui aussi à une hausse des fusillades.

« Je regarde les trois derniers mois, on a eu à faire trois ou quatre opérations par semaine pour des blessures par arme à feu, mais maintenant, c’est la réalité. J’appréhende un été difficile. J’espère que ça ne sera pas le cas », a lancé Dr Jérémy Grushka, chirurgien traumatologue au centre universitaire de santé McGill.

Par ailleurs, en plus d’amener un fardeau sur le système de santé, les coûts sociaux liés à un crime par arme à feu dépassent le demi-million de dollars.

– Avec Maxime Deland, Agence QMI, Ian Gemme, Bureau d’enquête et Camille Payant. 

Un véritable marathon pour contrer les armes à feu 

La division du crime organisé se dit plus motivée que jamais pour régler le problème

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L’inspecteur responsable de la division du crime organisé, Dominique Côté, n’a jamais vu un tel niveau de motivation. Photo Martin Alarie

 

La police de Montréal est forcée d’admettre que les fusillades sur son territoire ne sont plus des événements isolés, mais bien une tendance bien incrustée qu’il faut contrer à tout prix. La division du crime organisé voit désormais la lutte contre ce fléau comme un « marathon » plutôt qu’un « sprint ». 

Depuis environ un an et demi, les policiers du SPVM travaillent plus fort que jamais à freiner la violence par arme à feu. C’est devenu une priorité absolue pour les 4500 agents, enquêteurs et hauts gradés de l’organisation.

« Tout ce que les équipes font actuellement, c’est incroyable, dit l’inspecteur Dominique Côté, responsable de la division du crime organisé. Toutes les heures mises, les pirouettes et les acrobaties qui sont faites, ça m’impressionne énormément. »

Le grand patron du crime organisé remarque un changement de mentalité depuis les derniers mois dans son équipe. Comme le nombre de fusillades ne semble pas vouloir s’atténuer, les autorités travaillent désormais avec une vision à plus long terme, sans pour autant négliger le travail quotidien. 

« Tout ce qu’on fait actuellement, on le fait à fond. On ne peut pas aller plus loin que ça. Je me dis qu’à force d’arrêter des gens et de saisir des armes, ils vont finir par en manquer. C’est vraiment mon souhait. C’est un marathon qu’on fait. C’est comme ça qu’on le voit maintenant. »

Imprévisible

Et la tâche est loin d’être simple, particulièrement pour les services de renseignement criminels. Il est devenu extrêmement difficile d’identifier les jeunes issus des gangs de rue puisqu’ils sont constamment en conflit entre eux. En une semaine, des groupes peuvent se séparer et d’autres peuvent se créer. 

De nouveaux leaders peuvent régner quelques jours à peine avant d’être mis de côté et remplacés par une nouvelle tête dirigeante.

« Ils sont très imprévisibles et ça ne prend pas grand-chose pour créer un conflit, dit l’inspecteur Côté. Par exemple, il y en a beaucoup qui sont nés autour de leur musique. S’il y en a un qui fait un vidéoclip dans lequel il dit avoir déchargé une arme à feu, mais qu’au fond, ce n’est pas vrai, il pourrait se faire viser. »

Cohabiter

Considérant les réalités diamétralement opposées entre les policiers et les jeunes issus des gangs de rue, des efforts considérables doivent être mis pour créer un certain lien de confiance. La police de Montréal souhaite que les jeunes qui gravitent autour de la criminalité cessent de se méfier d’eux. 

« Il faut qu’on cohabite tout le monde ensemble, dit-il. On doit se faire connaître, échanger avec eux. Qu’on devienne une option pour eux dans l’éventualité où ça va pas bien. » 


MIEUX ENCADRER LA PRÉVENTION POUR CONTRER LA VIOLENCE

Bien que la prévention soit primordiale pour contrer la violence armée à Montréal, les initiatives sont trop souvent inefficaces, déplore un chercheur.

« On a des exemples assez frappants de programmes de prévention communautaire qui se sont soldés en échec », a expliqué le professeur de l’école de criminologie de l’Université de Montréal Étienne Blais. 

Ce dernier vient d’être nommé titulaire de la nouvelle Chaire de recherche sur la prévention de la violence armée dans la région métropolitaine. 

Il souhaite en savoir plus sur la distribution de cette violence sur le territoire montréalais, par exemple en évaluant la présence des criminels sur les réseaux sociaux et en examinant s’il y a un effet de contagion lorsque des fusillades surviennent. 

Mieux prévenir

« Mieux comprendre la violence, ça va aider à mieux la prévenir », a dit le chercheur, qui a obtenu un financement de 1 M$ sur cinq ans pour mener à terme ses travaux.

Il compte aussi se pencher sur les actions de prévention déjà en place, afin d’évaluer si elles sont efficaces.

« On veut créer un registre des meilleures pratiques, déterminer ce qui se fait, par exemple auprès des jeunes dans des communautés plus défavorisées, où la violence se concentre souvent », a-t-il expliqué. 

Il déplore que ces programmes de prévention, pourtant essentiels pour lutter contre la criminalité, soient rarement évalués.

« On en finance, des programmes qui sont censés prévenir le crime et qui ne réussissent pas nécessairement, a-t-il noté. Il y a des raisons, donc il est important de les comprendre. »

Effets pervers

Il donne en exemple des activités de loisirs offerts aux jeunes contrevenants ou à risque de tomber dans la criminalité. 

« Il y a des études qui montrent que ç’a des effets pervers de mettre des jeunes à risque ensemble, ça peut augmenter leur cohésion et amener plus de délinquance », a-t-il expliqué. 

Il insiste : il existe bien sûr des organismes communautaires solides. Mais il note que d’autres sont plus « émergeants », et n’ont pas les ressources et connaissances pour l’enjeu de la prévention du crime.

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